29 septembre 2023 (mis à jour le 17 octobre 2023)

Le projet de loi de finances a été publié le 27 septembre 2023. Les mesures les plus marquantes avaient déjà été dévoilées dans la presse au cours des dernières semaines : aménagement du calendrier de suppression de la CVAE entre 2024 et 2027, instauration d'un crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte, taxe sur les infrastructures de transports de longue distance, transposition en droit interne de la directive Pilier 2, et mise en place d'un plan de renforcement de la lutte contre la fraude incluant des mesures de durcissement des obligations documentaires en matière de prix de transfert ainsi que de leur contrôle.  

L'examen du texte en séance publique à l'Assemblée nationale débute le 17 octobre 2023. Le Gouvernement devra très certainement avoir recours à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter ce texte.

INTERNATIONAL TAX

Transposition en droit interne de la Directive dite « Pilier 2 » : instauration d’un taux minimum mondial pour les groupes d'entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure (art. 4)

Conformément aux annonces du Gouvernement, ainsi qu’aux engagements européens de la France, le PLF 2024 transpose en droit interne les règles de la directive dite « Pilier 2 » et instaure un taux minimal d’imposition fixé à 15 % sur les bénéfices des groupes d’entreprises multinationales disposant d’une implantation en France. Le dispositif concernera également les grands groupes nationaux qui développent leurs activités sur le seul territoire français.

Le dispositif s’appliquera aux entreprises situées en France qui sont membres d’un groupe d’entreprises multinationales réalisant un chiffre d’affaires consolidé égal ou supérieur à 750 M€ au cours d’au moins deux des quatre exercices précédant l’exercice considéré, ainsi qu’aux entreprises situées en France qui sont membres d’un groupe, respectant le même seuil de chiffre d’affaires, dont l’activité est développée sur le seul territoire français.

Il se traduira par la mise en place d’un impôt complémentaire à la charge de l’entité mère du groupe lorsque le taux effectif d’imposition des entités constitutives de ce groupe localisées dans un même État est inférieur au taux d’imposition minimum de 15 %.

Cet impôt complémentaire pourra être collecté en application de deux règles distinctes :

  • Une règle principale appelée règle d’inclusion du revenu (RIR) où l'impôt complémentaire est acquitté par l'entité mère ultime,
  • Une règle subsidiaire dite règle des bénéfices insuffisamment imposés (RBII), lorsque le montant total de cet impôt complémentaire n’a pas pu être perçu en application de la RIR notamment en l’absence de RIR dans la législation de l’État de résidence de l’entité mère ultime du groupe

Le texte de transposition respecte fidèlement le texte de la Directive ainsi que les commentaires et les orientations administratives adoptés par le Cadre inclusif de l’OCDE/G20 postérieurement à l’adoption de celle-ci (en février et juillet 2023). 

En outre, la France a décidé d’exercer l’option qui lui était ouverte en vue d’instituer, en France, un impôt national complémentaire, dont l’assiette serait identique à celle prévue pour l’impôt complémentaire “RIR”. Son montant correspondrait au supplément d’impôt résultant de la différence entre le taux d’imposition minimum de 15 % et le taux effectif d’imposition applicable aux entités constitutives situées en France. Afin d’éviter toute double imposition, l’impôt national complémentaire serait imputable sur l’impôt complémentaire calculé en application de la RIR ou de la RBII.

Des mesures de sauvegarde sont également prévues. 

Le texte instaure également des obligations déclaratives et de paiement à la charge des entités membres d’un groupe redevable, ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement à ces obligations.

Les règles d’imposition minimale s’appliqueront aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, à l’exception de la RBII, qui s’appliquera, en principe, aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.

FISCALITÉ DES ENTREPRISES

Aménagement du calendrier de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (art. 8)

La loi de finances pour 2023 avait acté la suppression de la CVAE sur deux ans. Les taux de la CVAE due par les redevables au titre de l’année 2023 ont ainsi été diminués de 50 % et elle devait être purement et simplement supprimée en 2024 (voir notre alerte).

Le Gouvernement a néanmoins choisi de revenir sur ce calendrier « dans un objectif de conciliation de la maîtrise de la situation des finances publiques et de poursuite de la réduction des impôts de production » et d’échelonner, de façon linéaire, sur 4 années, la suppression de la CVAE. Le taux d’imposition maximal de la cotisation serait ainsi fixé à 0,28 % en 2024, 0,19 % en 2025, 0,09 % en 2026.

