L’euro numérique constitue le projet de monnaie numérique de banque centrale (MNBC) porté par la Banque centrale européenne (BCE). Conçu comme l’équivalent numérique de la monnaie fiduciaire, il serait émis directement par la BCE et bénéficierait du même statut que les billets et pièces en euro. Contrairement aux cryptoactifs ou aux stablecoins, l’euro numérique est une monnaie souveraine, garantie par la banque centrale, et non un actif spéculatif. (Cf. Newsletter n°1 - 2024)

Les objectifs officiels du projet :

1. Souveraineté monétaire

L’euro numérique vise à renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe en réduisant sa dépendance vis-à-vis des grands réseaux de paiement extra-européens tels que Visa, Mastercard ou Apple Pay. 

Ce dispositif coexisterait avec la monnaie fiduciaire classique et serait ouvert à l’ensemble des citoyens et entreprises de la zone euro se reposant sur une infrastructure technologique encore en cours de conception, potentiellement fondée sur un registre distribué sécurisé (blockchain privée) afin de garantir à la fois la performance, la traçabilité et la confidentialité des transactions.

En offrant une alternative publique et souveraine, il garantirait au public un accès direct et permanent à la monnaie centrale, tout en consolidant le rôle de l’euro comme pilier du système de paiement européen et instrument essentiel de la souveraineté monétaire de l’Union.

2. Résilience et continuité des paiements

L’euro numérique doit garantir la robustesse du système de paiements, y compris en cas de défaillance des infrastructures classiques.

La BCE prévoit notamment une fonction “offline”, permettant l’échange d’euros numériques sans connexion réseau, afin de préserver la continuité du service public monétaire.

3. Inclusion et efficacité

Le projet vise à stimuler l’innovation européenne et à harmoniser les moyens de paiement au sein de la zone euro. Les transactions devraient être instantanées, sécurisées et largement acceptées, permettant de réduire les coûts pour les particuliers et les entreprises, tout en accompagnant la transformation numérique de l’économie européenne.

État d’avancement :

Le 30 octobre 2025, la BCE a officiellement annoncé la fin de la phase de préparation qui avait débuté en novembre 2023, permettant de jeter les bases de l’émission d’un euro numérique et le passage à une phase de montée en capacité technique.

La décision finale du Conseil des gouverneurs de la BCE sur l’opportunité et le calendrier d’émission de l’euro numérique ne sera prise qu’après l’adoption du cadre législatif européen, prévue courant 2026.

Si ce calendrier est respecté, un exercice pilote et les premières transactions tests pourraient débuter à mi-2027, permettant à l’ensemble de l’Eurosystème d’être opérationnel pour une éventuelle émission initiale de l’euro numérique dans le courant de 2029.

Enjeux de conformité et de LCB/FT-P-C :

L’introduction d’un euro numérique soulève des défis majeurs en matière de conformité et de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’un des principaux enjeux réside dans la recherche d’un équilibre entre confidentialité et traçabilité.

La BCE réaffirme son engagement à garantir un haut niveau de confidentialité selon le principe de « privacy by design », sans toutefois permettre un anonymat total.

Les transactions d’un montant significatif feront l’objet de contrôles renforcés, conformément aux exigences européennes en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Les établissements assujettis devront adapter leurs dispositifs de contrôle et de surveillance en conséquence. Cela impliquera notamment de :

  • Revoir les scénarios de détection AML, afin d’intégrer les flux de portefeuilles numériques, 
  • Tenir compte des plafonds de détention individuels fixés par la BCE,
  • Et surveiller les mouvements inter-wallet, y compris ceux réalisés en mode hors ligne, une fonctionnalité propre aux MNBC.

Sanctions et obligations de filtrage :

L’euro numérique devra également intégrer les mécanismes de conformité aux sanctions internationales.

Les listes de sanctions émanant de l’Union européenne, de l’OFAC (États-Unis) et de l’ONU devraient être intégrées nativement dans l’infrastructure technique du système.

Les banques et prestataires de services de paiement (PSP) devront être en mesure de :

  • Bloquer automatiquement un paiement numérique en cas de correspondance avec une entité sanctionnée ;
  • Tracer et documenter en temps réel les tentatives de transaction non conformes ;
  • Et coordonner étroitement les équipes compliance et IT afin d’assurer une surveillance continue et automatisée des flux numériques.

Responsabilité et supervision : un cadre encore à préciser

La question de la responsabilité réglementaire demeure aujourd’hui l’un des points les plus sensibles du projet.

En cas d’opération illicite ou de manquement aux obligations LCB/FT-P-C, qui portera la responsabilité : la BCE, la banque intermédiaire ou le fournisseur de portefeuille numérique ?

La BCE a confirmé dans son rapport en 2025 son choix d’un modèle intermédié pour la distribution de l’euro numérique. Dans ce schéma, la BCE n’interagit pas directement avec les utilisateurs finaux : ce sont les banques commerciales et les prestataires de services de paiement qui resteront responsables des contrôles LCB/FT, sous la supervision des autorités nationales. Ce modèle vise à préserver la stabilité financière tout en maintenant le rôle central du secteur bancaire dans la relation client, la gestion du risque et la conformité.

Des garde-fous techniques, comme les plafonds de détention et les mécanismes anti-désintermédiation, viendront compléter le dispositif afin d’éviter toute tension sur la liquidité ou déséquilibre dans le financement du système bancaire européen.

L’euro numérique s’inscrit dans la continuité du projet européen de modernisation des paiements et poursuit son développement dans un cadre encore en définition. Pour Monaco, l’enjeu principal consistera à suivre l’évolution du dispositif européen afin d’en mesurer les effets sur les pratiques bancaires et les exigences de conformité locales.

Auteurs

Sabina DEBUSSY

Sabina DEBUSSY

Directeur Associé • Advisory • KPMG Monaco

sdebussy@kpmg.mc

Loïc SARREY

Loïc SARREY

Junior Confirmé • Advisory • KPMG Monaco

lsarrey@kpmg.mc

Vito BISCROMA

Vito BISCROMA

Junior Consultant • Advisory • KPMG Monaco

vbiscroma@kpmg.mc


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Face aux cryptos, la BCE lance l’euro numérique, monnaie digitale souveraine, sécurisée et accessible. Découvrez les enjeux de ce dispositif, et pourquoi Monaco doit suivre son évolution de près.