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La loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire1 comporte des dispositions sociales qui consistent, pour l’essentiel, dans la prolongation de dispositions dérogatoires antérieurement adoptées afin de faire face précisément à cette crise. Dressons-en un tableau synthétique en nous concentrant sur l’essentiel.

Modification de l'organisation de la prise de congés par la loi

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En matière de temps de travail, largement entendu, et notamment de l’organisation de la prise de congés, la loi modifie quelque peu la substance de certaines dispositions de l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 et prolonge surtout les dispositions temporaires que cette dernière avait mises en place. Ainsi, un accord d'entreprise, ou, à défaut, un accord de branche peut permettre à l’employeur, dans la limite de huit jours ouvrables de congés (alors que cette limite était de 6 jours avant la loi du 31 mai), et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d'un jour franc de :

  • décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l'ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris,
  • ou de modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.

Le même accord peut autoriser l'employeur à imposer le fractionnement des congés et à fixer les dates des congés sans être tenu d'accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un PACS travaillant dans son entreprise. La période de congés imposée ou modifiée ne peut s'étendre au-delà du 30 septembre 2021.

Est également maintenue, de façon temporaire, la faculté pour l’employeur d’imposer unilatéralement, par dérogation aux règles légales et conventionnelles applicables, la prise de différents jours de repos (jours RTT, droits affectés sur le compte épargne temps « convertis » en jours de repos, repos liés aux forfaits jours, etc.) ou d’en modifier la date, dans la limite de dix jours au total, et sous réserve de respecter un délai de prévenance d'au moins un jour franc : la période de prise des jours de repos imposée ou modifiée est repoussée jusqu’au 30 septembre 2021. Il faut toutefois garder à l’esprit que l’exercice de cette prérogative, qui ne suppose donc pas d’autorisation conventionnelle, doit être justifié par des difficultés économiques liées à la propagation de la Covid-19 et faire l’objet d’une information du CSE.

S’agissant des contrats dits « précaires », la loi prolonge également les règles temporaires et dérogatoires instituées par la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, qui permettent ainsi à des accords d’entreprise, jusqu’au 30 septembre 2021, de :

■    déterminer le nombre maximal de renouvellements possibles pour un CDD ou un contrat de mission, en veillant à ce qu’il n’ait ni pour effet, ni pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;

■    fixer les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats, et même prévoir les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable.

Rappelons que ces stipulations conventionnelles prévalent, par dérogation à l’article L. 2253-1 du Code du travail, sur les stipulations ayant le même objet et figurant dans une convention ou un accord de branche, voire dans un accord collectif ayant un champ d’application encore plus large. Elles sont applicables aux contrats de travail conclus jusqu'à une date fixée par l'accord, qui ne peut aller au-delà du 30 septembre 2021.

Le recours au prêt de main-d’œuvre à but non lucratif avait également fait l’objet de mesures dérogatoires temporaires, prévues par la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, afin de permettre plus facilement aux entreprises dont l’activité était réduite de mettre des salariés à la disposition d’autres entreprises ayant au contraire des besoins de main-d’œuvre. La présente loi en repousse l’application jusqu’au 30 septembre 2021. Ainsi, jusqu’à cette date :

  • une convention de mise à disposition peut concerner plusieurs salariés alors qu’elle doit normalement être individuelle ;
  • l’avenant au contrat de travail signé avec chaque salarié mis à disposition peut ne pas comporter les horaires d’exécution du travail mais doit, dans ce cas, préciser le volume hebdomadaire des heures de travail durant la mise à disposition. C’est l’entreprise utilisatrice qui fixe les horaires de travail avec l’accord du salarié ;
  • lorsque l'entreprise prêteuse recourt à l'activité partielle, les opérations de prêt de main-d'œuvre n'ont pas de but lucratif (au sens de l'article L. 8241-1 du code du travail) pour les entreprises utilisatrices, même lorsque le montant facturé par l'entreprise prêteuse à l'entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de sa mise à disposition temporaire ou est égal à zéro.
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Fin de concentration de l'action des services de santé au travail sur la gestion de l'épidémie de Covid-19

