En tant que conseillère auprès d’entreprises familiales, l’un des problèmes les plus courants et les plus complexes que je rencontre régulièrement est l’effondrement de la distinction entre la famille et l’entreprise. Ce n’est pas surprenant : en général, les personnes concernées se connaissent bien et intimement et, dans une large mesure, il est tout à fait naturel que leurs attentes les unes envers les autres dans un domaine de leur vie se retrouvent parfois dans d’autres.
Malheureusement, cela entraîne trop souvent des tensions, des frictions et pire encore. Bon nombre des décisions que nous prenons au sujet de nos vies, de nos entreprises ou de notre patrimoine auront une incidence sur les autres, mais elles ne sont pas toujours la préférence des autres ou à leur avantage. Cela est particulièrement vrai en cas de succession, lorsque la gestion de l’entreprise, du patrimoine ou de la famille doit être assurée par quelqu’un d’autre. Mais qui devrait s’en charger? Pourquoi? Et comment?
Prenons l’exemple d’un conte de fées : le roi et la reine ont trois enfants et doivent les envoyer en mission pour voir s’ils sont dignes du trône. Au lever du soleil à l’est, l’aîné est envoyé en premier, mais ne parvient pas à accomplir la tâche. Le deuxième enfant est envoyé et retourne aussi les mains vides. Enfin, désespérés, le roi et la reine envoient le troisième enfant (parfois ridiculisé parce qu’il n’est encore qu’un « enfant ») qui réussit à rentrer avec l’oie d’or. Cela signifie-t-il que le troisième enfant est digne du trône? C’est une question difficile, et soyons clairs, même pour un conte de fées, plus d’information est nécessaire.
Deuxième acte
Le conte de fées qui m’intéresse le plus est celui où le soleil se lève à l’ouest. La croissance intense de l’entreprise ou la vente d’une partie ou de la totalité de l’entreprise a grandement contribué à la prospérité au cours des cinq dernières décennies ici, à Edmonton. Ces rois et reines d’entreprise ont fait leurs devoirs et leur contrôle diligent, et ils ont si bien combattu ennemis et dragons que les liquidités qu’ils ont amassées ne sont souvent pas nécessaires pour réinvestir dans l’entreprise. Ainsi, les actifs familiaux s’étendent bien au-delà de l’entreprise. Ou encore, l’entreprise a été vendue, convertissant la valeur nette d’une société exploitante en espèces détenues dans des sociétés de portefeuille.
Et maintenant, la prochaine génération prend les rênes de l’entreprise familiale. Vivront-ils heureux jusqu’à la fin des temps? C’est difficile à dire. Pourquoi? Parce que l’activité principale du royaume n’est plus gérée par le roi et la reine; le personnel n’est plus à leur commandement. Autrement dit, le chef des Finances ne peut plus aider le roi et la reine soit en raison d’un manque de capacité pour aussi gérer le patrimoine familial, soit parce qu’il a suivi l’acheteur de l’entreprise. Comme le roi et la reine n’ont plus de cour royale, la gestion de leurs propres actifs et avoirs complexes les inquiète. Qui s’occupera des lévriers royaux après leur mort? Comment géreront-ils tout cela sans stress, et comment s’assureront-ils que le patrimoine qu’ils ont accumulé soutiendra leur famille pendant de nombreuses années ou générations à venir?
Ce sont là aussi des questions difficiles. Et c’est là que le bât blesse : selon John Ward, éminent chercheur en entrepreneuriat familial, 70 % des entreprises familiales ne survivent qu’une génération, 30 % d’entre elles se rendent à la deuxième génération et 13 % à la troisième. Seulement 3 % des entreprises familiales survivent jusqu’à la quatrième génération et au-delà. Entre-temps, les chercheurs Williams et Presser ont démontré que 60 % des entreprises ont fait faillite en raison d’un manque de communication et de confiance au sein de la famille, 25 % en raison d’un manque de préparation des héritiers à occuper les rôles et les responsabilités nécessaires, et 15 % faillissent pour d’autres raisons – facteurs du marché, manque de financement, Tracassin, etc.
Ce que je retiens surtout de ces statistiques, c’est la nécessité de travailler sur la communication et de planifier soigneusement la transition des compétences, des connaissances et du capital institutionnel, à la fois pour faire la transition d’une entreprise active et pour transférer la gestion du patrimoine à l’extérieur de l’entreprise. En fait, c’est l’intention qui est essentielle. Même si cela peut sembler un peu fantaisiste, le développement d’une solide culture de « communication intentionnelle » permet non seulement à une entreprise familiale de bien transmettre le patrimoine d’une génération à l’autre, mais aussi de soutenir le patrimoine générationnel par un bureau de gestion familiale plus grand qui résiste à l’épreuve du temps.
Déterminer les rôles
La communication intentionnelle, c’est de participer à des forums et de créer un espace de discussion délibérée :
- Forum sur les questions familiales
- Forum sur les questions d’affaires et de patrimoine
- Forum sur les questions de propriété
Dans certains cas, les participants pourraient être les mêmes, mais ils portent des chapeaux différents et ils regardent dans différentes boules de cristal. L’essentiel est que les participants aient les mêmes priorités. En ayant les bonnes personnes dans les bons forums, les bonnes décisions peuvent être prises.
Souvent, ces forums sont mieux encadrés par le conseiller d’entreprise royal (familial), qui se posera des questions importantes, comme :
- Comment les membres de la famille peuvent-ils être riches ensemble? Y a-t-il des forums qui appuieront l’apprentissage, le partage de l’information et la prise de décisions?
- Quelles compétences vos enfants et vos petits-enfants doivent-ils acquérir pour être de bons gestionnaires du patrimoine familial?
- Comment allez-vous gérer les questions ponctuelles de comptabilité et d’observation fiscale qui accompagnent un patrimoine complexe? Qui est le ou la chef des Finances de la famille?
- Comment allez-vous planifier vos efforts de philanthropie et d’impact?
La vie, bien sûr, n’est pas un conte de fées, et le simple fait de souhaiter qu’elle le soit ne fonctionnera pas. Il en va de même pour les entreprises et les patrimoines. Nous pouvons aimer nos familles jusqu’à la fin des temps, mais l’amour ne paie pas les factures, n’héberge et ne vêtit pas le personnel, et ne garantit pas un avenir viable pour l’entreprise ou la famille. Il faut donc faire preuve de bon jugement – il faut parfois s’attendre à un minimum de risque et adapter sa gestion en conséquence – et s’engager à prendre des décisions en fonction de renseignements et d’objectifs clairs et intentionnels. C’est le moyen le plus sûr pour vivre heureux jusqu’à la fin des temps.
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