Les jetons non fongibles (non fungible tokens : NFT) sont des fichiers informatiques uniques, créés et stockés sur un registre numérique de suivi de transactions dénommé « chaîne de blocs » (blockchain). Ils constituent, souvent, des certificats numériques attestant de la propriété d’un bien matériel ou immatériel. Le transfert d'un NFT ainsi utilisé comme certificat de propriété ne porte donc pas sur le jeton en lui-même, mais sur le bien ou service sous-jacent auquel il se rapporte.

Dans un rescrit du 14 février 2024, l’administration fiscale vient d’apporter, pour la première fois, des précisions sur la qualification, au regard de la TVA, des opérations réalisées à l’aide de NFT. 

PRINCIPES

Les NFT ne faisant l’objet d’aucune disposition spécifique, les principes et règles en matière de TVA s’appliquent dans les conditions habituelles. Dès lors que le NFT est utilisé comme un certificat de propriété d’un bien corporel ou incorporel, c’est la nature du bien ou service auquel il se rapporte qui détermine le régime de TVA. Il convient donc, au cas par cas, d’appliquer les règles de TVA de droit commun qui auraient été mises en œuvre si le bien ou le service avait été livré ou fourni sans le recours à un NFT.

Par ailleurs, en raison de leur indivisibilité et de leur non-fongibilité (unicité), les NFT ne peuvent pas être rattachés aux trois grandes catégories de cryptoactifs (jetons de paiement, jetons d'utilité ou d'usage et jetons d'investissement). Les opérations portant sur les NFT ne relèvent donc pas des opérations bancaires ou financières exonérées de TVA.

CAS USUELS

L’administration illustre ces principes par des opérations concrètes.

Création et vente de cartes numériques de collection ou d’œuvres graphiques numériques associées à des NFT

Ces opérations sont les plus fréquemment rencontrées en pratique.

Le NFT généré pour chaque carte ou chaque œuvre est considéré comme un moyen de réaliser une transaction portant sur une carte numérique ou une œuvre graphique numérique, et non comme un service distinct de l’opération sous-jacente consistant en la cession de la carte ou de l’œuvre. C’est donc cette opération sous-jacente qui détermine le régime de TVA applicable.

Les cartes numériques ne constituant pas des biens corporels, le transfert des droits attachés à ces cartes, réalisé à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, est qualifié de prestation de services. De même, les œuvres d’œuvres graphiques numériques ne constituant pas des biens corporels (qu’il s’agisse de la propriété de l’œuvre ou des droits patrimoniaux attachés au NFT), le transfert des droits attachés à ces œuvres est qualifié de prestation de services.

Le niveau de la contrepartie perçue par la société étant généralement en lien direct avec la qualité et la rareté de la carte ou de l’œuvre, l’opération remplit tous les critères d’imposition à la TVA.

Si les cartes ou les œuvres sont créées de manière largement automatisée à l’aide d’outils informatiques avec une intervention humaine minimale, l’opération doit être qualifié de prestation de services fournies par voie électronique au sens du 12° de l’article 259 B du CGI et, par conséquent, suivre les règles de TVA propres à ce type de prestations.

Financement d’un jeu vidéo en cours de création par l’émission de NFT

Afin de recueillir des fonds pour financer la création d’un jeu vidéo, des objets numériques associés à des NFT représentant des accessoires du jeu peuvent être mis en vente en amont, ces objets n’étant utilisables que lors de la mise à disposition du jeu. Ces ventes ne sont pas soumises à la TVA au moment de l’opération de financement, dès lors que :

  • en raison d’un aléa sur l’existence des contreparties futures (création du jeu vidéo), il ne peut exister de lien direct, au moment de l’acquisition, entre les montants versés et un quelconque service ;
  • la remise des objet ne peut pas être assimilée à des bons, puisque l’instrument n’ouvre pas droit à une livraison ou une prestation existante.

Si le jeu est ensuite effectivement réalisé et mis en service, les accessoires deviennent utilisables. C’est à ce moment-là qu’ils sont considérés comme des biens incorporels mis à la disposition du possesseur de NFT et imposés à la TVA. Cette mise à disposition d’un bien incorporel s’analyse comme une prestation de services dont le fait générateur intervient au moment où le jeu est mis en service. La base d’imposition à la TVA, considérée TTC, est égale à la contrepartie obtenue par l’assujetti lors de l’émission des NFT, minorée du montant de la TVA.

La vente d’accessoires matérialisés par un NFT après la mise en service du jeu est assujettie à la TVA dans les conditions de droit commun.

LES QUESTIONS EN SUSPENS

La publication de ce rescrit doit être saluée en ce qu’elle généralise et officialise la position de l’administration. Elle fixe le principe de détermination du régime TVA des opérations réalisées avec des NFT (régime TVA du sous-jacent) en proposant une approche concrète.

Néanmoins, le rescrit n’apporte aucun éclairage sur certaines difficultés pratiques des opérateurs, qui demeurent. S’agissant par exemple de la territorialité des opérations, l’identification du lieu d’établissement des utilisateurs ou de leur qualité d’assujetti ou de non assujetti peut s’avérer complexe du fait des paiements en cryptomonnaies des NFT. D’autres difficultés peuvent également être relevées, telles que la qualification des NFT lorsque leur vente s’accompagne d’une livraison de bien, ou bien encore la problématique liée au rôle des plateformes d’intermédiation. Il est donc important de procéder à une analyse précise de chaque opération afin d’anticiper son régime au regard de la TVA.



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