Les JNF s’imposent dans le secteur des médias

Malgré ce que vous avez peut-être entendu, les jetons non fongibles (JNF) ne relèvent pas d’une mode passagère. Au contraire, cette forme d’actif numérique issu d’Internet et présent dans la chaîne de blocs offre des possibilités de monétiser une propriété intellectuelle nouvelle ou existante et de créer de nouveaux incitatifs encore plus attrayants pour les adeptes et les clients. Pour les organisations médiatiques en particulier, accéder à ce nouvel espace peut sembler intimidant et risqué, mais il est aussi risqué de s’en abstenir.

Le marché des JNF croît rapidement : les évaluations et les ventes montent en flèche. En 2021, OpenSea, l’un des plus vastes marchés d’objets de collection numériques, a enregistré un volume de transactions de plus de 14 milliards de dollars, contre 21,7 millions de dollars en 2020. C’est impreesionnant, car le volume des transactions aurait ainsi été multiplié par 646, selon les données de la plateforme Token Terminal (en anglais).

Dans le paradigme dominant que la plupart d’entre nous considérons aujourd’hui comme Internet (le « Web 2.0 »), les créateurs de contenu peuvent monnayer leur contenu, et les utilisateurs courants, échanger leurs données sur les plateformes sociales, une grande partie des profits revenant aux plateformes. Les JNF, eux, relèvent essentiellement de la nouvelle itération d’Internet, appelée « Web3 ». Dans ce paradigme, non seulement les créateurs touchent des redevances au titre de leur contenu, mais ils disposent aussi d’un nouveau mode d’interaction directe avec leur public. Dans le Web3, les créateurs sont propriétaires des cercles auxquels ils participent, au lieu d’être des participants passifs comme dans le cas des applications Web 2.0. Ce principe s’applique aussi à la gouvernance : les utilisateurs et les adeptes ont le pouvoir d’influencer l’évolution de l’écosystème.

En d’autres termes, le Web3 mise sur la participation accrue des adeptes, et tous les types d’organisation peuvent en bénéficier en « activant » leur public, en particulier celles des secteurs des médias, du jeu numérique et des sports. Au moyen de la propriété et de l’adhésion à un cercle, les JNF jouent aussi un rôle important dans l’identité numérique, qui pourrait faire grandement partie de notre vie future dans les mondes virtuels, comme le métavers. Dans le contexte précis du secteur des médias, la mobilisation directe des adeptes au moyen des JNF peut prendre la forme d’activités accessibles par jetons et d’occasions offertes aux fidèles admirateurs de musiciens, comme l’avantage d’assister à certains concerts numériques ou même en personne, accessibles uniquement si l’on fait partie de leur écosystème JNF.

Les entreprises médiatiques canadiennes en sont encore à l’étape expérimentale avec les JNF, mais il reste un vaste potentiel à exploiter. L’émission d’un JNF de collection est un point de départ naturel, mais si l’entreprise s’en tient à cela, elle risque de se priver de ce qui pourrait devenir le principal point de contact numérique avec ses consommateurs et l’occasion de constituer un cercle qu’ils contrôlent, et qui est donc plus apte à les fidéliser. Presque n’importe quelle marque de consommation au Canada peut évoluer dans l’espace JNF en misant à la fois sur des activités en personne et des actifs numériques. Or, comme elles sont intégrées à la culture populaire actuelle et bien acceptées par un public à l’aise avec la technologie, les entreprises des médias, du jeu numérique et des sports sont particulièrement bien placées pour profiter de la popularité croissante des JNF.

