Un EHPAD géré par une personne morale de droit public n’a pas nécessairement vocation à être assujetti à la TVA sur ses prestations d’hébergement et de restauration, notamment lorsqu’il est habilité à l’aide sociale pour la majorité de ses places.

Le Conseil d’Etat (CE) a confirmé par quatre décisions du 12 juillet 2023 que les prestations d’hébergement et d’assistance à la dépendance fournies par des établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne sont pas soumises à la TVA, lorsque ces derniers sont habilités au titre de l’aide sociale pour la majorité de leurs places. 

CONSÉQUENCES FISCALES

En concluant que certains EHPAD publics ne peuvent pas être soumis à la TVA pour leurs activités d’hébergement et d’assistance, le CE confirme également que le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires (TS) de ces établissements augmente à due proportion et, par suite, le montant de taxe dû. Les prestations de soins réalisées par ces établissements restent toutefois exonérées de la TVA.

Ainsi, les EHPAD publics qui ont soumis à la TVA une partie des activités qu’ils réalisent (e.g. prestations d’hébergement, restauration…), ont pu déduire la TVA grevant leurs dépenses, au moins pour partie, en particulier lors de la réalisation de projet immobilier ou de travaux de rénovation sur les bâtiments existants. Or, en raison, du non-assujettissement à la taxe, cette TVA déduite doit faire l’objet de régularisation auprès de l’administration fiscale, ce qui peut engendrer, au-delà des conséquences en matière de taxe sur les salaires, un coût supplémentaire et une charge de trésorerie importante.

LE NON-ASSUJETISSEMENT À LA TVA DES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC EST SUBORDONNÉ À DEUX CONDITIONS CUMULATIVES

Le raisonnement suivi par le CE dans ses conclusions impose deux conditions essentielles et cumulatives :

  • Le non-assujettissement à la TVA prévu en faveur de ces personnes morales est subordonné à ce que l'activité soit d’une part, exercée par un organisme agissant en tant qu'autorité publique. Cette condition est remplie dans la mesure où les services à caractère sociaux rendus par les personnes morales de droit public sont considérés comme des activités effectuées en tant qu'autorité publique. Les EHPAD publics qui accueillent des personnes âgées sont qualifiés d’établissements et services sociaux et médicaux sociaux ;
  • D’autre part, à ce que le non-assujettissement ne doit pas conduire à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. Selon le CE, en l’espèce, les établissements privés à but lucratif interviennent sur un marché distinct, celui de l’accueil des personnes âgées dépendantes disposant de ressources supérieures, dont les places ne sont pas habilitées à l’aide sociale à l’hébergement et dont les tarifs des prestations d’hébergement sont fixés librement. Il ne peut donc y avoir de distorsion de concurrence avec les EHPAD publics visés dans ces conditions.

POINT D'ATTENTION

En présence d’un EHPAD public, il convient donc de s’intéresser en priorité à l’habilitation à l’aide sociale à l’hébergement. Si celle-ci couvre au moins la majorité des places de l’établissement en question alors, suivant la jurisprudence du CE, celui-ci ne devrait pas être assujetti à la TVA avec les conséquences déjà évoquées.

En conclusion, cette série d’arrêts vient confirmer la position déjà retenue par les Cours administratives d’appel dans le cadre d’une série de contentieux qui a émergée à la suite de nombreuses demandes de remboursement de crédit de TVA réalisées par des EHPAD publics auprès de l’administration fiscale. Cette dernière dispose ainsi d’une jurisprudence constante et fournie sur le sujet qu’elle n’hésitera pas à invoquer dans le cadre de contrôles fiscaux. Il appartient donc aux EHPAD publics de réaliser une revue de leur situation afin de déterminer s’ils doivent ou non s’engager dans un processus de régularisation.


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