En l’espace de deux jours, le président Trump aura signé autant de décrets présidentiels sur les droits additionnels que durant les trois mois précédents.
Pas moins de cinq executive orders ont été pris les 30 et 31 juillet 2025, instaurant :
- De nouveaux droits additionnels à l’importation applicables à tous les Etats du monde,
- Des droits ciblés pour le Brésil, le Canada et sur les produits à base de cuivre,
- La suppression mondiale de l’exemption douanière dite de minimis.
RETOUR DES « DROITS RÉCIPROQUES » : UN JOUR SANS FIN ?
Pour mémoire, le 2 avril 2025, le président Trump annonçait la mise en œuvre de droits dits « réciproques » :
- Un droit additionnel de 10 % sur les importations originaires de tous les pays,
- Des droits supplémentaires, allant de 11 % à 50 %, ciblant 70 Etats accusés d’avoir un « important déficit commercial avec les États-Unis ».
Ces taux avaient été suspendus pour 90 jours, puis à nouveau jusqu’au 1er août 2025. Ils entreront finalement en vigueur le 7 août 2025.
Désormais, le monde se divise en deux catégories, les Etats qui ont passé un « accord » avec les Etats-Unis et ceux qui n’en ont pas.
Ainsi, certains États ont obtenu des taux préférentiels comme :
- La Chine : 10 % (au lieu de 125 %),
- Le Vietnam : 20 % (au lieu de 46 %),
- Le Japon : 15 % (au lieu de 25 %),
- La Corée du Sud : 15 % (au lieu de 25 %),
- Le Royaume-Uni : 10 % (au lieu de 27,5 % sur les véhicules et pièces, avec quotas préférentiels sur acier, aluminium et dérivés),
- L’Indonésie : 19 % (au lieu de 32 %).
D’autres, en revanche, voient leurs taux de droits réciproques maintenus ou augmentés, faute d’accord :
- Suisse : 39 % (au lieu de 31 %),
- Brunei : 25 % (au lieu de 24 %),
- Turquie : 15 % (au lieu de 10 %).
Il faudra désormais surveiller si ces droits seront effectivement appliqués ou s’ils feront l’objet d’une nouvelle suspension.
UN « ACCORD » DISSONANT AVEC L'UNION EUROPÉENNE
Face à la menace d’un droit réciproque de 30 %, les États-Unis et l’UE ont annoncé, le 27 juillet 2025, un « accord commercial » reposant sur les principes suivants :
- Côté Etats-Unis : un droit additionnel unique de 15 % sur la majorité des produits européens, des exemptions ciblées (aéronautique, agriculture, etc.) et des contingents tarifaires pour l’acier, l’aluminium et leurs dérivés,
- Côté UE : la suppression des droits de douane sur les produits industriels américains, des quotas tarifaires sur certains produits de la pêche et agricoles non sensibles (huile de soja, céréales, semences, cacao, biscuits, ketchup, etc.).
Concernant l’application du taux de 15 % pour l’importation de produits originaires de l’UE aux Etats-Unis :
- Si le taux de droit conventionnel à l’importation (ci-après taux de la nation la plus favorisée – « Taux MFN ») est inférieur à 15 %, un droit additionnel compensera la différence pour atteindre 15 % de droits au total. Les 15 % incluront les éventuels droits conventionnels qui se calculent sur la base d’une unité (par opposition aux habituels droits ad valorem),
- Si le taux MFN est supérieur à 15 %, seul ce taux continuera de s’appliquer.
Exemples :
Certains vêtements ont un taux MFN de 28,2 %. Par conséquent, aucun droit additionnel ne s’appliquera et le taux MFN de 28,2 % continuera de s’appliquer.
Par ailleurs, deux décalages notables apparaissent entre les annonces politiques et l’executive order publié :
- Aucune nouvelle exemption n’est prévue (seules les anciennes sont reconduites)
- Le taux de 15 % ne semble pas techniquement inclure le secteur automobile (erreur de plume dans la reprise des Executive Orders passés modifiés par cette nouvelle mouture ?) , malgré les déclarations de Mme von der Leyen. Le taux de 25 % spécifique à ce secteur pourrait donc rester applicable ? Ce point va certainement être « remonté » aux autorités pour probable correction mais ce point reste techniquement à suivre.
DE NOUVEAUX DROITS ADDITIONNELS : BRÉSIL, CANADA ET CUIVRE
En plus des droits réciproques, les États-Unis ont annoncé des mesures spécifiques à compter du 1er août 2025 :
- Brésil : un droit additionnel de 40 % s’ajoute aux 10 % de droits réciproques, soit un taux de droits total de 50 % en plus des droits conventionnels,
- Canada : un nouveau droit de 35 % remplace l’ancien taux de 25 % (applicable en l'absence de couverture par l’accord USMCA),
- Produits en cuivre : un droit additionnel de 50 % s’appliquera aux produits semi-finis et dérivés.
LA FIN DE L'EXEMPTION DE MINIMIS
Pour mémoire, la règle de minimis américaine permet notamment une exemption de droits de douane (conventionnels, réciproques et additionnels) pour les envois de moins de 800 USD par jour et par personne.
Prévue initialement pour le 1er juillet 2027 au plus tard dans le cadre du « Big Beautiful Bill », la suppression de cette exemption a désormais été avancée au 29 août 2025.
Par conséquent, à partir de cette date :
- Tous les envois commerciaux, même inférieurs à 800 USD, seront soumis aux droits de douane (conventionnels, réciproques et additionnels) et feront a priori l’objet d’une déclaration en douane classique (contrairement à l’ancien manifeste électronique),
- Pour les envois postaux (via La Poste, par exemple), un choix sera offert : soit appliquer les droits ad valorem, soit s’acquitter d’un montant forfaitaire compris entre 80 USD et 200 USD, selon le taux de droits réciproques applicable aux produits.
LA CERTITUDE DE L'INCERTITUDE
Plusieurs incertitudes majeures demeurent :
- Cadre juridique contesté : hormis le cas du cuivre, toutes ces mesures s’appuient sur l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA). Cette base juridique a été invalidée en première instance par la Court of International Trade. L’appel, ouvert le 31 juillet 2025, pourrait se conclure devant la Cour suprême en 2026. En fonction du sens de la décision, des demandes de remboursement pourraient être déposées.
- Ratification de l’accord avec l’UE : l’UE doit encore définir le cadre juridique d’adoption de cet accord. Toutefois, un accord de type Mercosur prendrait des années et poserait des questions sensibles (propriété intellectuelle, indications géographiques, règles d’origine, investissement, etc.). De plus, le système de contingents tarifaires pour l’acier, l’aluminium et des produits dérivés est, à ce jour, toujours au stade de projet. Des négociations sont actuellement en cours mais, en l’absence de ce système, le taux de 50 % spécifique à ces produits continue de s’appliquer.
- Mesures à venir : les enquêtes du United States Trade Representative (USTR) sur les semiconducteurs et produits pharmaceutiques touchent bientôt à leur fin. Des droits additionnels sur ces secteurs pourraient être décidés dans les prochaines semaines.
Juliette Guérin-Touet
KPMG Avocats
Nathan Lauret
KPMG Avocats