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CE QUE PERMET LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

Le droit de l’Union européenne s’oppose à ce que le droit interne fasse obstacle à l’acquisition de congés en cas d’arrêt maladie. Mais le cumul de congés n’est pas conforme aux finalités du droit à congé. Par conséquent, il est possible de « limiter le cumul des droits au congé annuel payé par une période de report à l’expiration de laquelle ces droits s’éteignent ». La CJUE permet ainsi, lorsque les congés s’acquièrent sur une période d’un an, de limiter « par une période de report de quinze mois à l’expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s’éteint, le cumul des droits à un tel congé d’un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives ».

Le législateur français peut donc prévoir, en cas d’arrêt de travail de longue durée, une durée maximale de report permettant une extinction progressive des congés acquis par le salarié et le plafonnement du nombre de jours de congés qui pourront être pris par le salarié à son retour dans l’entreprise. La préservation du droit au congé impose simplement que la durée de congés restant acquise lors de la reprise du travail soit raisonnable et « garantisse notamment au travailleur de pouvoir disposer, au besoin, de périodes de repos susceptibles d’être échelonnées, planifiables et disponibles à plus long terme ».

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi met en place un système de report inutilement complexe qui ne semble pourtant pas éviter l’accumulation excessive de droits à congés pendant les longs arrêts maladie et pourrait aboutir à des différences de traitement arbitraires entre les salariés.

LE PROJET ACTUEL EST COMPLEXE, INADAPTÉ ET INÉQUITABLE

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit, s’agissant des arrêts de travail de longue durée, d’intégrer à l’article L. 3141-19-2 du code du travail les dispositions suivantes : « lorsque les congés ont été acquis [au cours de périodes d’arrêt de travail], la période de report [de quinze mois] débute à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle les congés payés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu, en raison de la maladie ou de l’accident, depuis au moins un an ».

Selon ce texte :

  • le seul point de départ envisagé du délai de report, en cas d’arrêt de travail de longue durée, est la date d’achèvement de la période de référence au cours de laquelle les congés payés sont acquis. Ainsi, dans une entreprise où les congés s’acquièrent du 1er juin N au 31 mai N+1, le délai de report ne pourra courir qu’à compter du 31 mai N+1, quelle que soit la date de début d’arrêt de travail ;
  • cependant, le délai de report n’est susceptible de courir que si à la date d’achèvement de la période de référence, le salarié est déjà en arrêt de travail depuis au moins un an. Or, un salarié qui tombe malade au cours d’une période de référence est, par définition, en arrêt de travail depuis moins d’un an lorsque cette période s’achève et le délai ne peut donc pas commencer à courir. Pour un salarié qui tomberait malade au cours de la période du 1er juin N au 31 mai N+1, la période de report ne pourrait pas courir à compter de cette date. A quelle date le délai peut-il alors courir ? Faut-il attendre la date d’achèvement de la période de référence suivante, soit le 31 mai N+2 ? Dans ce cas, l’extinction partielle du droit à congé ne pourrait intervenir que, 15 mois plus tard, à compter du 31 août N+3.

Outre sa complexité inutile, ce système ne permet pas de limiter raisonnablement la durée des congés acquis en cas d’arrêt de travail.

Prenons l’hypothèse d’un salarié en arrêt maladie à compter du 2 juin 2023. Même si ce salarié est encore en arrêt maladie le 31 mai 2024, le délai de report de quinze mois des congés payés acquis ne peut pas courir à cette date puisque le salarié est absent depuis moins d’un an. Si l’on doit attendre l’achèvement de la période de référence suivante, soit le 31 mai 2025, pour que le délai de report commence à courir, alors l’extinction des droits pour la période juin 2023/mai 2024 ne serait susceptible d’intervenir qu’à compter du 31 août 2026.

Si le salarié revenait dans l’entreprise le 30 août 2026, il pourrait cumuler intégralement les congés acquis du 2 juin 2023 jusqu’à cette date, soit pendant plus de 3 ans (38 mois) – ce qui équivaut à plus de 12 semaines de congés (en cas d’arrêt de travail d’origine non professionnelle) ou plus de 15 semaines de congés (en cas d’arrêt de travail d’origine professionnelle).

Par ailleurs, le système aboutit à des différences de situation totalement injustifiées.

Prenons la même hypothèse d’un salarié en arrêt de travail de longue durée à compter du 2 juin 2023, mais qui cette fois reprendrait le travail, non pas le 30 août 2026, mais 3 jours plus tard, le 2 septembre 2026. Dans ce cas, la période de report de 15 mois qui aura couru à compter du 31 mai 2025, pour les congés 2023/2024, mais également pour les congés 2024/2025, aura expiré le 1er septembre. Compte tenu de l’extinction des droits à congés antérieurs au 31 mai 2025, le salarié n’aura acquis à son retour des congés que pour une période de 15 mois – soit une réduction de plus de moitié par rapport à ce à quoi il aurait droit s’il était revenu seulement 3 jours plus tôt !

Le système prévu par l’amendement fait donc dépendre la durée des congés acquis, non pas de la durée de la période d’arrêt de travail, mais, de manière totalement arbitraire, des dates de départ et/ou de retour du salarié.

UNE NÉCESSAIRE RÉÉCRITURE

Dans sa version actuelle, le projet d’article L. 3141-19-2 est ambigu et elliptique et risque de poser de très importantes difficultés de mise en oeuvre. Ses conditions d’application doivent a minima faire l’objet de précisions pour permettre de déterminer clairement le point de départ de la période de report et la date d’extinction des congés en cas d’arrêt de travail de longue durée.

Au-delà, rien ne justifie un système aussi complexe. Il suffirait, en effet, de prévoir le principe selon lequel, dans l’hypothèse où l’arrêt de travail dure plus de 15 mois, les congés dus au salarié au titre de l’arrêt de travail sont ceux acquis au cours des 15 mois précédant la reprise du travail. Un tel système permettrait de limiter les cumuls de congés tout en garantissant au salarié, qui reviendrait dans l’entreprise après plus de quinze mois d’absence, une durée conséquente de jours de congés – de 30 jours ouvrables, soit 6 semaines, en cas d’arrêt de travail d’origine non-professionnelle et de 37,5 jours ouvrables, soit 7,5 semaines, en cas d’arrêt de travail d’origine professionnelle.


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