La CVAE serait finalement totalement supprimée en 2027.

A noter, les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 M€ bénéficieraient d’un dégrèvement de 188 € en 2024, 125 € en 2025 et 63 € en 2026 (contre 250 € en 2023) (, II).

Toutefois, la cotisation minimum sur la valeur ajoutée des entreprises (d’un montant de 63 €), serait supprimée dès 2024, ce qui se traduirait, selon le Gouvernement, par une sortie de l’imposition à la CVAE pour environ 300 000 entreprises (CGI, art. 1586 septies nouvelle rédaction).

Le taux de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA CVAE) serait augmenté pour compenser la baisse du taux de la CVAE (9,23 % en 2024, 13,84 % en 2025, 27,84 % en 2026) (CGI, art. 1600, III, 1), afin d’assurer le maintien des ressources des CCI.

Corrélativement, pour la CET due au titre des années 2024 à 2027, le taux de plafonnement serait progressivement réduit à 1,531 %, 1,438 %, 1,344 % et 1,25 % de la valeur ajoutée (CGI, art. 1647 B sexies).

Cette mesure, sous réserve de son adoption, aurait des conséquences sur le calcul des acomptes 2024, 2025 et 2026. Les acomptes payés en juin et septembre N devraient en effet être calculés avec les taux actualisés. 

Création d’un crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV) (art. 5)

Conformément aux annonces faites lors de la présentation du projet de loi relatif à l’industrie verte (non encore adopté définitivement par le Parlement - la Commission mixte paritaire devrait se tenir le 10 octobre prochain), le PLF prévoit la création d’un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (dit C3IV). Selon l’exposé des motifs, ce crédit d’impôt, qui s’appuie sur les nouvelles possibilités d’aides aux investissements ouvertes par l’Encadrement temporaire de crise et de transition adopté par la Commission européenne en mars 2023 auquel il est soumis, vise au développement des secteurs stratégiques pour la transition vers une économie décarbonée. Il devrait permettre de générer environ 23 Md€ d’investissements et la création de 40 000 emplois directs sur le territoire national d’ici à 2030 (selon les estimations du Gouvernement).

Il serait ouvert, sur agrément préalable, aux investissements réalisés à chaque étape stratégique de la chaine de production de batteries, panneaux solaires, éoliennes ou pompes à chaleur. En bénéficieraient les entreprises qui implantent ou développent en France des capacités de production de ces équipements et de leurs intrants directs (composants et sous-composants conçus et utilisés principalement comme intrants directs). Les dépenses éligibles seraient celles engagées en vue de la production ou de l’acquisition d’actifs corporels (terrains, bâtiments, installations, équipements et machines) ou incorporels (droits de brevet, licences, savoir-faire et autres droits de propriété intellectuelle) permettant de produire les technologies essentielles à la transition énergétique.

Seuls pourraient bénéficier du crédit d’impôt les plans d’investissement agréés au plus tard le 31 décembre 2025, conformément au cadre européen applicable.

Pour en bénéficier, les entreprises devraient remplir les conditions cumulatives suivantes :

  • Ne pas être une entreprise en difficulté au sens du Règlement (UE) n° 651/2014 ;
  • Respecter leurs obligations fiscales et sociales et l’obligation de dépôt des comptes annuels ;
  • Ne pas avoir procédé, au cours des deux exercices précédant l’exercice de dépôt de la demande d’agrément, à un transfert vers le territoire national d’activités éligibles au CI3V et, inversement, ne pas procéder, au cours des deux exercices suivant l’exercice de mise en service des investissements ayant bénéficié du crédit d’impôt, à leur transfert hors du territoire national ;
  • Exploiter les investissements éligibles pendant au moins 5 ans à compter de la date de leur mise en service (3 ans pour les PME) ;
  • Exploiter les investissements éligibles dans le cadre d’une activité ayant obtenu les autorisations requises par la législation environnementale et conformément à cette législation.

Le taux du crédit d’impôt serait fixé à 20 % (25 % ou 40 % pour les investissements en zones d’aide à finalité régionales ou d’aide à l’investissement des PME (i.e. régions ultrapériphériques)). Il serait plafonné à 150 M€ par entreprise (majoré à 200 ou 350 M€ pour les zones précitées) et son taux majoré de 10 points de pourcentage pour les moyennes entreprises et de 20 points pour les petites entreprises.

