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Les nouvelles exigences en matière d’informations sur les enjeux de durabilité entrent en vigueur, dans certaines grandes entreprises et grands groupes, à compter du 1er janvier 2025. Les textes prévoient que ces questions devront alors faire l’objet d’une consultation du comité social et économique au moment des consultations récurrentes. Il est nécessaire de bien déterminer les modalités de cette consultation et de s’y préparer dès à présent.

LES TEXTES

L’ordonnance n° 2023-1142 du 8 décembre 2023 a transposé la directive 2022/2464 du 14 décembre 2022 dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) imposant à certaines entreprises la publication et la certification d’informations sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. Ces informations devront, pour les entreprises concernées, faire l’objet d’une section spécifique au sein du rapport de gestion.

Les nouveaux textes entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2025 et font l’objet d’un calendrier d’entrée en application progressif. Les premières entreprises concernées sont donc dès à présent mobilisées pour la mise en œuvre de ce nouveau rapport de durabilité, dont la publication aura lieu au premier semestre 2025 et concernera l’exercice 2024.

Selon la directive, « l’information en matière de durabilité doit être réalisée dans le respect des droits des travailleurs à l’information et à la consultation », ce qui implique que la direction de l’entreprise informe « les représentants des travailleurs au niveau approprié et discute avec eux des informations pertinentes et des moyens d’obtenir et de vérifier les informations en matière de durabilité ». Cette information devrait ainsi donner lieu « à un dialogue et un échange de vues » dans le cadre d’une consultation permettant aux représentants du personnel d’exprimer leur avis1.

Transposant ces exigences, le législateur français a choisi de faire coïncider la consultation du CSE sur les informations en matière de durabilité avec chacune des trois consultations récurrentes existantes et qui sont relatives respectivement aux orientations stratégiques, à la situation économique et financière et à la politique sociale de l’entreprise.

L’article L. 2312-17, dans la version qui entrera en vigueur au 1er janvier 2025, dispose désormais que :

« Au cours [des] consultations [récurrentes], le comité est consulté sur les informations en matière de durabilité prévues aux articles L. 232-6-3 et L. 233-28-4 du code de commerce et sur les moyens de les obtenir et de les vérifier, dès lors que l'entreprise remplit l'une des conditions suivantes :

  1. Elle est soumise à l'obligation prévue au I de l'article L. 232-6-3 du code du commerce ou dispensée de son application conformément au second alinéa du V de ce même article ;
  2. Elle est soumise à l'obligation prévue au I de l'article L. 233-28-4 du code du commerce ou dispensée de son application conformément au V de ce même article ».

LES ENTREPRISES CONCERNÉES

L’obligation de consulter le comité social et économique concerne :

  • toutes les sociétés qui, au regard de leur dimension, entrent dans le champ de l’obligation de mettre en place le reporting de durabilité, et ce, peu important qu’elles procèdent elles-mêmes à la publication des informations ou qu’elles bénéficient d’une exemption au motif que cette publication est assurée au niveau du groupe par la société consolidante ;
  • toutes les sociétés consolidantes de grands groupes qui, au regard de leur dimension, entrent dans le champ de l’obligation. Là encore, la consultation doit être effectuée même dans l’hypothèse où la société est dispensée de procéder elle-même à la publication des informations au motif que celle-ci est effectuée au niveau d’une autre société du groupe.

Au regard du calendrier d’entrée en application des obligations en matière de reporting de durabilité, l’obligation de consulter le CSE sur ces questions au cours des consultations récurrentes s’appliquera donc :

  • en 2025, aux grandes entreprises et sociétés mères d’un grand groupe à condition, d’une part, qu’elles soient cotées sur un marché réglementé ou qu’elles soient un établissement de crédit ou une entreprise d’assurance et, d’autre part, que soient employés plus de 500 salariés (exercice 2024),
  • en 2026, aux grandes entreprises et sociétés mères d’un grand groupe même non cotées (exercice 2025),
  • en 2027, aux petites et moyennes entreprises cotées (exercice 2026)2.

PAS DE NOUVELLE CONSULTATION

Il est ici important de relever que le législateur ne crée pas une nouvelle consultation spécifique du CSE en matière de durabilité, mais prévoit que cette consultation doit avoir lieu au cours des trois consultations récurrentes déjà existantes.

Le législateur a choisi de faire de la consultation relative aux informations sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance un corollaire des consultations récurrentes sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière et la politique sociale. Le reporting de durabilité va constituer l’un des points devant obligatoirement être évoqués au cours de ces consultations.

La consultation en matière de durabilité doit donc avoir lieu au moment de chaque consultation récurrente devant le comité concerné. Les entreprises n’ont pas à faire évoluer les calendriers de consultation pouvant exister en leur sein, seul le contenu des consultations évolue.

Le code du travail ouvrant une possibilité très large de définir le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes par voie d’accord collectif (art. L. 2312-19 et s.), il convient, lorsqu’un tel accord existe, de s’y référer pour déterminer le moment et les conditions de la consultation.

