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Ismail Ben Achour
Directeur, Centre d’Excellence ESG
KPMG en France

 

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Benjamin Scialom
Senior manager et membre du Centre d’Excellence ESG
KPMG en France

 

Maillon essentiel du financement de la transition énergétique, les critères ESG s’imposent au sein du private equity : performance au rendez-vous pour les entreprises qui intègrent ces pratiques, attractivité du sujet pour les investisseurs et les consommateurs qui accordent une importance croissante à ces questions… Plus susceptible de générer des résultats financiers durables à long terme, la meilleure prise en compte des critères extra-financiers favoriserait ainsi la transformation d’une économie plus durable et responsable. Qu’en est-il vraiment ?

Par Ismail Ben Achour, directeur Real Estate & Construction, et Benjamin Scialom, senior manager et membre du Centre d’Excellence ESG, KPMG France


1. Des critères ESG de plus en plus intégrés pour une performance maximisée sur le long terme

Au cœur des préoccupations des investisseurs se trouve la création de valeur. Or, comme le montre la 8e édition de l’étude internationale CEO Outlook 2022 de KPMG menée entre juillet et août 2022 auprès de 1 325 dirigeants internationaux, 45 % des dirigeants interrogés estimaient que le déploiement d’un programme ESG avait amélioré leur performance financière, une augmentation de 37 % par rapport à l’année dernière. Prendre en compte les indicateurs ESG dans les investissements permettrait ainsi, au delà de véhiculer l’image d’être soucieux de la planète, d’avoir un impact significatif sur les performances financières à long terme. Une théorie confirmée par la multiplication des offres d’investissements « vertes » et des divers labels proposés sur le marché depuis plusieurs années, mais dont la performance à court et moyen termes reste encore à démontrer.

2. Un maillon essentiel du financement de la transition énergétique, créateur de valeur durable

Par sa puissance de frappe – capacité d’investir directement le capital avec un focus très spécifique sur les critères ESG, forte capacité d’influence en alignant le management avec le board vers une stratégie vertueuse –, le private equity doit prendre un rôle majeur dans la transition. En faisant le choix d’accompagner ceux qui s’engagent dans une transition énergétique, la prise en compte des critères ESG pourrait ainsi agir comme un véritable levier de création de valeur via différents angles :

  • la réduction des risques : les critères ESG peuvent aider les investisseurs à évaluer les risques liés à la durabilité et à la responsabilité sociale de l’entreprise cible, tels que les risques réglementaires, les risques de réputation ou les risques opérationnels. Malgré la pandémie de ces dernières années, certains fonds d’investissement socialement responsables (ISR) ont par exemple mieux performé parce qu’excluant par nature les énergies fossiles dont ils n’ont pas eu à subir la volatilité des prix ; 
 
  • un meilleur respect des exigences réglementaires : la réglementation CSRD, qui concernera à terme 50 000 entreprises à partir du 1er janvier 2024 avec pour objectif d’améliorer la transparence et de réorienter les investissements vers des technologies et des entreprises plus durables, permettra notamment de mieux intégrer les enjeux de durabilité à la stratégie et au modèle d’affaires des entreprises. Une transformation clé, notamment pour les ETI, dont 30 % en France sont détenues par des fonds d’investissement, qui conduira à plus de transparence dans les années à venir, en amenant de plus en plus les acheteurs à intégrer dans leur valorisation les impacts ESG, encore trop peu pris en compte par manque de données chiffrées fiables et de pratiques trop peu généralisées.

3. Des profils d’investisseurs plus soucieux

La diversification et l’exigence des profils d’investisseurs ont joué un rôle clé dans l’accélération de la prise en compte des critères ESG. Ces derniers ont de plus en plus pris conscience des risques et des opportunités liés aux pratiques ESG, ce qui les a amenés à chercher des investissements plus durables et responsables, notamment les institutionnels (fonds de pension, ou compagnies d’assurances), qui ont souvent des politiques et des objectifs ESG clairement définis dans leurs propres trajectoires et exigent que leurs investissements respectent des critères stricts en matière de durabilité et de responsabilité sociale. En réponse à cette demande croissante, de nombreux gestionnaires ont développé des stratégies et des outils pour évaluer et intégrer ces critères dans leur processus d’investissement : audits ESG pour évaluer les risques liés aux pratiques des entreprises cibles, intégration de critères ESG dans les clauses des contrats d’achat-vente… Un cercle vertueux pour tous : a contrario, pour rester attractives, les entreprises qui veulent attirer les fonds de capital investissement pour se financer doivent mettre en place une politique RSE robuste, qui s’envisage désormais comme un outil de communication et d’attractivité autant qu'un axe de développement commercial.

4. Vers une fiabilisation des KPI extra-financiers pour maximiser la valorisation de sortie

Une entreprise ayant intégré des critères ESG dans sa stratégie et ayant amélioré ses performances extra-financières attirera un plus grand nombre d’acquéreurs quand viendra le moment de la sortie. Les fonds de private equity gagneraient donc à identifier, en amont de la vente, la valeur créée grâce à l’ESG, à la mesurer et en faire un reporting. Une réalité encore complexe à mettre en place dans les faits. La capacité de suivre ces KPI est alors clé : si le fonds s’est concentré sur le changement climatique, il doit être en mesure d’expliquer comment le fait d’investir dans des entreprises à forte intensité d’émissions carbone ayant amorcé une stratégie de décarbonation a permis de générer un multiple de valorisation plus élevé (EV/Ebitda). La fiabilisation de la data va alors être essentielle lors de la due diligence ESG à la sortie, et à ce titre, la prise en compte des KPI extra-financiers risque de prendre une place croissante dans les packages des dirigeants à l’avenir. Dans un scénario de sortie de vente de gré à gré entre la cible et un compétiteur du même secteur, ce dernier, en plus de l’aspect stratégique sera prêt à payer le fameux premium ESG si l’entreprise possède un track record de KPI pertinents et une politique RSE alignés avec l’acquéreur.

Des éléments stratégiques pour soigner sa sortie.

En bref, l’objectif de création de valeur et de réduction des risques cohabite désormais avec la volonté de donner du sens à l’investissement, et d’aligner les investissements avec les convictions au service d’un impact plus responsable. Un cercle vertueux est en train de se déployer sur le marché du private equity : d’un côté, il accélère la transformation responsable de l’économie et de l’autre, grâce à l’ESG, il crée encore plus de valeur financière. Une dynamique positive pour tous !

Avis d'experts publié dans Option Finance


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