Suppression de la déclaration d’échange de biens au 1er janvier 2022
La loi de finances remplace la déclaration d’échange de biens par un état récapitulatif et une enquête statistique qui obligent les entreprises à recenser les informations disponibles afin de se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations.
Actuellement, sous réserve du dépassement d’un seuil de 460 000 € à l’introduction, toute personne physique ou morale qui réalise en France des livraisons ou des acquisitions de biens à destination ou en provenance d'un État membre de l’UE a, en principe, l'obligation de souscrire une déclaration d’échange de biens (DEB) qui regroupe :
■ Un état récapitulatif des clients relatif aux livraisons de biens qui sert de justificatif aux livraisons intracommunautaires, et ;
■ Une déclaration statistique périodique nécessaire pour l’établissement des statistiques du commerce extérieur.
L’article 9 du projet de loi de finances pour 2022 prévoit la suppression de la DEB et son remplacement par deux formalités distinctes, d’une part, (i) la déclaration des états récapitulatifs de clients pour les besoins de la TVA et, d’autre part, (ii) la déclaration des données statistiques par les entreprises.
Ces modifications qui ont pour but la mise en conformité de la France avec le règlement European Business Statistics (« EBS ») du Parlement européen et du Conseil, en date du 27 novembre 2019, n° 2019/2152 distinguant les obligations fiscales et statistiques, seront applicables aux opérations pour lesquelles la déclaration statistique ou l’état récapitulatif est exigé au titre d’une période engagée postérieurement au 1er janvier 2022.
L’état récapitulatif
L’état récapitulatif prévu par l’article 289 B du Code général des impôts (CGI) ne sera plus inclus dans la DEB mais constituera une déclaration distincte qui permettra de maintenir une fonction de surveillance du respect des règles de TVA. La combinaison de ces informations avec celles qui seront issues du e-reporting (réforme à venir sur la facturation électronique) permettra à l’administration d’avoir une vision plus fine sur les flux intra-communautaires réalisées par les opérateurs.
L’ensemble des opérateurs réalisant des opérations intracommunautaires et soumis à cette obligation devront compléter et soumettre spontanément, dès le premier euro, l’état récapitulatif sur le portail DEBWEB. Ainsi, le seuil de 460 000 euros applicable avant la réforme à l’expédition ne s’appliquera que pour la déclaration statistique.
La déclaration d’enquête statistique
Le projet de loi de finances prévoit l’abrogation de l’article 289 C du CGI.
La déclaration d’enquête statistique sera également à remplir sur le portail DEBWEB, celui-ci se dédoublant afin de déposer distinctement les deux déclarations. Un dispositif de pré-remplissage automatique de l’état récapitulatif, à partir des données servies pour l’enquête statistique, devrait être proposé aux entreprises afin de ne pas alourdir leurs obligations déclaratives.
Les données recueillies seront plus nombreuses que celles précédemment demandées. La collecte se fera sur la base d’un échantillon annuel, exception faite de la première année où toutes les sociétés déposant une DEB devraient remplir la déclaration d’enquête statistique.
Par la suite, les sociétés seront informées en fin d’année qu’elles ont été choisies pour répondre à l’enquête statistique de l’année suivante.
Une communication de l’administration des Douanes devrait apporter plus de précisions sur ce sujet dans les semaines à venir.
Ce changement devrait conduire en pratique à revoir l’organisation et les responsabilités dans l’entreprise en rapport avec ces obligations. Ainsi, la déclaration statistique pourrait être de la responsabilité du service logistique, quand l’état récapitulatif pourrait revenir aux services comptables, en lien avec la déclaration de chiffre d’affaires.
Exigibilité de la TVA sur les acomptes pour les livraisons de biens
La TVA devient exigible lors de l’encaissement d’acompte même pour les livraisons de biens à compter du 1er janvier 2023. Cette modification oblige les entreprises à revoir le paramétrage de leur système d’information pour une mise en conformité.
