• 1000

Lors du Conseil ECOFIN du 14 mai 2024, les Etats membres de l'UE sont parvenus à un accord politique sur le projet de Directive dite FASTER qui harmonise au sein de l’UE les procédures de dégrèvement et de remboursement de l'excédent de retenue à la source afférent aux dividendes et intérêts de titres cotés européens versés à des résidents européens afin de les rendre plus efficaces pour toutes les parties prenantes tout en luttant contre la fraude fiscale et les abus.



CONTEXTE

La Commission européenne a publié le 19 juin 2023 un projet de Directive, dite « Faster » visant à mettre en place dans l'UE des procédures harmonisées, plus rapides et plus sûres (fast-track procedures) de retenues à la source acquittées par des actionnaires résidents d'un Etat membre. 

Porté par les présidences espagnole puis belge du Conseil de l’UE, les Etats membres sont parvenus à un accord politique sur un texte de compromis, lors du Conseil ECOFIN du 14 mai 2024.

L’objectif est double : soutenir le bon fonctionnement de l'union des marchés des capitaux en facilitant les investissements transfrontières et garantir la justice fiscale tout en prévenant la fraude et l'abus fiscaux dans ce domaine.

Pour atteindre ces objectifs, le projet de Directive instaure dans l’UE des procédures de dégrèvement ou restitution de l'excédent de retenues à la source prélevées par un Etat membre sur les dividendes ainsi que, le cas échant, sur les intérêts, des titres émis par des sociétés cotées européennes. Le système repose sur deux piliers : un certificat numérique européen de résidence fiscale et le statut d'intermédiaire financier certifié.

Les États membres auront jusqu'à la fin de l'année 2028 pour transposer la directive en droit interne, les règles devenant effectivement applicables à partir du 1er janvier 2030. Le texte adopté comporte des changements importants par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne.

PROCÉDURES ACCÉLÉRÉES DE REMBOURSEMENT OU DE DÉGRÈVEMENT DES RETENUES À LA SOURCES POUR LES PRODUITS DE TITRE COTÉS

Les Etats membres devraient renforcer leurs procédures actuelles de remboursement ou de dégrèvement des retenues à la source en les complétant pour les titres cotés, de l’une des deux procédures accélérées suivantes (ou les deux) :

  • Une procédure de dégrèvement à la source consistant en l’application immédiate d’un taux réduit de retenue à la source (relief at source).
  • Une procédure de remboursement rapide (dans les 60 jours civils suivant la fin de la période de demande de remboursement rapide) de l’excédent de retenue à la source appliquée (quick refund).

La Directive prévoit une liste de situations dans lesquelles l'éligibilité aux procédures accélérées peut être écartée par les Etats membres (notamment en cas de demande portant sur une exonération totale de retenue à la source ou portant sur le paiement de dividendes bruts supérieurs à 100 000 euros par bénéficiaire par paiement).

Les Etats membres auront la possibilité de maintenir leurs seules procédures actuelles, sous réserve notamment que le ratio de capitalisation boursière (en pourcentage de la capitalisation boursière globale de l'UE) de l'État membre concerné soit inférieur à 1,5 %.

S’agissant de la France, la retenue à la source sur les dividendes est prélevée par l’établissement payeur. Pour l’heure, si le débiteur possède les justificatifs nécessaires (i.e. attestation de la résidence du bénéficiaire grâce au formulaire 5000-FR) avant le paiement, il peut bénéficier, le cas échéant, de l’exonération ou du taux réduit applicable en vertu du droit interne ou d’une convention fiscale. A défaut, la retenue à la source est opérée au taux de droit commun et le débiteur doit demander l’imputation ou le remboursement de l’excédent (voir en ce sens, BOI-INT-DG-20-20-20-20 et formulaire n° 5000-SD).

Le ratio de capitalisation boursière de la France étant actuellement supérieur à 1,5 %, elle serait notamment tenue d’introduire en droit interne l’une de ces deux procédures accélérées (ou une combinaison des deux), en complément de sa procédure standard.

CERTIFICAT NUMÉRIQUE EUROPÉEN DE RÉSIDENCE FISCALE

Pour bénéficier des systèmes introduits par la Directive, les investisseurs devraient notamment démontrer qu’ils sont résidents fiscaux de l’Etat de source du revenu. Pour ce faire, un certificat numérique de résidence fiscale (CRFN) commun à tous les Etats membres de l’UE (dont le contenu serait identique quel que soit l'Etat membre de délivrance) serait créé. L’objectif serait de pouvoir confirmer la résidence fiscale des contribuables européens de manière simple, rapide, standardisée et sécurisée. Ce certificat serait délivré dans un délai de 14 jours civils et pour une période de validité maximale d'une année fiscale. Il devrait mentionner la convention fiscale dont le titulaire demanderait l'application.

Un registre et des obligations d'information normalisées pour les intermédiaires financiers serait par ailleurs créé. L'inscription au registre garantirait que seuls les intermédiaires financiers certifiés pourraient demander un dégrèvement des retenues à la source pour le compte de leurs clients grâce aux procédures accélérées. Ils devraient procéder à certaines vérifications portant sur la chaine de distribution et les intermédiaires impliqués ainsi que sur les dates d'acquisition des titres cotés acquis et les arrangements financiers qui leur sont liés.

Pour bénéficier de l'une ou l'autre des procédures accélérées susmentionnées, tous les investisseurs devront s'adresser à un intermédiaire financier certifié pour fournir des services relatifs aux paiements éligibles. Les IFC qui tiennent le compte d'investissement d'un propriétaire enregistré recevant des dividendes distribués ou des intérêts payés éligibles devront demander le bénéfice de l'une des procédures accélérées, lorsque : 

  • le propriétaire enregistré a autorisé l'IFC à demander l'application du taux réduit en son nom ; 
  • l'IFC a vérifié et établi l'éligibilité à l'application d'un taux réduit de retenue à la source conformément aux exigences de diligence raisonnable applicables (pour les investissements directs ou indirects, selon le cas).

PROCHAINES ÉTAPES ET ENTRÉE EN VIGUEUR

Compte tenu des différences entre la proposition de la Commission et le texte de compromis adopté par le Conseil de l'UE, une nouvelle décision de consultation du Parlement européen sur le texte devra être prise – dès que possible et, en tout état de cause, au plus tard le 31 janvier 2025 – afin que le Conseil puisse l'adopter formellement. La Directive sera ensuite publiée au JOUE et entrera en vigueur le 21e jour suivant.

Les États membres devront transposer dans leur droit interne les dispositions de cette Directive au plus tard le 31 décembre 2028, pour une application à compter du 1er janvier 2030 (soit un report de 3 ans de la proposition initiale).



AUTEUR

Delphine Brunet
KPMG Avocats

Nathanaël Devers
KPMG Avocats

EXPERTISE CONCERNÉE