A cet égard, il peut être envisageable de recourir à un accord collectif pour définir les modalités de la consultation en matière de durabilité, notamment pour articuler la manière dont la question sera évoquée au cours des différentes consultations récurrentes et éviter les redondances.

En l’absence d’accord collectif, les trois consultations récurrentes ont un caractère annuel et l’information en matière de durabilité devra être évoquée au cours de chacune d’entre elles (CT, art. L. 2312-24 et s.).

Il faut ici relever que, s’agissant de la consultation annuelle sur la situation économique et financière, l’article L. 2312-25, qui prévoyait déjà l’obligation pour les sociétés commerciales de mettre à disposition du comité social et économique les documents obligatoirement transmis à l’assemblée générale des actionnaires ou à l’assemblée générale des associés, notamment le rapport de gestion, complète logiquement cette documentation en prévoyant qu’elle devra désormais comporter, pour les entreprises concernées, le rapport sur les enjeux de durabilité – qui constitue une section distincte du rapport de gestion - ainsi que le rapport de certification des informations en la matière.

Comme cela était déjà le cas, la consultation sur la situation économique ne pourra donc en principe intervenir que lorsque les documents à destination des actionnaires, dont font partie le rapport de durabilité et le rapport de certification correspondant, auront été établis.

Il n’existe aucune exigence similaire s’agissant des consultations sur les orientations stratégiques et sur la politique sociale qui, si elles doivent donner lieu à une consultation sur les enjeux de durabilité, peuvent parfaitement intervenir alors que le rapport de durabilité n’est pas encore finalisé ou n’a pas encore fait l’objet d’une certification.

QUEL OBJET ?

L’article L. 2312-17 du code du travail prévoit que les nouvelles informations en matière de durabilité prévues par le code de commerce font l’objet, non pas d’une simple information, mais d’une consultation du CSE, et que cette consultation doit porter non seulement sur la teneur de ces informations, mais également sur les moyens ayant permis de les recueillir, ainsi que les moyens de les vérifier.

Ce texte devra, par ailleurs, être interprété à la lumière de la directive CSRD qui évoque, dans son considérant 52, « un dialogue et un échange de vues » sur ces questions entre la direction et les représentants du personnel.

Ainsi, l’employeur ne pourra pas se borner à transmettre au CSE les informations en matière de durabilité qu’il a établies ou qui ont pu être établies au niveau du groupe, mais devra faire preuve de pédagogie et de transparence. Il devra être en mesure d’expliciter et s’efforcer de répondre aux interrogations des élus du comité sur :

  • la situation de l’entreprise et, le cas échéant, du groupe au regard de ces enjeux
  • le processus et les moyens mis en œuvre pour recueillir ces informations et établir le rapport de durabilité,
  • les moyens permettant de garantir et de vérifier la fiabilité de ces informations.

Au regard de la finalité des textes, il est, à notre sens, probable que lorsque les informations en matière de durabilité n’auront pas été établies au niveau de l’entité dont le CSE est consulté, mais au niveau de la société consolidante du groupe auquel elle appartient, l’employeur devra fournir des informations supplémentaires permettant d’apprécier la situation de l’entreprise concernée3.

On doit préciser, ici, que le code du travail prévoit que, pour chacune des trois consultations récurrentes, le comité social et économique peut recourir à l’assistance d’un expert-comptable, dont les frais sont pris en charge par l’employeur4, portant sur « tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension » des orientations stratégiques de l’entreprise (CT, art. L. 2315-87), de sa situation économique (CT, art. L. 2315-89) et de sa politique sociale (CT, art. L. 2315-91-1). Par ailleurs, un CSE, qui estime que les informations qui lui sont données sont insuffisantes, peut saisir le président du tribunal judiciaire, selon une procédure accélérée, pour demander que soit ordonnées la production d’informations supplémentaires et la prolongation de la procédure de consultation5. L’employeur aura donc tout intérêt à fournir aux élus dès la première réunion une information aussi claire que possible concernant la société elle-même mais également la société consolidante, s’il veut éviter une multiplication d’expertises et/ou des contentieux relatifs aux questions de durabilité.

Même si les premières consultations ne débuteront qu’en 2025, il peut être opportun, compte tenu de la complexité de la matière, de familiariser et de former dès à présent les élus des CSE sur les questions liées à l’information en matière de de durabilité.

QUEL AVIS ?

La consultation du CSE, au cours des consultations récurrentes, doit-elle donner lieu à un avis spécifique et formalisé de la part du comité ?

Il faut d’abord préciser que les dispositions relatives au déroulement et aux délais de consultation restent inchangées. Les trois consultations doivent donc se dérouler dans les délais fixés par accord collectif ou, à défaut, par le code du travail. Si le CSE n’a pas formulé d’avis à l’expiration de ce délai, il est réputé avoir émis un avis négatif6.

Ensuite, au cours des consultations récurrentes, rien dans les textes n’exige la formulation d’un avis spécifique sur la question de l’information en matière de durabilité.

