Les sociétés soumises au plan comptable général ne peuvent retenir, lors de la recapitalisation d’une filiale avant son absorption ou sa liquidation, un classement différencié des titres nouvellement émis. Le Conseil d'Etat suit l’avis de l’ANC qu'il avait saisie de cette question spécifique. Aucune position de principe ayant une portée générale n'est pour l'heure retenue.
Peuvent notamment être qualifiés de titres de participation les titres revêtant ce caractère sur le plan comptable, définis comme ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle.
Une telle utilité peut être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence (CE, 20 octobre 2010, n° 314248, Société Hyper Primeurs ; CE, 12 mars 2012, n° 342295, EURL Alci ; CE, 20 mai 2016, n° 392527, Selarl L.).
Pour l’Administration, ces critères doivent être appréciés à la date d’acquisition initiale des titres (BOI-BIC-PVMV-30-10, n° 96), sans réexamen en cas de nouvelle souscription de titres. Elle considère en effet qu’un « projet de cession d'une participation ne constitue pas en soi un évènement susceptible de remettre en cause l'intention ayant présidé à l’acquisition initiale » (n° 98). Ainsi, les titres souscrits à l’occasion de la recapitalisation d’une filiale avant sa cession doivent recevoir la même qualification que les titres déjà détenus dans celle-ci par la société souscriptrice. Dans une mise à jour récente de ses commentaires, l’Administration a toutefois précisé que « la qualification comptable donnée aux titres nouvellement acquis n’est pas nécessairement conditionnée par celle attribuée lors d’une acquisition antérieure », visant toutefois seulement le cas de la règlementation comptable applicable au secteur bancaire.
En effet, le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette problématique, dans le cadre spécifique de la réglementation comptable applicable aux entreprises du secteur bancaire. Il a jugé que dès lors que le plan comptable spécial des établissements de crédit permettait de classer une même ligne de titres dans deux catégories différentes, les titres souscrits à l’occasion de la recapitalisation d’une filiale avant sa cession, pouvaient ainsi recevoir une qualification différente de celle des titres déjà détenus, « en fonction de l'intention de l'acquéreur à la date de leur achat ou [de leur] souscription » (CE, 8 novembre 2019, n° 422377, société Crédit agricole).
Saisi de la question de savoir si cette solution était – ou non – transposable aux entreprises industrielles et commerciales soumises au plan comptable général, le Conseil d’Etat a sollicité l’avis de l’ANC, dans la configuration particulière de l'espèce, c'est-à-dire de la recapitalisation d’une filiale avant son absorption ou sa liquidation.
Le Conseil fait sien l’avis de l’ANC et relève que de telles opérations de recapitalisation avant fusion ou liquidation conduisent la société détentrice des titres nouvellement émis à exercer un contrôle direct des actifs et des passifs de la société émettrice dont les titres sont annulés à l’issue des opérations. Cela démontre l’intention manifeste de cette société d’exercer une influence sur les sociétés émettrices ou d’en assurer le contrôle, de sorte que la présomption de classement en titre de participations des titres nouvellement souscrits ne saurait être renversée.
Il ressort tant des conclusions de la rapporteure publique Céline Guibé que de l’avis de l’ANC dont des extraits sont cités dans ses conclusions, qu’il ne s’agit pas d’une solution de principe applicable à d’autres configurations que celle en cause. Aucune règle de portée générale n'est donc adoptée. La question du classement différencié des titres d’une même société souscrits dans le cadre d’une recapitalisation avant cession est ainsi réservée.
A noter, on relèvera par ailleurs que l’ANC a indiqué qu’elle comptait parmi ses priorités le traitement comptable des titres dont elle estime que les règles actuelles nécessitent d’être revues « notamment au sujet de leur classification comptable (question de la prise en compte de l’intention de détention) en gardant en tête le lien avec les problématiques fiscales qui reposent sur une approche propre ». A ce titre, la rapporteure publique sous la présente affaire a invité le Conseil d’Etat a la prudence dans l’attente de l’achèvement de ces travaux « qui devrait conduire, a minima, à une clarification et, le cas échéant, à une évolution des règles comptables ».
A noter, un second point est également jugé de façon inédite par le Conseil d’Etat. Est retenue une acception large de la notion de « cession » pour l’application des dispositions du 2 bis de l’article 39 quaterdecies du CGI. L'annulation de titres détenus par une société à la suite d'une opération de restructuration entraînant la transmission universelle à son profit du patrimoine de la société dont les titres sont annulés doit être regardée comme présentant le caractère d'une cession au sens et pour l'application de ces dispositions.