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Confirmant la position de la Cour administrative d’appel de Paris, le Conseil d’État juge que la commission de succès perçue globalement au titre de l'assistance de clients réalisant des opérations de fusion-acquisition ne peut bénéficier de l’exonération de TVA des opérations de négociation sur titres dès lors que le contexte contractuel ne permet pas d’identifier un lien avec une telle prestation et qu’il n’est pas justifié que la commission rémunérerait une prestation complexe unique exonérée.

Le département « corporate finance » d’une banque a perçu, à raison de son activité de conseil et d'assistance de clients pour des opérations de fusion-acquisition :

  • des rémunérations forfaitaires, payables lors de l'annonce de l'opération, sur lesquelles elle a collecté de la TVA ;
  • des rémunérations supplémentaires, versées en cas de réalisation de l'acquisition (« commission de succès »), qu’elle a exonérées de TVA.

Considérant que les commissions de succès devaient également être soumises à la taxe, l’administration a mis à la charge de la banque de lourds rappels de TVA.

Le Tribunal administratif de Montreuil, puis la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 2e ch., 14 juin 2023, n° 21PA06650), ont rejeté la demande en décharge formulée par la banque. Celle-ci faisait valoir qu’il s’agissait de prestations distinctes, rémunérées distinctement par la commission de succès et répondant à la définition des opérations de négociation sur titres exonérées (CGI, art. 261 C, 1°, e). Subsidiairement, la banque considérait qu'elle réalisait des opérations complexes uniques au sein desquelles la prestation de conseil était accessoire à la prestation principale de négociation sur titres.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État vient de confirmer l’analyse effectuée par la Cour administrative d’appel au regard des pièces produites par la banque :

  • les contrats (portant au demeurant sur des périodes antérieures aux périodes en litige) ne permettaient pas de considérer que la commission de succès avait un lien avec l'accomplissement d'une opération de négociation sur titres ;
  • il ne résultait d'aucune pièce produite que l'objet de la commission de succès était la rémunération d'une prestation déterminée : la Cour n'a donc ni méconnu les principes relatifs aux opérations économiques indissociables, ni disqualifié les faits, en refusant de regarder cette commission comme rémunérant une prestation revêtant le caractère de prestation principale au sein d'une opération complexe ;
  • le tableau synthétique établi par la banque elle-même a pu, sans dénaturation, être considéré comme insuffisamment probant par la Cour.

Ainsi, cette commission rémunérait l'ensemble des prestations accomplies en cas de succès d'une opération et, même dans le cas où les contrats conclus avec les clients prévoyaient une prestation liée à la négociation des titres, celle-ci n'avait le caractère :

  • ni d'une prestation distinctement rémunérée,
  • ni d'une prestation prépondérante au sein de prestations indissociables,
  • ni d’une prestation principale au sein de prestations complexes.

Les professionnels des transactions (banques d’affaires, conseils, intermédiaires) doivent donc veiller à isoler contractuellement, économiquement et comptablement la part du service afférent à la négociation exonérée de TVA s’ils veulent appliquer l’exonération des transactions sur titres, ou faire la démonstration, certainement délicate dans bon nombre de cas, que la négociation est l’élément principal de leur prestation globale.



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