A l’heure actuelle, en application de l’article 269, 1-a et 2-a du Code général des impôts (CGI), la réalisation de la livraison constitue le fait générateur et le moment où intervient l’exigibilité de la TVA. En principe, aucune TVA n’est à collecter si le paiement d’un acompte intervient avant la livraison du bien.
Le 7° de l’article 9 du projet de loi de finances pour 2022 régularise la situation du droit français par rapport à l’article 65 de la Directive TVA. Désormais, le versement d’un acompte entrainera la collecte de la TVA pour le fournisseur. Cette modification des modalités de collecte de la TVA résulte d’un arrêt de la Cour Administrative d’Appel (CAA Nantes, 28 mai 2021, n° 19NT03579) qui a soulevé la non-conformité du texte actuel avec la Directive.
Par ailleurs, dans le cadre d’une prestation de services, le Conseil d’Etat a récemment précisé que, pour que l’exigibilité de la TVA intervienne lors du versement d’un acompte, il faut, d'une part, que tous les éléments pertinents du fait générateur, c'est-à-dire de la future prestation, soient déjà connus et donc, en particulier, que, au moment du versement de l'acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision et, d'autre part, que la réalisation de la prestation ne soit pas incertaine (CE, 24 février 2021, n° 429647).
Ces deux conditions n’apparaissent pas clairement dans le dispositif législatif mais, en pratique, les opérateurs devront jongler avec ces critères afin de déterminer si la TVA est exigible ou non sur le paiement d’un acompte dans le cas d’une livraison de biens. Pour mémoire, une TVA collectée en retard peut générer (i) l’application de la pénalité de 5 % et (ii) les intérêts de retard. En pratique, il s’agit d’un point régulièrement vérifié lors des contrôles menés par l’administration fiscale.
Cette mise en conformité nécessite pour les entreprises de mettre en place une modification du paramétrage TVA dans leur système d’information, qu’il faut d’ores et déjà anticiper.
Par ailleurs, les factures d’acompte vont devoir respecter l’ensemble des mentions obligatoires afin que le client dispose d’un document en bonne et due forme lui permettant d’exercer son droit à déduction. En effet, ce dernier pourra dorénavant déduire la TVA dès réception de la facture d’acompte, à hauteur du montant qui y figure.
Cette disposition entre en vigueur au 1er janvier 2023 et s’applique donc aux acomptes encaissés à compter de cette date, afin de permettre aux assujettis de modifier leurs systèmes et paramétrages dans l’intervalle.
Option TVA sur les services financiers
L'article 9 du projet de Loi de finances prévoit un assouplissement considérable du champ de l’option à la TVA sur les services financiers (article 260 B CGI) sans prévoir les modalités pratiques de cette option.
Il instaure le principe d’une option « à la carte » permettant aux opérateurs financiers de choisir d’appliquer l’option « opération par opération » et d’éviter ainsi le caractère globalisant de celle-ci.
A l’heure actuelle, les opérateurs souhaitant opter sont tenus de soumettre sans distinction l’intégralité des produits entrant dans le champ de l’option (opérations sur titres, sur paiements et virements, gestion collective de fonds, etc.). Dorénavant, un traitement différencié pourra être introduit selon des critères librement choisis.
Par la soumission volontaire à la TVA des opérations bancaires et financières, les opérateurs concernés réaliseront des opérations qui ouvrent droit à déduction au sens de l’article 271 du CGI, que ces opérations soient effectivement taxées ou pas (au regard des règles de territorialité applicables). L’option leur permet d’augmenter leurs coefficients de déduction et diminuent leur redevabilité au titre de la taxe sur les salaires. L’impact économique induit par la soumission à la TVA doit cependant être apprécié à la lumière du renchérissement du coût de la prestation pour certaines typologies de clients (particuliers, non assujettis et assujettis récupérateurs partiels).
Le projet de texte ne prévoit pas de conditions particulières ni sur les modalités d’exercice de la nouvelle option ni sur la faculté pour les opérateurs ayant déjà opté de s’en prévaloir.