Il serait par ailleurs possible de cumuler le C3IV avec une autre aide d’Etat, pour autant que les règles de cumul énoncées dans l’Encadrement temporaire de crise et de transition pour les mesures d’aide d’Etat visant à soutenir l’économie à la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine seraient respectées.

L’agrément devrait être délivré dans un délai de 3 mois à compter de la date de dépôt d’une demande complète. Cette dernière pourrait être déposée à compter de la date de présentation du PLF (soit le 27 septembre 2023). Aussi, dans cette hypothèse, le délai d’examen des demandes courrait à compter de l’entrée en vigueur de la mesure, qui ne pourrait toutefois être que postérieure à la réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le C3IV comme conforme au droit de l’UE en matière d’aides d’Etat, et au plus tard 3 mois à compter de cette réception.

La demande d’agrément devrait être déposée auprès de la DGFiP qui saisirait l’ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) pour avis conforme préalable.

Une fois l’agrément obtenu, le crédit d’impôt s’appliquerait par fraction au titre des exercices ou des années au cours desquels les dépenses du plan d’investissement agréé sont exposées, en appliquant à ces dépenses le taux de crédit d’impôt mentionné dans la décision d’agrément. Si cette fraction excédait le montant de l’impôt dû au titre de l’année ou de l’exercice, l’excédent serait restitué.

Le C3IV va être discuté en première lecture à l’Assemblée Nationale dans les prochains jours. Malgré de nombreux amendements visant à élargir le champs des activités éligibles, celui-ci n’a pas évolué lors de sa discussion en Commission des finances ce que l’on ne peut que regretter. Parmi les nombreuses conditions qui doivent être satisfaites, nous retrouvons celle de l’agrément déjà en place pour d’autres dispositifs comme celui du Crédit d’impôt recherche. Si sa vertu est de sécuriser l’application du dispositif, il peut être craint qu’il nuise à son efficacité (lourdeurs administratives engendrées par la constitution des demandes d’agrément, durée effective de traitement de la demande, etc.) et ne permette pas au législateur d’atteindre pleinement l’objectif poursuivi. Les précisions quant au formalisme et au contenu de la demande souhaitées par la DGFIP et l’ADEME sont donc particulièrement attendues. Les délais de traitement réels des demandes d’agrément seront tout autant observés. Notons, toutefois, que comme annoncé dans le projet de loi, le service dédié vient d’ouvrir d’ores et déjà ses portes. Il est ainsi possible de solliciter dès à présent cet agrément. Une adresse email a déjà été générée et mise à disposition du contribuable en ce sens. A ce jour, bien qu’il n’y ait pas de formulaire déjà établi, la demande peut être effectuée par courrier. Celui-ci doit indiquer l'identité de la société investisseuse et contenir une description détaillée du projet d'investissement. Tout élément ou information de nature à permettre la vérification du respect des conditions actuellement prévues par le projet d'article instaurant le C3IV peuvent y être adjoints. Ce courrier pourra par la suite être mis à jour spontanément ou à la demande de l’Administration lors de l’instruction.

Guillaume Martenot
Partner, Crédit d'impôt recherche

Taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance (art. 15)

Afin de contribuer aux investissements massifs dans les infrastructures, notamment ferroviaires, favorisant la réduction de l’impact des mobilités sur l’environnement, une taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance serait instaurée à compter du 1er janvier 2024. Il s’agit ici de viser notamment les concessions d’autoroutes. 

A noter, le Gouvernement souhaitait instaurer une taxe ciblant les concessions d’autoroute uniquement. Au vu du risque d’inconstitutionnalité relevé par le Conseil d’Etat, il a préféré élargir le champ d’application de la taxe.

Plus précisément, cette taxe viserait les exploitants d’une ou plusieurs infrastructures de transport de longue distance dont les revenus d’exploitation encaissés au cours de l’année civile excèdent 120 M€ et dont le niveau moyen de rentabilité excède 10 % (i.e. moyenne des niveaux de rentabilité de l’exploitant des 7 derniers exercices ajustés des deux exercices pour lesquels ce niveau est le plus élevé et des deux pour lesquels il est le plus faible).

La taxe serait assise sur la fraction des revenus excédant 120 M€ et liquidée au taux de 4,6 %, pour un rendement estimé à 600 M€ la 1ère année. Elle ne serait pas déductible du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés.

PRIX DE TRANSFERT

Renforcement du contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales (art. 22)

Traductions concrètes du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques, plusieurs mesures auraient vocation à renforcer la capacité de l’Administration à contrôler les prix de transfert des multinationales.

