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Au terme d’une analyse détaillée, le Comité de la TVA estime que les opérations portant sur le crypto-art devraient être soumises à la TVA au taux normal sur l’intégralité du prix de vente, sans pouvoir bénéficier d’une exonération spécifique.

Dans le prolongement d’une première publication du Comité de la TVA de la Commission européenne concernant les jetons non fongibles (NFT) en février 2023, le Danemark a interrogé ce dernier sur le traitement TVA de divers services numériques liés aux jeux informatiques et aux œuvres d'art cryptographiques. Le Comité vient d’examiner la question relative au « crypto-art » et de publier son document de travail.

Le « crypto-art » est défini comme un sous-genre de l'art numérique qui s'appuie sur la technologie blockchain pour créer, vendre et authentifier des œuvres d'art.

LE COMMERCE DE CRYPTO-ART NE PEUT ÊTRE EXONÉRÉ EN TANT QU'OPÉRATION FINANCIÈRE

Selon la Cour de justice de l’Union européenne, le facteur déterminant pour qualifier une monnaie est qu’elle n’ait d'autre utilisation pratique que celle de moyen de paiement, comme c’est le cas du « bitcoin » (CJUE, avis,16 juill. 2015, C-264/14, Hedqvist).

Les œuvres de crypto-art pouvant être achetées pour diverses raisons (observation, collection, soutien à un artiste, investissement), il semble difficile de considérer qu’elles n'ont pas d'autre usage pratique que celui de moyen de paiement. Le commerce dans lequel les participants échangent des biens ou des services contre des œuvres d'art cryptographique sans utiliser de (crypto) monnaie consiste en un troc dans lequel le crypto-art peut être utilisé comme moyen de paiement mais cela n’est pas suffisant pour le qualifier de monnaie.

De plus, selon le Comité, l'exonération des opérations financières vise à atténuer les difficultés de détermination de la base d'imposition et du montant de TVA déductible dans le cadre de ces opérations. Or, le commerce de crypto-art ne semble pas donner lieu à de telles difficultés. Il nous semble que ce point pourrait être débattu.

Le Comité en conclut que les opérations portant sur des œuvres de crypto-art n’entrent pas dans le champ d'application de l'exonération des opérations financières.

LE COMMERCE DE CRYPTO-ART NE PEUT BÉNÉFICIER DU RÉGIME DES ŒUVRES D’ART

Selon le Comité, une œuvre de crypto-art n'est en aucun cas un bien corporel et ne peut donc pas être qualifiée de « bien » qui pourrait bénéficier du régime de la marge. La liste détaillant les biens pouvant faire l’objet de ce régime est très détaillée et ne permet donc pas d’inclure de nouveaux « types de biens », sauf modification de la directive. Il ne semble donc pas possible, selon le Comité, de considérer que le régime de la marge puisse être appliqué au crypto-art.

Pour les livraisons d’œuvres d’art cryptographique effectuées par les assujettis-revendeurs dans les conditions visées à l'article 314 de la directive TVA, il faudrait, pour éviter une double imposition, étendre le champ du régime de la marge des œuvres d'art.

La directive TVA permet par ailleurs aux États membres d'appliquer un taux réduit à certaines livraisons d'œuvres d'art. Prévue par l'article 103 de la directive TVA jusqu’au 31 décembre 2024, cette possibilité sera fondée, dans les mêmes conditions, sur l'annexe III de la directive à compter du 1er janvier 2025 : V. Dir. (UE) 2022/542 du Conseil, 5 avr. 2022, Ann. III, points (11) et (26)).

Étant donné que ces dispositions renvoient aux objets d’art listés pour le régime de la marge, la même analyse s'applique pour les taux réduits, qui ne sont donc pas applicables au crypto-art.

L’administration fiscale française considère également que le taux de 5,5 % applicable aux livraisons d’œuvres d’art (CGI, art. 278-0 bis, I, 3° ; CGI, ann. III, art. 98 A, II) ne peut bénéficier aux œuvres graphiques numériques. Elle admet en revanche l’application du taux de 10 % (CGI, art. 279), sous réserve que les œuvres répondent aux critères de qualification d’« œuvres de l’esprit » au sens de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle et que soit apportée la preuve que chaque cession de composition graphique s’accompagne également de la cession des droits d’auteur qui leur sont associés (BOI-RES-TVA-000140, 14 févr. 2024, § 2.2).

LE CRYPTO-ART NE PEUT BÉNÉFICIER DE L'EXONÉRATION DES PRESTATIONS DE SERVICES DES ARTISTES

L'article 371 de la directive TVA permet aux États membres de continuer à exonérer les opérations énumérées à l'annexe X, partie B, qu'ils exonéraient avant le 1er janvier 1978, date de mise en œuvre de la 6e directive TVA. Les prestations de services des artistes font partie des opérations que les États membres peuvent exonérer à ce titre (point (2)) (cette disposition est utilisée par certains États membres mais la France n’en fait pas application).

Sur l’applicabilité de cette exonération au crypto-art, le Comité indique que :

  • ce type d’art n'existait pas en 1978 ou au moment de l'adhésion de la plupart des États membres : ils ne peuvent donc pas continuer à appliquer une exonération à quelque chose qui n'existait pas ;
  • les « cessions de brevets, de marques et d'autres droits similaires » sont expressément exclues de l’exonération (point 2 a)) : la question de savoir si les œuvres d'art cryptographiques constituent d'« autres droits similaires » est une question qui doit être tranchée au cas par cas, en fonction des faits propres à chaque transfert.

Pour le Comité, il semble donc très douteux que l'exonération des prestations de services des artistes puisse s'appliquer au crypto-art.

Notons que, dans l’affaire qu’il avait exposée au Comité de la TVA, le Conseil danois d'évaluation fiscale avait quant à lui estimé que le crypto-art était le résultat d'un travail intellectuel et que, en l’espèce, il devait être considéré comme ayant des qualités artistiques comparables à celles d'autres services exonérés de la TVA.


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