Cet assouplissement est motivé par le renforcement de l’attractivité de la place financière française et s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui avait admis un assouplissement analogue en matière d’option sur les loyers (CE, 9 Septembre 2021, n° 439143).
Impacts TVA et Douane de la généralisation de l’autoliquidation de la TVA à l’importation
Pour autoliquider la TVA à l’importation en France, il faudra s’immatriculer et relever du régime réel normal !
A compter du 1er janvier 2022, le mécanisme d’autoliquidation de la TVA à l’importation sera généralisé (Loi n° 2019-1479 du 28/12/2019, article 181).
Ce mécanisme d’autoliquidation trouvera à s’appliquer aux flux d’import à destination d’un opérateur assujetti B2B en France, c’est-à-dire aux livraisons de biens d’un pays tiers à l’Union européenne (UE) vers la France mais également aux flux au départ ou à destination des DROM-COM.
De ce fait, les assujettis établis dans les départements d’outre-mer (Guyane et Mayotte compris), ont obtenu automatiquement un numéro de TVA intracommunautaire français délivré par les services de la Direction Générale des Finances Publiques (« DGFiP »).
Avec cette réforme le gouvernement poursuit plusieurs objectifs :
■ De simplification des démarches administratives : avec le transfert de la gestion et du recouvrement de la TVA à l’import des services de la Douane (« DGDDI ») à la DGFiP, les opérateurs économiques ne dépendront plus que d’une seule administration. En conséquence, la TVA à l’import sera désormais acquittée auprès du service des impôts compétent et non plus auprès de la Douane ;
■ D’amélioration de la trésorerie des assujettis : cette généralisation permettra à l’opérateur de collecter et déduire simultanément la TVA à l’importation sur sa déclaration de TVA, sans avance de trésorerie ;
■ De réduction de la charge administrative pour les assujettis : cette réforme se veut porteuse de simplifications avec un pré-remplissage partiel des déclarations de TVA et la création d’un espace dédié à l’autoliquidation accessible sur le site de la Douane permettant de consulter certaines données issues des déclarations déposées en douane.
Remarque : les régimes d’achats en franchise (AI2) et 42 seront, en principe, maintenus mais leur intérêt sera plus limité.
Points forts de la réforme :
■ Obligation d’immatriculation préalable
La taxe étant acquittée auprès des services fiscaux, il conviendra de remplir une déclaration de TVA (CA3) et pour cela, il faudra disposer d’un numéro de TVA intracommunautaire français valide à compter du 1er janvier 2022.
Cette immatriculation obligatoire à la TVA en France peut être réalisée directement par les assujettis établis en France ou les assujettis étrangers lorsque ceux-ci sont situés dans l’UE ou au Royaume-Uni. En revanche, les assujettis non établis dans l’UE devront désigner préalablement un représentant fiscal français, afin que ce dernier dépose la demande d’immatriculation à la TVA en leur nom.
Il appartiendra aux opérateurs de vérifier que l’obtention de ce numéro de TVA français n’a pas d’incidence sur le traitement d’autres opérations notamment en termes de redevabilité.
■ Dépôt des déclarations de chiffre d’affaires préremplies et régime réel normal
Une fois immatriculés à la TVA en France, les opérateurs devront déposer leurs déclarations de TVA par leurs propres moyens ou par le biais d’un mandataire fiscal, lorsqu’ils sont établis dans l’UE. Pour les opérateurs établis en dehors de l’UE, le dépôt des déclarations s’effectuera par le biais du représentant fiscal en France.
Une nouveauté importante de cette réforme est le pré-remplissage de la déclaration de TVA à partir des données collectées par la Douane. Ce pré-remplissage des déclarations de TVA va imposer aux opérateurs de vérifier les montants indiqués par l’administration fiscale. En pratique, ils devront combiner les données issues des déclarations en douane d’importation et les documents dont ils disposent ou qui leur sont transmis par leur représentant en douane. Afin de faciliter les opérations de vérification, l’administration des douanes va mettre en ligne sur son site, un espace dédié à l’autoliquidation. Sans plus de précision à date, il est à craindre que l’identification de la facture, qui constitue une clé d’entrée pour l’assujetti, ne figure pas dans les informations transmises par l’administration. Les opérateurs devront notamment se tourner vers leurs représentants en douane enregistrés afin de rapprocher les montants autoliquidés sur la déclaration CA3, la valeur en douane à l’importation et les montants facturés.
