• 1000

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période a pour objet de tirer les conséquences de la propagation de la COVID-19 et des mesures pour limiter cette propagation, sur certains délais.

Une circulaire N° NOR JUSC 2008608C datée du 26 mars 2020 est venue préciser l’effet de la prorogation des délais échus.

Le but de ces textes est de neutraliser de nombreux délais, ce qui a des incidences pratiques dans de nombreux domaines.

Sont ainsi prévus sous certaines conditions exposées ci-après :

  1. le report du terme ou de l’échéance de certains acte et mesures
  2. la prorogation de mesures administratives ou juridictionnelles
  3. un aménagement du sort des astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé
  4. un délai supplémentaire accordé pour résilier ou dénoncer les contrats renouvelables par tacite reconduction et les contrats dont la résiliation est encadrée dans une période déterminée.

Sont ainsi prévus sous certaines conditions exposées ci-après :

  1. le report du terme ou de l’échéance de certains acte et mesures
  2. la prorogation de mesures administratives ou juridictionnelles
  3. un aménagement du sort des astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé
  4. un délai supplémentaire accordé pour résilier ou dénoncer les contrats renouvelables par tacite reconduction et les contrats dont la résiliation est encadrée dans une période déterminée.

La « période juridiquement protégée » : du 12 mars 2020 au 24 juin 2020

Les dispositions sur la prorogation des délais sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cessera l’état d’urgence sanitaire.

Cet état d’urgence ayant été déclaré jusqu’au 24 mai 2020 (article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020), il s’agit donc des délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, sauf prorogation de l’état d’urgence.

Le report du terme ou de l’échéance

L’ordonnance ne prévoit ni une suspension générale ni une interruption générale des délais arrivés à terme pendant la période juridiquement protégée, ni une suppression de l’obligation de réaliser tous les actes ou formalités dont le terme échoit dans la période visée.

L’effet de l’ordonnance est d’interdire que l’acte intervenu dans le nouveau délai imparti puisse être regardé comme tardif.

Ainsi, alors même qu’il est réalisé après la date ou le terme initialement prévu, l’acte peut être régulièrement effectué avant l’expiration d’un nouveau délai. Ce nouveau délai est égal au délai qui était initialement imparti par la loi ou le règlement et recommence à courir à compter de la fin de la période juridiquement protégée. Ce délai ne peut toutefois excéder deux mois.

En conséquence et en pratique :

  • soit le délai initial était inférieur à deux mois et l’acte doit être effectué dans le délai imparti par la loi ou le règlement ;
  • soit il était supérieur à deux mois et il doit être effectué dans un délai de deux mois, soit jusqu’au 24 août 2020, sauf prorogation de l’état d’urgence.

Un report applicable aux actes ou mesures prescrits par la loi ou le règlement

Sont concernés :

  • les actes et formalités (inscriptions, déclarations, notifications ou publications) prescrits par la loi ou le règlement qui doivent être réalisés dans un délai déterminé et dont l’inexécution est sanctionnée par un texte ;
  • les actions en justice, recours et actes de procédure qui doivent être réalisés dans un délai légalement déterminé à peine de sanction ;
  • les délais de procédure concernant les règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;
  • les paiements prescrits par des dispositions législatives ou réglementaires en vue de l’acquisition ou la conservation d’un droit.

Sont toutefois exclues les obligations financières et garanties mentionnées aux articles L. 211 36 et s. du Code monétaire et financier et les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie ou en application de celle-ci.

Un report inapplicable aux délais prévus contractuellement

A noter : Les délais prévus contractuellement ne bénéficient pas du report.

Le paiement des obligations contractuelles n’est donc pas suspendu pendant cette période et les échéances contractuelles doivent toujours être respectées.

En pratique

Report inapplicable à un délai prévu contractuellement tel que le délai pour lever l’option d’une promesse unilatérale de vente à peine de caducité de celle-ci : ce délai étant contractuellement prévu, il n’est pas prorogé s’il expire durant la période juridiquement protégée.

Mais

* Report applicable à de nombreuses situations prescrites par la loi ou le règlement : forclusion pour non-respect d’un délai pour agir, caducité pour défaut d’enrôlement de la citation dans le délai prescrit, paiement de la redevance auprès de l’INPI pour le dépôt d’un droit de propriété intellectuelle...

Quelques exemples concrets :

* Prescription d’une dette : une dette est exigible depuis le 20 mars 2015 ; le délai de prescription quinquennale (article 2224 du code civil) devait arriver à expiration le 20 mars 2020. ⇒Effet de l’ordonnance : le délai courra encore pendant les deux mois qui suivent la fin de la période juridiquement protégée. Et donc le demandeur pourra agir dans ce délai sans que son action puisse être déclarée irrecevable en raison de la prescription

* Inscription d’un nantissement de fonds de commerce : un nantissement de fonds de commerce a été constitué le 25 février 2020. Il doit être inscrit à peine de nullité dans les trente jours suivant la date de l’acte constitutif (C. Com., L. 142-4). Ce délai expire durant la période juridiquement protégée ⇒ Effet de l’ordonnance : le nantissement pourra être régulièrement publié dans les trente jours qui suivent la fin de la période juridiquement protégée.

