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Dans une décision Fibusa  du 20 décembre 2024, le Conseil d’Etat apporte des précisions utiles sur la dialectique de la charge de la preuve en cas d’avances de fonds sans intérêt à une société liée étrangère caractérisant  un avantage par nature. L’administration n’a pas à démontrer que le taux sur lequel elle fondait son redressement était de pleine concurrence : en constatant un avantage par nature et non par comparaison, c’est au contribuable qu’il incombe d’apporter la preuve de ce que le taux employé par l’administration serait excessif.

Dans ses conclusions, le rapporteur public, Bastien Lignereux, apporte deux précisions intéressantes.

La première constitue un rappel utile : pour constituer un avantage par nature, le taux d’intérêts de 0 % doit provenir d’une intention délibérée de ne pas se faire rémunérer c’est-à-dire une libéralité. La situation serait différente, et ne caractériserait pas un avantage par nature, si l’absence d’intérêt découlait d’un taux de 0 % issu d’une formule de calcul contractuellement convenue entre les parties et qui aboutit à un montant de 0 % (ce qui serait le cas en pratique pour des formules de type taux flottant – par exemple, €STR ou Euribor – plus une marge faible quand les taux interbancaires sont négatifs). 

La seconde est quant à elle plus novatrice, puisqu’elle explore les divergences dans la dialectique de la preuve selon que l’on se place sur le terrain de l’acte anormal de gestion ou sur celui de l’article 57 du code général des impôts (« CGI »). En effet, comme il l’a été évoqué précédemment, lorsque l’administration établit – comme ce fut le cas pour Fibusa – l’existence d’un avantage par nature, qui se définit de la même manière que ce soit dans le contexte de l’acte anormal de gestion ou de l’article 57 du CGI, elle n’a pas à prouver que le taux qu’elle choisit d’appliquer est de pleine concurrence : c’est au contribuable de démontrer que le taux serait excessif. Or, selon le rapporteur public Bastien Lignereux, cette preuve différerait selon que le fondement de l’acte anormal de gestion ou sur celui de l’article 57 du CGI :

  1. Sur le terrain de l’acte anormal de gestion, le contribuable pourrait apporter cette preuve en se plaçant au niveau de l’entité prêteuse et en démontrant que si elle avait placé un montant comparable dans des conditions analogues auprès d’une entité tierce (par exemple, une banque), alors elle aurait perçu un montant d’intérêts plus bas que celui retenu par l’administration.
  2. Sur le terrain de l’article 57 du CGI, il conviendrait de rechercher le taux dont seraient convenues deux entités indépendantes placées dans des circonstances similaires. Au cas du financement intragroupe, on se placera à l’inverse au niveau de l’entité emprunteuse, selon une démarche bien connue des praticiens en prix de transfert, en menant une analyse économique (ou benchmark) afin de déterminer un intervalle de taux d’intérêts reflétant le coût auquel l’emprunteur aurait pu se financer sur le marché libre. Le contribuable cherchera à démontrer que la société emprunteuse aurait payé un intérêt inférieur à celui appliqué par l’administration.

La preuve à apporter, par l’administration ou par le contribuable selon le cas, différerait en fonction du fondement juridique retenu ce qui est source d’insécurité pour les entreprises. En effet, l’administration utilise indifféremment les deux fondements à sa disposition, et le plus souvent de façon cumulative.



AUTEURS

Serge Lambert
KPMG Avocats

EXPERTISE CONCERNÉE