Le 8 décembre 2022, dans le cadre de son programme de « digitalisation de la TVA européenne » ("VAT in the Digital Age"), la Commission européenne a présenté des propositions de modifications majeures du système de TVA ainsi que des modes de communication des données de facturation au sein de l'Union européenne (UE), toutes tournées vers une plus grande dématérialisation et transmission automatique des données.

L’HARMONISATION DE LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE, PORTÉE AU NIVEAU EUROPÉEN

Dans cette proposition, la Commission européenne projette de faire disparaître progressivement au niveau européen la facture papier au profit des factures électroniques

Pour parvenir à cet objectif, les modifications suivantes sont proposées à compter :

■    du 1er janvier 2024 :

□    L’acceptation par le client des factures électroniques ne serait plus obligatoire pour les factures émises sous un format structuré (selon le format standard de la directive 2014/55/UE relatif à la facturation au profit des personnes publiques) : cette suppression du principe d’acceptation est en ligne avec les dispositions introduites par la France à compter du 1er juillet 2024 (anticipation de 6 mois).

□    À cette date, la définition de la facture électronique recouvrira uniquement les factures émises sous un format structuré.

■    du 1er janvier 2028 :

□    la généralisation de la facture électronique serait la norme et les Etats membres pourraient uniquement prévoir quelques cas résiduels d’émission de factures sous format papier.

Ainsi, le projet indique que les factures relatives à des opérations intracommunautaires devront être émises selon un format électronique structuré de façon obligatoire. Le délai d’émission de ces factures serait réduit à 2 jours pour les opérations de ventes de biens (comme pour les prestations de services). Ces factures devront indiquer certaines mentions supplémentaires (échéancier de règlement et IBAN du compte bancaire). Un tel délai risque de poser de nombreuses questions opérationnelles.

Cette modification impliquerait que la France oblige les opérateurs à émettre des factures sous format structuré au titre d’opérations avec des assujettis non établis en France (extension du périmètre actuel).

Ces factures relatives à des opérations intracommunautaires devront également faire l’objet d’un e-reporting mutualisé entre Etats Membres en lieu et place des états récapitulatifs applicables en matière d’opérations intracommunautaires (Déclaration européenne de services et Etats récapitulatifs des livraisons intracommunautaires). Ce dépôt devrait être une condition de l’application de l’exonération des livraisons intracommunautaires.

L’EXTENSION DU CHAMP D’APPLICATION DES VENTES À DISTANCE (VAD)

Le projet de directive modifie également le régime des ventes à distance en étendant celui-ci aux ventes de biens d’occasion ainsi qu’aux œuvres d’art, d’antiquité et de collection, soumises au régime de la marge.

Le régime actuel de la TVA sur les ventes à distance exclut expressément de son champ d’application les ventes relatives à des biens d'occasion et assimilés qui sont réputées réalisées dans l'Etat membre de départ. Ces ventes sont donc soumises à la TVA dans ce même Etat membre de départ.

Dans ces conditions, en vertu des dispositions modifiées par le projet de directive, les ventes à distance portant sur des biens d’occasion et assimilés seront taxables dans l'Etat membre de destination comme cela est déjà le cas pour les biens neufs, afin d’obtenir un régime unifié.

L’EXTENSION DU MÉCANISME DE « FOURNISSEUR PRÉSUMÉ »

Il s’agit d’une mesure de simplification destinée à faciliter la perception de la TVA dans des situations spécifiques. C'est généralement le cas lorsque l'intermédiaire d'une transaction (c'est-à-dire la plateforme) est mieux placé que le fournisseur sous-jacent pour assurer la perception de la TVA due sur cette transaction.

En premier lieu, ce mécanisme serait étendu à toutes les livraisons de biens et transferts de stock intracommunautaires facilités par l'intermédiaire d'une plateforme d'échange (et plus seulement, comme aujourd'hui, lorsque le fournisseur initial du bien est établi hors de l'UE et le client est non-assujetti).

En second lieu, la Commission entend mettre en place le mécanisme du « fournisseur présumé » dans le cadre des opérations relatives à l’hébergement de courte durée -c’est-à-dire de moins de 45 jours- et au transport de personnes lorsque le prestataire n’est pas assujetti à la TVA ou n’en est pas redevable (franchise de TVA pour les petites entreprises ou prestataire personne physique).

Cela signifie en pratique que la plateforme, qui agit en qualité d’intermédiaire transparent dans la commercialisation de prestation d’hébergement et de transport de passagers, sera redevable de la TVA due sur l’opération sous-jacente dans laquelle elle s’entremet au lieu et place du prestataire de services.

Le projet de directive précise que les transactions pour lesquelles la plateforme est le fournisseur présumé doivent être exclues du régime spécial applicable aux agences de voyages. 

Par ailleurs, certains Etats membres, dont la France, se fondent sur les dispositions de la Directive TVA afin d’appliquer une exonération de TVA aux locations de logement de courte durée lorsque certains services annexes ne sont pas rendus. Afin d’assurer une égalité de traitement, le projet de directive prévoit que les plateformes, fournisseurs présumés, ne pourront pas appliquer cette exonération.

IMMATRICULATION UNIQUE

La proposition de directive prévoit également un volet de simplification administrative pour les opérateurs économiques réalisant des transactions sur le marché européen.

Les entreprises établies dans un Etat membre, qui effectuent des opérations taxées dans d'autres États membres, peuvent en effet aujourd’hui être confrontées à des coûts importants de mise en conformité au regard de la TVA, notamment en raison de l’immatriculation dans plusieurs Etats membres.

Afin de lever ces obstacles qui peuvent constituer un frein au développement de l’activité économique au sein de l’UE, la proposition de directive prévoit d’introduire un système d’immatriculation unique à la TVA (« Single VAT Registration ») réduisant ainsi les charges administratives et les coûts connexes pour les entreprises qui effectuent des opérations transfrontalières.

En parallèle à l’introduction de cet identifiant unique, le projet de directive prévoit une extension des guichets uniques OSS et IOSS, poursuivant le même objectif de simplification administrative et d’allègement de la charge administrative pour les opérateurs.

Enfin, la proposition de la Commission inclut une généralisation du mécanisme d’autoliquidation de la TVA applicable aux opérations domestiques réalisées par des opérateurs non-établis (aujourd’hui appliqué par certains Etats membres, dont la France). Cette mesure devrait simplifier la vie des opérateurs en uniformisant les régimes de TVA.


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