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Au vu de la situation inédite vécue par les français dans le cadre de la pandémie de Covid-19, comment envisager le retour au travail après le confinement dans les secteurs où la reprise du travail est autorisée notamment lors que le télétravail n’est pas possible ? Panorama des diverses obligations afin de sécuriser la reprise d’activité.

Une attention accrue au respect de l’obligation de santé et de sécurité

Les dispositions du Code du travail obligent l'employeur à mettre en place toutes les mesures nécessaires permettant d'assure rla sécurité et de protéger la santé phusique et mentale des salariés, notamment des actions de prévention des risques professionnels mais aussi des actions de formation, d'information et la mise en place d'une organisation adéquate et de moyens adaptés? Les entreprises doivent à ce titre anticiper le déconfinement en repensant dès à présent leur organisation, afin de protéger leurs salariés des risques de contamination par le Covid-19, tout en respectant l'ensemble des préconisations du Gouvernement.

Certaines entreprises ont décidé de prolonger le recours au télétravail (vivement conseilée par le Gouvernement) post confinement tandis que d'autres employeurs en raison de leur secteur d'activité, sont contraints de faire revenir une partie, voire tous leurs salariés sur leur lieu de travail. Dans ce cas, l'employeur doit s'astreindre au respect scrupuleux de son obligation de santé et de sécurité. A défaut, il s'expose à des risques potentiellement lourds, comme l'exercice du droit de retrait de ses salariés, voire la suspension de son activité notamment par décision judiciaire. Sa responsabilité peut être également recherchée. Toutefois, dans le but de ne pas paralyser la reprise économique, des discussions sont en cours au Parlement pour aménager la responsabilité pénale du dirigeant pour des faits non intentionnels commis pendant l'état d'urgence sanitaire lié au Covid-19.

L'employeur doit tout d'abord, avant le retour au travail sur site, mettre à jour le Document unique d'évaluation des risques professionnels afin d'évaluer les risques pour mettre en place les mesures pertinentes en y associant étroitement les institutions représentatives du personnel et le corps médical, notamment la médecine du travail. Le règlement intérieur devra le cas échéant être modifié.

Rappelons que le document unique doit prendre en compte les risques du Covid-19 sur la santé mentale des salariés (changement des conditions de travail ainsi que inquiétude des salariés d'être contaminés) comme l'a récemment précisée la décision d'Amazon rendue le 24 avril 2020.

Il convient en outre d'informer et consulter les instituions représentatives du personnel (CSE) dans le cadre de l'évaluation des risques et la mise en oeuvre des mesures en cas notamment d'impact du Covid-19 conduisant à un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (article L.2312-8 du Code du travail) (voir nos remarques ci-après sur les délais).

Retour à l'emploi : quelles sont les obligations du chef d'entreprise ?

Le retour sur site des salariés nécessitera une nouvelle organisation comme par exemple adapter les horaires de travail (horaires décalés), définir les conditions d’accès et de circulation sur site (ex : différencier porte d’entrée et de sortie des locaux), définir les règles d’utilisation du matériel commun (ex : interdire l’accès à la machine à café), limiter les réunions en présentiel au strict nécessaire, identifier un « référent COVID-19 » au sein de l’entreprise et une cellule de crise avec tous les acteurs de l’entreprise (cf. déclaration commune de la CFDT, CFTC et du Medef du 30 avril 2020). Il convient de préciser que certaines visites médicales (hors salariés en situation de vulnérabilité ou exposés à des risques particuliers) peuvent être reportées par le médecin du travail au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020.

Pour accompagner les entreprises, le ministère du travail a publié le 3 mai 2020 un protocole national de déconfinement qui vient compléter les fiches métieurs mise en ligne récemment sur le site du ministère du travail.

Il est fortement conseillé de suivre les recommandations émises ainsi que les guides sectoriels publiés par certains secteurs d'activité afin que l'employeur puisse sécuriser le retour de ses salariés. A ce titre, les secteurs du BTP, des Bureaux d'études techniques, de la Métallurgie, des Services de l'automobile, de la Propreté, du Transport Routier de Marchandises et des PRestations Logistiques, et des Activités industrielles ont d'ores et déjà établi des guides particulièrement utiles qui ont été le cas échéant validés par le ministère du travail. Le secteur du Tourisme (intégrant notamment les transports aériens et hors aériens, l'hébergement, la croisière, les musées et les parcs de loisirs) ont également établi un benchmarking mondial des mesures sanitaires.

Enfin, il conviendra scrupuleusement d'informer les salariés et de mettre en place des mesures de formation adéquates, sans oublier de mettre à jour les plans de préventions.

Dans le cadre de la reprise, l'employeur devra bien entendu veiller à protéger les salariés qui présenteraient des symptômes en respectant les dispositions du protocole national de déconfinement.