La fin de la concentration de l’action des services de santé au travail sur la gestion de l’épidémie de Covid-19, instaurée par l'ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020, est également décalée jusqu’au 30 septembre 2021. Les mesures pouvant être prises afin de participer à la lutte contre la propagation de la Covid-19 sont ainsi provisoirement maintenues (par ex, diffusion de messages de prévention, appui aux entreprises dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention, participation aux actions de dépistage et de vaccination définies par l'Etat). Il en va de même des possibilités de prescrire (voire de renouveler) un arrêt de travail en cas d'infection ou de suspicion d'infection à la Covid-19 et d’établir un certificat médical pour les salariés vulnérables en vue de leur placement en activité partielle. Des tests de détection du SARS-CoV-2 pourront, toujours jusqu’au 30 septembre 2021, être prescrits ou réalisés par le médecin du travail ou sous sa supervision. Enfin, certaines visites médicales (v. le décret n° 2021-56 du 22 janvier 2021) devant normalement intervenir avant le 30 septembre 2021 peuvent faire l’objet d’un report, sauf lorsque le médecin du travail estime indispensable de maintenir la visite compte tenu notamment de l'état de santé du travailleur ou des caractéristiques de son poste de travail.

S’agissant des représentants du personnel régis par le Code du travail (et donc en premier lieu du CSE ou du CSE central)

La loi prolonge jusqu’au 30 septembre 2021 l’autorisation de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique pour l'ensemble des réunions, après que l'employeur en a informé les membres de l’institution, autorisation qui était initialement issue de l'ordonnance n° 2020-1441 du 25 novembre 2020. On rappellera que le recours à la messagerie instantanée est également autorisé, toujours après information des membres de l’institution, mais en cas d'impossibilité de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique ou si un accord d'entreprise le prévoit. Et il ne faut pas perdre de vue qu’une majorité des membres élus du CSE appelés à siéger peut s'opposer, pour certaines informations et consultations spécifiques (licenciement collectif, mise en œuvre des accords de performance collective, mise en œuvre des accords portant rupture conventionnelle collective, mise en œuvre de l’activité partielle de longue durée) et au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la réunion, au recours à la conférence téléphonique ou à la messagerie instantanée. Une possibilité d’opposition similaire au recours à la visioconférence est également prévue « lorsque la limite de trois réunions par année civile pouvant se dérouler sous cette forme en application des articles L. 2315-4 et L. 2316-16 du code du travail est dépassée » (art. 1, IV, al. 5). Cette même limite de trois réunions par année civile « ne trouve à s'appliquer qu'aux réunions organisées après le 30 septembre 2021 » (art. 1, V, al. 2).

Attention toutefois, cette créance ne peut pas bénéficier de la mesure de remboursement anticipée prévue par la 3e LFR pour 2020 (art.5)

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Les règles relatives aux entretiens professionnels font l’objet de nouveaux aménagements

On sait que tous les deux ans, chaque salarié bénéfice d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle (loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, et article L. 6315-1 du Code du travail) et que, tous les six ans (cette durée s'appréciant par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise), un entretien « bilan » fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Les entretiens qui auraient dû être organisés entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021 ont pu être reportés à l'initiative de l'employeur jusqu'au 30 juin 2021, et cette date n’est pas modifiée par la loi du 31 mai. Cette dernière rend en revanche inapplicable, jusqu'au 30 septembre 2021, la sanction applicable dans les entreprises d'au moins cinquante salariés (abondement correctif du compte personnel de formation d’un montant de 3.000 euros) lorsque le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins une formation autre que les formations obligatoires mentionnées à l'article L. 6321-2 du code du travail. Enfin, la loi du 31 mai prévoit que jusqu’au 30 septembre 2021, l'employeur peut justifier de l'accomplissement de ses obligations en la matière de deux façons : soit en respectant les exigences qui viennent d’être évoquées (entretiens et une formation non obligatoire) ; soit en respectant les dispositions antérieures à la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 (au moins deux mesures sur trois parmi une formation, une progression salariale ou professionnelle et une certification, auxquelles s’ajoute nécessairement la tenue régulière des entretiens professionnels).

Une attention particulière doit être portée aux éventuelles dispositions réglementaires permettant l’application concrète des règles qui viennent d’être sommairement précitées, afin de vérifier qu’elles sont compatibles avec ces différentes prolongations.

Pour terminer et être tout à fait complet, la loi autorise le gouvernement, jusqu’au 30 septembre 2021, à prendre des ordonnances relatives à l’activité partielle (droit commun, longue durée, personnes vulnérables ou devant garder leurs enfants) et destinées à prolonger ou adapter des mesures existantes. Il en est de même pour les dispositions relatives au chômage des intermittents du spectacle.


Index

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1 Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 publiée au Journal officiel du 1er juin 2021


AUTEURS

Dirk Baugard
KPMG Avocats

EXPERTISE CONCERNÉE