Un plus grand nombre de contribuables serait tenu de présenter une documentation en raison de l’abaissement significatif à 150 millions d’euros du seuil de chiffre d’affaires ou d’actifs bruts (actuellement fixé à 400 millions d’euros) pour le déclenchement de l’obligation.

Valentin Lescroart
Partner, Prix de transfert

  • Une documentation des prix de transfert plus contraignante

▫    Abaissement du seuil de déclenchement de l’obligation de présenter, en début de contrôle fiscal, une documentation complète de la politique de prix de transfert

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, le seuil de déclenchement de l’obligation de tenir en permanence à disposition de l’Administration une documentation complète de la politique de prix de transfert, actuellement fixé à 400 M€ de chiffre d’affaires (LPF, art. L 13 AA), serait abaissé à 150 M€ de chiffre d’affaires.





▫    Opposabilité de la documentation prix de transfert

Cette documentation deviendrait opposable aux entreprises lorsque la politique décrite ne serait pas suivie (i.e. présomption de transfert indirect de bénéfices pour l’écart constaté).

▫    Rehaussement du montant plancher de l’amende pour défaut de réponse à la demande de communication de la documentation prix de transfert

Le défaut de réponse ou la réponse partielle à la demande de communication de la documentation prix de transfert serait sanctionné plus durement en rehaussant le montant plancher à 50 000 €, contre 10 000 € actuellement (CGI, art. 1735 ter).

On peut regretter que ces évolutions, qui peuvent s’avérer particulièrement contraignantes pour certains contribuables, ne s’accompagnent pas de mesures de simplification. Les groupes étrangers ont parfois du mal à appréhender le champ de l’obligation qui, en France, s’évalue à l’aune des données financières de la société française, de toute société qui la détient – ou qu’elle détient – directement un indirectement ou d’une société membre de son groupe fiscal intégré qui remplit ces mêmes critères de chiffre d'affaires, d'actif brut ou de détention. De plus, à la différence de nombreux pays, aucune exemption n’est prévue pour sortir du champ de cette obligation les contribuables dont les transactions intragroupes ne sont pas matérielles.

Valentin Lescroart
Partner, Prix de transfert

  • Allongement du délai de reprise pour les transferts d’actifs incorporels

Le délai de reprise dont dispose l’Administration serait étendu pour les transferts d’actifs incorporels jusqu’à la fin de la 6e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due (LPF, art. 171 nouveau). Par ailleurs, une nouvelle exception à la garantie de non-renouvellement d’une vérification de comptabilité serait créée sur ce sujet (LPF, art. L. 51, 8° nouveau).

La mesure a pour but de permettre un contrôle de la valeur arrêtée pour la cession de certains incorporels sur la base de données postérieures à la transaction (approche ex post). L’extension de la période de prescription permettrait à l’Administration de tenir compte plus facilement des flux financiers réels après la transaction. Même si les Principes OCDE, qui prévoient une telle approche, pourraient être intégrés à terme dans l’ordre juridique européen, on peut s’interroger sur cette mesure à plusieurs égards. En premier lieu, on peut se demander si l’extension de ce délai de reprise est bien compatible avec le droit de l’Union ? De plus, bien que prévue par l’OCDE, elle reflète mal la situation qui prévaudrait entre entreprises indépendantes pour lesquelles on imagine difficilement une renégociation 6 ans après la transaction. C’est la raison pour laquelle les Principes OCDE rappellent aussi que les éléments ex post ne doivent être utilisés que s’ils pouvaient être raisonnablement pris en compte par les entreprises associées au moment de la conclusion de la transaction (2. de l’Annexe II au chapitre VI.). Elle pose aussi plusieurs questions pratiques. Si le contribuable se rend compte, après l’expiration du délai normal de reprise que la valeur devrait être ajustée, quels moyens d’action aurait-il afin de régulariser sa situation ? Et, si l’Administration fiscale a le pouvoir de rehausser le prix d’une transaction sur la base de résultats futurs, par symétrie, le contribuable pourra t’il réclamer un ajustement similaire dans le cas où l’incorporel n’aurait pas produit les résultats escomptés ? Enfin, les Administrations fiscales étrangères accepteront elles cette position, notamment dans le contexte des procédures amiables ?