Avec la reprise du travail, puis-je imposer à mes salariés d'effectuer un nombre important d'heures supplémentaires pour rattraper le retard ?

Oui mais les durées maximales de travail habituelles subsistent.

Seules les entreprises relevant des secteurs essentiels à la continuité de la vie économique et à la sécurité de la Nation (restant à  déterminer par décret) pourront appliquer des dispositions dérogatoires concernant le temps de travail jusqu’au 31 décembre 2020. Les entreprises concernées pourront notamment augmenter la durée de travail jusqu’à 12h par jour (travail de jour ou de nuit) et 60 heures par semaine (avec des durées spécifiques sur une période de 12 semaines). Certaines entreprises pourront également déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement. L’employeur qui aura recours à une de ces dérogations devra en informer sans délai le CSE ainsi que le DIRECCTE.

Quid des obligations d’information-consultation du CSE et des délais?

Toutes les obligations liées à l’information-consultation des institutions représentatives du personnel perdurent. Néanmoins, il existe quelques aménagements.

Tout d’abord, une ordonnance ainsi qu’un décret du 2 mai 2020 ont fortement réduit les délais applicables dans le cadre de l’information consultation du CSE (communication de l’ordre du jour au CSE, délai d’information-consultation qui peut être réduit jusqu’à 8 jours sauf cas particuliers). Néanmoins, cette réduction des délais n’est applicable que jusqu’au 23 août 2020 et ne concerne que les décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face au conséquences économiques, sociales et financières liées au Covid-19 (l’adaptation des délais n’est pas applicable pour les Plans de sauvegarde de l’emploi et les Accords de performance collective). Les autres situations ne font pas l’objet d’aménagements, et les procédures et les délais habituels s’appliquent.

En outre, d’autres ordonnances ont assoupli le cadre des réunions du CSE et il est possible pour l’employeur d’avoir recours à la visioconférence sans limitation de durée et, à défaut, de faire usage de  l’audioconférence  voire, sous réserve d’un accord collectif, de la messagerie instantanée. L’exécutif a également aménagé le principe de consultation préalable du CSE et a permis que dans certains cas (par exemple, l’imposition de JRTT), le chef d’entreprise puisse mettre en œuvre certaines mesures avant d’avoir recueilli l’avis du CSE. Ces nouvelles modalités sont applicables durant toute la période d’état d’urgence sanitaire prévue pour s’arrêter le 23 mai 2020 à minuit (qui pourrait être prolongée le cas échéant).

Et si je n'ai pas mis en place de CSE ?

Les processus électoraux ont été suspendus à partir du 12 mars 2020 et jusqu’à 3 mois après la fin de l’urgence sanitaire. Ainsi, les employeurs qui devaient organiser des élections professionnelles après le 2 avril et ceux qui auraient dû le faire avant cette date et qui ne l’ont pas encore fait doivent engager le processus électoral dans un délai de trois mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire. Les mandats en cours sont prorogés.

Qu'en est-il de l'obligation de négocier ?

L’employeur n’est pas libéré de son obligation de négocier avec les délégués syndicaux et certains sujets nécessaires dans le contexte pandémique devront faire l’objet d’une négociation (accords concernant la prise de congés payés par exemple). Dans ce cas encore, cette négociation pourra se faire par visioconférence. En outre, les délais de la négociation collective ont été aménagés afin de répondre aux besoins des entreprises dans ce cadre d’urgence économique et sociale. L’employeur devra être vigilant et faire en sorte que soit  respecté le principe de loyauté de la négociation collective.

Mais comment motiver mes salariés dans le contexte actuel ?

Il peut être pertinent d’avoir recours à la prime exceptionnelle sur le pouvoir d’achat dite prime Macron. Le gouvernement en a facilité les conditions d’octroi :

■    L’employeur peut allouer une prime exonérée de cotisations sociales et patronales et d’impôt sur le revenu jusqu’à 1.000 euros par salarié, voire 2.000 euros si l’entreprise a mis en place un accord d’intéressement ;

■    La prime peut être versée jusqu’au 31 août 2020 ;

■    Il est possible de tenir compte des conditions de travail liées au Covid-19 afin de moduler le versement de la prime et l'individualiser.

Certaines obligations reportées

Au vu de la situatio nactuelle, la tenue de l'entretien d'état des lieux de l'année 2020 a été reportée et est possible jusqu'au 31 décembre 2020. Ainsi, l'obligation d'abonder le CPF du salarié à hauteur de 3.000 euros à titre de sanction ne s'appliquera pas jusqu'au 31 décembre 2020. Le versement de la participation et de l'intéressement a également été repoussé pour un versement au plus tard le 31 décembre 2020.


AUTEURS

Christine Piault
Avocat, Senior Manager

Pierre Malnati
Avocat, Senior Manager

Alban Progri
Avocat, Senior Manager

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