Les dispositions légales et réglementaires imposent aux opérateurs qui réalisent des importations en France de liquider la TVA selon le régime réel normal. En conséquence, les assujettis qui bénéficient actuellement du régime simplifié d’imposition devront opter pour le régime réel normal, s’ils réalisent des opérations d’importation à compter du 1er janvier 2022.
■ Déduction de la TVA
Aujourd’hui, les opérateurs étrangers qui ne sont pas immatriculés à TVA en France doivent déposer une demande de remboursement, sur le fondement des 8ème directive et 13ème directive, pour récupérer la TVA française sur leurs dépenses d’amont. Avec l’obligation de s’immatriculer en France pour autoliquider la taxe due à l’importation, les opérateurs étrangers devront imputer la TVA déductible sur leurs dépenses d’amont directement sur leurs déclarations de chiffre d’affaires.
Que faire en l’absence de numéro de TVA intracommunautaire français valide au 1er janvier 2022 ?
Au 1er janvier 2022, si un assujetti n’a pas de numéro de TVA français valide, il ne pourra pas autoliquider la TVA à l’importation. La taxe devra donc être acquittée auprès de l’administration des douanes même s’il existe un risque que l’assujetti ne puisse pas dédouaner ses marchandises. En effet, les déclarations d’importation pourraient ne pas pouvoir être validées en absence d’un numéro de TVA (valide qui plus est) indiqué en case 44 pour les opérateurs professionnels. Les marchandises seraient ainsi bloquées.
Néanmoins, les opérateurs devraient pouvoir régulariser leur situation par une immatriculation ultérieure à la TVA et par l’application du mécanisme d’autoliquidation de la TVA à l’import, indépendamment du processus douanier qui reste à confirmer.
Application du taux réduit de 5,5 % aux produits destinés à l’alimentation humaine tout au long de la chaîne de production
En l’état actuel du droit, les règles applicables aujourd’hui pour la détermination du taux de TVA des denrées alimentaires et des produits agricoles sont complexes. Ainsi, les produits destinés à être consommés en l’état par l’homme, transformés ou non, sont soumis au taux réduit de la TVA de 5,5 %.
En revanche, lorsqu’ils ne sont pas destinés à être consommés en l’état par l’homme, les produits d’origine agricole, halieutique, piscicole ou avicole n’ayant subi aucune transformation sont passibles du taux réduit de 10 %. Le taux normal de 20 % s’applique quant à lui aux produits agricoles transformés et aux produits non-agricoles tant qu’ils ne sont pas consommables en l’état par l’homme.
Le 9° du I de l’article 9 du projet de loi de finances pour 2022 étend l’application du taux réduit de 5,5 % à tous les produits destinés à l’alimentation humaine, quel que soit leur stade de transformation au sein de la chaîne de production, à compter du 1er janvier 2022.
Cet assouplissement est motivé par un besoin de simplification du traitement des opérations portant sur ces produits dans un contexte neutre pour les finances publiques, puisque les opérations pour lesquelles le taux réduit est élargi sont réalisées entre assujettis récupérateurs.
En définitive, si la volonté de simplification émanant de l’administration fiscale peut être saluée, la notion de destination d’un produit peut être difficile à appréhender, notamment pour les acteurs se situant en amont de la chaîne de production des denrées alimentaires.
En effet, il n’est pas rare qu’un produit puisse, en début de chaine, servir aussi bien à l’alimentation humaine qu’à l’alimentation animale. A titre d’exemple, une céréale comme l’avoine peut parfaitement servir les deux destinations. Une attention particulière devra donc être apportée aux commentaires doctrinaux qui devraient être rédigés par l’administration fiscale sur ce sujet.