Les zones franches franco-suisses : un héritage de 1815 toujours vivant

Les zones franches franco-suisses

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Ville libre jusqu’à la Révolution, Genève est annexée par la France en 1798 puis rejoint la Confédération helvétique à la chute de l’Empire. Dans le cadre du remembrement de l’Europe en 1815, le nouveau canton de Genève négocie avec la France et le royaume de Sardaigne – qui possède le Piémont auquel est alors rattachée la Savoie – la possibilité de se fournir en franchise d’impôt auprès des paysans de son arrière-pays situés en territoires français ou savoyard. C’est ainsi que sont instituées deux zones franches autour de Genève, l’une au nord dans le département de l’Ain, dite zone de Gex, et une autre au sud en Savoie, dite zone sarde.

Le principe de ces zones franches est simple : elles sont, sur le plan fiscal, assimilées à des territoires sous souveraineté helvétique. Il n’y a pas de contrôles douaniers entre ces zones et la Suisse. Les bureaux de douane sont établis à la frontière entre ces zones franches et la France d’une part, le royaume de Sardaigne d’autre part.

Les traités qui instituent ces zones franches prévoient de surcroît l’obligation pour la France et le royaume de Sardaigne de demander l’accord de la Suisse avant de lever des troupes dans les zones franches. En 1829, dans le même esprit, une troisième zone franche sera établie à l’extrémité orientale du lac Léman, au voisinage de la ville frontalière de Saint-Gingolph.

Le dispositif donne satisfaction, au point qu’au lendemain du rattachement de la Savoie à la France (1860), Napoléon III décide d’élargir unilatéralement, mais avec l’accord informel de la Confédération, la zone sarde à l’ensemble du nord du nouveau département de Haute-Savoie : la zone franche se prolonge dès lors jusqu’à Chamonix.

En 1923, le contexte économique ayant changé, la France, sans concertation avec la Suisse, met fin au système des zones franches et déplace ses bureaux de douane sur la frontière politique entre les deux pays. Il s’ensuit un contentieux complexe, que la Cour internationale de Justice tranche en 1932, reconnaissant à la France le droit de mettre fin à l’extension de zone décidée par Napoléon III, puisqu’elle relevait d’une décision unilatérale et non d’un traité, mais enjoignant Paris de rétablir les zones d’origine, toujours protégées quant à elles par leurs traités fondateurs du début du XIXe siècle.

L’arrêt des juges de La Haye n’a pas été remis en cause depuis : les agriculteurs du pays de Gex peuvent utiliser le label suisse et livrer aux halles de Genève en franchise de taxe, dans des camions japonais qui leur ont coûté environ 6% de moins qu’ailleurs en France !
 

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