Brune Poirson, directrice du Développement durable du Groupe Accor

 

Découvrez l’interview de Brune Poirson,
Directrice du Développement durable du Groupe Accor.


En quoi les défis environnementaux et sociétaux actuels conduisent-ils l’hôtellerie et un groupe comme Accor à revoir leur modèle de développement ?

Brune Poirson : Trois grandes mutations affectent notre industrie et nous poussent à nous transformer. D’abord, la transition environnementale et sociale, dont les exigences viennent percuter le secteur. Quelques données en attestent : un emploi sur dix dans le monde est lié à l’hôtellerie, entre 9 % et 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent du secteur du tourisme et du voyage, nos activités et nos services dépendent fortement de la biodiversité, une vaste majorité de nos hôtels se trouve dans des pays avec des hauts niveaux de stress hydrique. Nous faisons également face à une pénurie de main-d’œuvre et de talents, qui nécessite de penser l’évolution des métiers et des fonctions pour attirer à nouveau vers notre secteur et les hôtels. Avec 120 000 recrutements par an, l’un de nos grands défis en matière d’hôtellerie est la composante sociale de l’ESG. Enfin, de nouvelles façons de voyager émergent : la pandémie et le développement du télétravail, conjugués à une montée en flèche du “bleisure” (un déplacement professionnel couplé à un séjour loisir). Cela signifie que notre proposition de valeur, nos marques, doivent s’adapter à ces évolutions et répondre aux nouveaux besoins de nos clients finaux. L’ensemble de ces transformations implique de repenser notre modèle, de repenser jusqu’au rôle d’un hôtel sur son territoire.

Comment repensez-vous les hôtels pour en faire des établissements éco-intelligents et responsables ?

B. P. :  Nous voulons que nos hôtels s’ancrent sur leur territoire, et contribuent à apporter des réponses et des solutions aux défis environnementaux et sociaux plutôt que d’en créer de nouveaux. Ce changement de paradigme est attendu par nombre de nos parties prenantes. Dès lors, nous devons transformer les hôtels, en travaillant sur le séjour afin d’inscrire nos opérations dans le cadre des limites planétaires, sur l’alimentation, avec les pratiques agricoles et les habitudes de consommation, ainsi que sur l’expérience en dehors de l’hôtel avec de nouvelles offres de mobilité bas carbone, un lien plus étroit avec les communautés locales.

Comment déployez-vous cette démarche d’impact auprès des personnels et dans l’évolution des compétences métiers ?

B. P. :  Nous le faisons en propageant une culture du développement durable au sein de toute l’entreprise, qui donne à tous les salariés les moyens d’agir. Nous avons lancé une formation obligatoire de six heures de contenus dédiés aux enjeux scientifiques de la transition, aux enjeux environnementaux et sociaux et à ceux propres à notre industrie. Nous donnons également la possibilité à nos salariés de faire une journée de volontariat par an pour s’engager et mener des actions. Audelà, nous défendons une nouvelle vision de la performance. À titre d’exemple, les revues de performance intègrent désormais systématiquement les objectifs de développement durable. Un autre point clé réside dans notre volonté de devenir une vraie banque de solutions durables pour nos propriétaires et nos hôteliers, en travaillant étroitement avec la direction des Achats et celle du Développement pour fournir et vendre les solutions les plus pertinentes aux propriétaires.

Comment ces chantiers portant des créations de valeur extra-financière s’accordent-ils au modèle d’affaires et à la recherche de performance économique du groupe ?

B. P. :  Aujourd’hui, il n’y a pas de performance financière saine sans une performance extra-financière robuste. C’est tout l’objet de la CSRD qui arrive et qui va permettre d’élever la performance extra-financière au même niveau que la performance financière. C’est pour cela que nous avons travaillé à la création d’un Département Performance au sein de la Direction Développement durable, pour assurer un pilotage de la performance durable rigoureux, que nous avons mis en place des outils financiers indexés sur des objectifs de réduction de nos émissions absolues de CO2, et élaboré un système de rémunération variable adossé à des objectifs de durabilité pour les dirigeants et les équipes. Cela ancre le développement durable au cœur du modèle de l’entreprise.


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