Valentin Lescroart
Partner, Prix de transfert

  • Conclusion

L’objectif de lutter contre la fraude fiscale n’est pas discutable mais on peut regretter que ces mesures, si elles entrent en vigueur, imposeront une charge administrative supplémentaire pour de nombreux groupes multinationaux, plus particulièrement les plus petits, et ne vont pas dans le sens d’un accroissement de la sécurité fiscale.

Valentin Lescroart
Partner, Prix de transfert

CONTRÔLE ET CONTENTIEUX

Mise en œuvre du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques (art. 19, 20 et 21)

Début mai 2023, le Gouvernement avait présenté son plan global de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, qu’elles soient fiscales, sociales, douanières ou visant à capter indûment les aides publiques. Plusieurs mesures du volet fiscal de ce plan seraient mises en œuvre dans le PLF pour 2024.

Les moyens dont dispose l’administration fiscale en matière de détection et de sanction de la fraude fiscale seraient renforcés (art. 19). Pour ce faire, il serait prévu :

  • D’élargir le champ d’application de l’expérimentation autorisant aux administrations fiscales et douanières la collecte et l’exploitation de certaines données des plateformes en ligne, qui serait par ailleurs prorogée pour deux ans (loi 2019-1479 de finances pour 2020, art. 154) ;
  • La possibilité pour les agents des finances publiques de recourir à des pseudonymes sur des sites internet, réseaux sociaux et applications de messagerie afin de procéder à des enquêtes actives (LPF, art. L. 10-0 AD nouveau) ;
  • L’instauration d’un régime de sanction gradué ad hoc qui permettrait une action rapide et dissuasive contre la captation frauduleuse des aides publiques. Applicable en l’absence de dispositions spécifiques, il viserait les bénéficiaires d’aides publiques indûment obtenues par la communication d’informations inexactes ou incomplètes. Outre la restitution des aides indument perçues, la somme à restituer serait assortie d’une majoration de 40 % ou 80 % en fonction de la gravité des faits (Code des relations entre le public et l’administration, art. L. 115 nouveau).

Le cadre juridique applicable aux fraudes à la TVA serait par ailleurs complété afin de l'adapter aux enjeux de l’économie numérique (art. 19) :

  • Pour lutter contre les entreprises qui se livrent, depuis un État tiers à l’UE, à des activités économiques sans acquitter la TVA exigible, une procédure de mise en conformité fiscale serait créée, assortie d’un mécanisme d’injonction au déréférencement ou à la restriction d’accès à des interfaces en ligne donnant accès aux sites internet de ces entreprises ;
  • Les règles de la TVA à l’importation seraient adaptées à l’activité des « dropshippers ». Ces derniers seraient par défaut redevables de la TVA à l’importation sur les ventes à distance de biens importés, sauf à ce qu’ils s’assurent que la TVA est perçue sur l’intégralité du prix du bien lors de l’importation ;

A noter, le « dropshipping » consiste, pour un intermédiaire, à acheter un bien situé à l’étranger et à le revendre en ligne en France sans jamais en disposer physiquement.

  • La mise en œuvre des obligations relatives aux importations réalisées pour les besoins de l’activité économique des entreprises serait facilitée ;
  • En outre, afin d’anticiper le développement des fraudes à la TVA de type « carrousel », le mécanisme d’autoliquidation de la TVA serait étendu aux opérations de cessions de garanties d’origine et de certificats prévus dans le code de l’énergie.

Le projet de loi de finances intègre également les mesures du plan de lutte contre les fraudes visant à durcir la réponse pénale contre les fraudes fiscales les plus graves :

  • Un délit autonome de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale serait instauré (art. 20)

L’exécutif s’attaquerait aux promoteurs des schémas de fraude fiscale, qui ne peuvent pour l’heure être poursuivis qu’au titre de la complicité ou du blanchiment de fraude fiscale. Un délit spécifique de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale serait ainsi instauré.

Ce délit punirait de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 € d’amende – portées à cinq ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende lorsque la mise à disposition est commise en utilisant un service de communication au public en ligne –, les personnes physiques ou morales qui mettraient notamment à la disposition de leurs clients des moyens, services, actes ou instruments leur permettant de se soustraire frauduleusement à leurs obligations fiscales.

A noter, seraient principalement visés les influenceurs incitant leurs abonnés à bénéficier frauduleusement de restitutions d’impôt sur le revenu en contrepartie d’une rémunération. Ce point méritera toutefois d’être confirmé lors des débats.