* Information de la caution de l’évolution de la dette garantie : un cautionnement a été souscrit au profit d’un établissement de crédit en garantie d’un concours financier accordé à une entreprise. Le créancier doit informer la caution de l’évolution de la dette garantie avant le 31 mars de chaque année, à peine de déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information (article L. 313-22 du code monétaire et financier). ⇒ Effet de l’ordonnance : l’information pourra être régulièrement délivrée dans les deux mois qui suivent la fin de la période juridiquement protégée.

La prorogation de mesures administratives ou juridictionnelles

L’ordonnance proroge de plein droit, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de la période juridiquement protégée :

  • les mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;
  • les mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ;
  • les autorisations, permis et agréments ;
  • les mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien

Aménagement du sort des astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé

  • Celles qui auraient dû produire ou commencer à produire leurs effets pendant la période juridiquement protégée (i.e. du 12 mars 2020 au 24 juin 2020 sauf prorogation) sont suspendues : leur effet est paralysé ; elles prendront effet un mois après la fin de cette période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation dans l’intervalle ;
  • Les astreintes et clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020 voient leur cours suspendu pendant la période juridiquement protégée (i.e. du 12 mars 2020 au 24 juin 2020 sauf prorogation) ; elles reprendront effet dès le lendemain ;
  • Lorsque les mesures ont été prononcées avant le 12 mars 2020, le juge ou l’autorité administrative peut y mettre fin s’il est saisi.

Compte-tenu de son caractère général, cet article vise tant les astreintes légales ou judiciaires que conventionnelles et toutes les clauses pénales ou les clauses résolutoires contractuelles.

En pratique

Quelques exemples concrets :

* Un contrat comportant une clause résolutoire : un contrat doit être exécuté le 20 mars, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date. Le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue. ⇒ Dès lors que l’exécution devait intervenir durant la période juridiquement protégée, la clause résolutoire ne produira pas son effet. Elle le produira en revanche si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligation dans le mois qui suit la fin de la période juridiquement protégée.

* Un contrat comportant une clause de déchéance : un contrat de prêt prévoit des remboursements chaque 20 du mois et contient une clause permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme en cas de défaut de remboursement d’une mensualité. ⇒ Effet de l’ordonnance : si le débiteur ne rembourse pas l’échéance du 20 mars, le prêteur ne pourra pas prononcer la déchéance du terme. Il le pourra de nouveau si l’échéance n’a toujours pas été remboursée un mois après la fin de la période juridiquement protégée.

* Un contrat comportant une clause pénale : un contrat comportant une clause pénale d’un montant de 10.000 euros, devait être exécuté le 5 mars. Le 6 mars, en l’absence d’exécution, le créancier a adressé une mise en demeure à son débiteur par laquelle il lui laissait 10 jours pour exécuter le contrat, la clause devant produire ses effets à l’issue de ce délai en l’absence d’exécution. ⇒ Effet de l’ordonnance : ce délai expirant lors de la période juridiquement protégée, la clause pénale ne produit pas ses effets si le débiteur ne s’exécute pas. Elle les produira en revanche si le débiteur n’a toujours pas exécuté son obligation dans le mois qui suit la fin de la période juridiquement protégée.

* Un jugement condamnant sous astreinte : par jugement du 1er février 2020, une juridiction a condamné une entreprise à effectuer des travaux sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement. La décision a été signifiée le 1er mars 2020, et les travaux n’étaient pas intervenus au 12 mars 2020. ⇒ Effet de l’ordonnance : le cours de l’astreinte est suspendu à compter du 12 mars et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence. Elle recommencera à produire son effet le lendemain si l’entreprise n’a pas réalisé les travaux auxquels elle a été condamnée.

Délai supplémentaire accordé pour résilier ou dénoncer les contrats renouvelables par tacite reconduction et les contrats dont la résiliation est encadrée dans une période déterminée

L’ordonnance permet à la partie qui n'aurait pas pu résilier un contrat ou s’opposer à son renouvellement dans le délai imparti en raison de l’épidémie de covid-19, de bénéficier d'un délai supplémentaire pour le faire.
 
Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés, s’ils expirent durant la période juridiquement protégée (i.e. du 12 mars 2020 au 24 juin 2020 sauf prorogation), de deux mois après la fin de cette période.
 
Compte tenu de son caractère général, la disposition s’applique notamment aux baux commerciaux et à tous les contrats commerciaux prévoyant un préavis de résiliation.

En pratique

Un exemple concret :

* Un contrat a été conclu le 25 avril 2019 pour une durée d’un an. Il contient une clause prévoyant que le contrat sera automatiquement renouvelé sauf si l’une des parties adresse une notification à son cocontractant au plus tard un mois avant son terme. Chaque partie avait donc jusqu’au 25 mars pour s’opposer au renouvellement. ⇒ Effet de l’ordonnance : ce délai a expiré durant la période juridiquement protégée et le contractant pourra donc encore s’opposer au renouvellement du contrat dans les deux mois qui suivent la fin de cette période.