S’agissant des orientations stratégiques, le code du travail prévoit que la consultation donne lieu à un avis sur ces orientations, le CSE pouvant proposer des orientations alternatives, qui sont transmises à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise (CT, art. L. 2312-24). Si cet avis peut porter sur les questions de durabilité, comme indiqué précédemment, ces questions n’ont pas à donner lieu à un avis spécifique du CSE.

De plus, la loi ne pose aucune exigence quant à la manière dont l’avis du CSE doit être formulé au terme de la consultation sur la situation économique de l’entreprise (CT, art. L. 2312-25).

Enfin, l’article L. 2312-26 I relatif à la consultation sur la politique sociale prévoit que le CSE peut se prononcer soit par un avis unique portant sur les différents thèmes prévus par la loi, soit par des avis séparés sur chacun de ces thèmes.

Rien n’impose donc que l’information en matière de durabilité fasse l’objet d’un avis distinct de l’avis émis par le CSE au terme de chaque consultation récurrente. Le respect par l’employeur de son obligation de consultation en la matière impose simplement que les informations en matière de durabilité, les moyens de les évoquer et de les vérifier soient bien abordés et donnent lieu à une discussion avec les élus au cours des consultations récurrentes.

QUELLE CONSÉQUENCE POUR LE VÉRIFICATEUR DE L’INFORMATION EN MATIÈRE DE DURABILITÉ ?

Afin de garantir l’exactitude et la fiabilité de l’information en matière de durabilité, le code de commerce impose que sa conformité soit vérifiée et fasse l’objet d’un rapport de certification par un commissaire aux comptes (art. L. 821-54) ou un organisme tiers indépendant (art L. 822-24).

Le vérificateur de l’information en matière de durabilité, (commissaire aux comptes ou organisme tiers indépendant) doit notamment vérifier le respect par la société de l’obligation de consulter le CSE prévue par l’article L. 2312-17 du code du travail.

En cas de non-respect de la consultation du CSE, le vérificateur de l’information en matière de durabilité le signale dans son rapport de certification. Dans ce cas, que le vérificateur de l’information en matière de durabilité soit un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant, il devra également signaler cette irrégularité à la gouvernance et à l’AMF, pour les entités qui dépendent de l’AMF.

Par ailleurs, il convient de noter qu’en cas de non-respect de l’obligation de consultation du CSE, et dans l’hypothèse où le vérificateur de l’information en matière de durabilité n’est pas le commissaire aux comptes en charge de la certification des comptes, ce dernier devra également signaler cette irrégularité aux organes de gouvernance, à l’organe délibérant ainsi qu’à l’AMF. Pour autant, s’agissant du signalement à l’organe délibérant il nous semble que ce signalement pourra se faire en dehors du rapport sur les comptes, via une communication ad hoc.

Toutefois, cette vérification impose simplement de s’assurer qu’à compter de la date d’entrée en application de l’obligation, les questions relatives ont bien été inscrites à l’ordre du jour des consultations récurrentes qui seront mises en œuvre et évoquées au cours de ces consultations.

Comme cela a été exposé, les textes ne créent pas une nouvelle consultation spécifique et n’imposent aucunement aux entreprises de modifier les calendriers de leurs consultations récurrentes. Aucun texte n’impose que ces consultations aient lieu préalablement à la publication du rapport de durabilité et de sa certification7.

Dans ces conditions, si au moment de la publication et de la certification des premiers rapports de durabilité, au premier semestre 2025, aucune consultation du CSE n’a pu encore être effectuée sur le sujet au motif que les consultations récurrentes n’ont pas encore eu lieu et sont programmées ultérieurement, aucun manquement ne devrait être relevé par le vérificateur de l’information en matière de durabilité. Toutefois, la question de la formulation de la conclusion dans le rapport de certification de l’information en matière de durabilité dans ce cas précis est en cours de discussion auprès de la Haute Autorité de l’Audit.


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INDEX

1 Considérant 52 et art. 1er.

2 Les critères de désignation de l’entreprise (micro, petite, moyenne ou grande) sont définis aux articles L. 230-1 et D. 230-1 du code de commerce ; ceux de désignation du groupe (petit, moyen ou grand) sont définis aux articles L. 230-2 et D. 230-2 du même code.

3 Par analogie, une telle exigence figure déjà dans le code du travail, s’agissant des données et informations environnementales figurant dans la BDESE. Il est ainsi précisé que « lorsque les données et informations environnementales transmises dans le cadre de cette rubrique ne sont pas éditées au niveau de l'entreprise (i. e. par exemple, au niveau du groupe ou des établissements distincts, le cas échéant), elles doivent être accompagnées d'informations supplémentaires pertinentes pour être mises en perspective à ce niveau ».

4 Intégralement pour les consultations sur la situation économique et sur la politique sociale ; à 80 % pour la consultation sur les orientations stratégiques (CT, art. L. 2315-80).

5 C. trav. Art L. 2312-15.

6 CT, art. L. 2312-16, R. 2312-5 et R. 2312-6.

7 La consultation sur la situation économique et financière ne peut même intervenir que postérieurement puisque le rapport de durabilité et le rapport de certification doivent figurer parmi les documents mis à la disposition du CSE pour cette consultation (art. L. 2312-25 CT).