  • Il serait introduit la possibilité de prononcer une peine complémentaire de privation des droits à réductions et crédits d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune immobilière (art. 21)

La fraude fiscale aggravée est actuellement sanctionnée par 7 ans d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 3 M€ (CGI, art. 1741, al. 2 à 8). Afin de « renforcer l’exemplarité de la sanction pénale », le panel de sanctions complémentaires pouvant être prononcées par le juge pénal serait complété d’une peine complémentaire de privation temporaire du droit au bénéfice de réductions et crédits d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur la fortune immobilière.

A noter, les crédits d’impôts octroyés sur le fondement d’une convention fiscale internationale seraient exclus du champ d’application de cette peine complémentaire.

Aménagement des modalités de réalisation des contrôles fiscaux (art. 23)

Par principe, les vérifications de comptabilité et les contrôles de la régularité des reçus délivrés aux contribuables par des organismes sans buts lucratifs (OSBL) sont effectués sur place, dans les locaux de l’entreprise ou de l’OSBL (LPF, art. L. 13 et L. 14 A).

En vue « d’améliorer les conditions matérielles de réalisation des contrôles fiscaux externes et de renforcer la sécurité des agents des finances publiques », il serait prévu, par exception, la possibilité d’effectuer la vérification ou le contrôle dans un autre lieu déterminé d’un commun accord entre le contribuable et l’Administration. A défaut d’accord, l’Administration pourrait décider de tenir ou de poursuivre la vérification dans ses locaux.

Ces mesures s’appliqueraient à compter du 1er janvier 2024 aux contrôles en cours et aux contrôles engagés à compter de cette même date. 

FISCALITÉ PERSONNELLE

Indexation sur l’inflation du barème de l’IR 2023 (art. 2)

Les tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu (IR), ainsi que les seuils et limites qui lui sont associés, seraient alignés sur la prévision d’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac de 2023 par rapport à 2022, soit 4,8 %. Les limites des tranches de revenus des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source (PAS) seraient ajustées en fonction de l’évolution du barème de l’IR, pour les revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2024.

Régime fiscal du plan d’épargne avenir climat (art. 3)

Le Projet de loi industrie verte - actuellement examiné par le Parlement instaurerait en droit interne un plan d’épargne avenir climat (PEAC). Ce nouveau produit d’épargne viserait à permettre aux personnes âgées de moins de 21 ans de constituer une épargne de long terme, largement orientée vers le financement de l’économie productive et de la transition écologique.

Les revenus générés par ce plan seraient exonérés d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Corrélativement et, selon l’exposé des motifs de la mesure, afin d’éviter les pratiques fiscales optimisantes, les mineurs ne pourraient plus ouvrir de plan d’épargne retraite.

AUTRES MESURES

Suppression de dépenses fiscales inefficientes et d’une taxe à faible rendement (art. 17)

Il serait procédé à la suppression ou au bornage dans le temps de plusieurs dépenses fiscales considérées comme inefficientes, obsolètes ou sans objet. Plus précisément, ces dépenses correspondent :

  • à des dispositifs à destination des particuliers en faveur du logement devenus obsolètes (12 dépenses) ;
  • à des dispositifs temporaires mis en place pendant la crise sanitaire et devenus depuis sans objet et sans incidence budgétaire (7 dépenses) ;
  • à des dispositifs n’ayant plus d’effet ni d’incidence budgétaire ou qui ne sont plus appliquées (2 dépenses).

Adaptation des tarifs d’accise sur les énergies (art. 11)

Pour la période allant du 1er février 2024 au 31 janvier 2025, le tarif d’accise sur l’électricité serait maintenu au niveau minimum requis par le droit européen afin d’accompagner la sortie du bouclier tarifaire. Par ailleurs, il serait possible pour le Gouvernement de relever, par arrêté, le tarif d’accise sur le gaz naturel à usage combustible dans la limite de 8 €/MWh.

Renforcement du caractère incitatif à la transition énergétique de la fiscalité applicable aux véhicules (art. 14)

Le caractère incitatif à la transition énergétique des différents malus et contributions applicables aux véhicules de tourisme des particuliers et des entreprises serait renforcé.

Transposition de la Directive 2020/285 du 18 février 2020 relative au système commun de TVA en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises (art. 10)

La Directive 2020/285 du 18 février 2020 relative au système commun de TVA en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises serait transposée en droit interne. Cette Directive modifie le régime de la franchise de TVA à compter du 1er janvier 2025.


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