Édition et divertissement : au plus près des adeptes
Ce ne sont pas que les jeunes pousses technologiques qui sont prêtes à profiter de l’adoption élargie des JNF par les consommateurs; les entreprises médiatiques traditionnelles se taillent leur propre espace. Par exemple, un magazine d’information américain bien connu, qui a survécu à la transformation du paysage médiatique pendant près de cent ans, s’est lancé récemment dans le monde des JNF pour rester pertinent auprès d’un public qui évolue. Avec sa collection de JNF, les détenteurs de jetons peuvent connecter leur portefeuille numérique au site Web du magazine et bénéficier d’un accès illimité au contenu, ainsi que d’invitations exclusives à des activités virtuelles ou en personne. L’entreprise a commencé à fidéliser ses adeptes en leur offrant d’autres avantages, par exemple des laisser-passer pour des conférences avec accès à vie, appelés « Permies » dans le monde des JNF.

Jeu numérique : un attrait élargi
Le secteur du jeu numérique compte déjà une clientèle habituée au numérique et des « mondes » de contenu numérique, et les joueurs ont l’habitude d’acheter, de vendre et d’échanger des actifs au sein de ces mondes. Toutefois, bien que les joueurs passent des heures devant leur écran pour acquérir des avantages et des actifs en jeu, ils ne possèdent pas réellement ces derniers. Avec l’avènement des JNF, la situation change rapidement, ce qui représente un nouveau modèle d’affaires dans ce domaine : jouer pour gagner (Play-to-Earn ou P2E).

En un mot, ces jeux permettent aux joueurs de gagner une valeur réelle en échange de leur temps, mais aussi de bénéficier de l’interopérabilité de leurs actifs. Les joueurs pourraient ainsi réellement acheter, vendre et échanger leurs actifs en jeu, ainsi que trouver une utilité à ces actifs en dehors du jeu. S’ils possèdent un actif en jeu dans un écosystème, ils pourraient un jour faire passer cet actif à un autre écosystème ou le vendre sur le marché libre à un autre joueur. L’objectif est d’approfondir la relation d’un joueur avec un jeu en réduisant la distance entre le jeu et le monde réel. En outre, les concepteurs sont en mesure de superviser les actifs en jeu et de rentabiliser le tout en facturant des frais pour les transactions secondaires.

Sports : une nouveauté tout indiquée
Comme les équipes, les ligues, les athlètes sportifs et les sports virtuels ont déjà de fidèles adeptes, les JNF s’ajoutent tout naturellement à ce domaine. On peut non seulement émettre des JNF pour des activités et des matchs sportifs, mais aussi créer un nouveau marché d’objets de collection : vidéos et films d’animation, souvenirs sportifs et cartes numériques à échanger. Grâce à la technologie de la chaîne de blocs, on peut rajuster leur valeur en temps réel en fonction de la performance d’un joueur ou d’une équipe. Avec la bonne stratégie, les possibilités d’intégrer les JNF au domaine sportif sont infinies.

Prenons l’exemple d’un club de football anglais de la quatrième ligue, qui est entré dans l’espace des objets de collection et a su en tirer pleinement parti. Le JNF du club a pour objectif de décentraliser et de démocratiser la structure des clubs sportifs. Il confère à ses propriétaires des droits de vote au sein du club de football, ce qui leur permet de contribuer aux décisions concernant les concessions accessibles aux partisans et même d’influencer le recrutement de nouveaux joueurs. Cette idée offre un énorme potentiel et le modèle peut être mis en œuvre dans n’importe quel club et appliqué à n’importe quel sport d’équipe.

Au-delà de l’affinité
La vogue des JNF en est encore à ses débuts. Et comme tout le monde n’en comprend pas entièrement le principe, il faut expérimenter, parfaire ses connaissances et, bien sûr, accepter une bonne dose de risque. Les risques liés à l’exécution, à la marque, au marché, le risque technique et le risque de non-conformité sont appelés à jouer un rôle dans l’élaboration des stratégies JNF des organisations. Néanmoins, quoi que vous fassiez avec les JNF, n’en faites pas abstraction. Ils représentent une toute nouvelle occasion d’acheter, de vendre et d’échanger une propriété intellectuelle, de susciter l’intérêt, d’attirer les investisseurs, et non seulement de trouver de nouveaux clients mais aussi de créer le client médiatique le plus recherché de tous : l’amateur inconditionnel.

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