Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2024 a été définitivement adopté le 4 décembre 2023 devant l’Assemblée nationale en dernière lecture, après la mise en œuvre de l’article 49-3 de la Constitution (et le rejet de la motion de censure déposée).

La loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2024 (« LFSS 2024 ») a été promulguée le 27 décembre dernier, après avoir été examinée par le Conseil Constitutionnel.

Le renforcement de la prévention et de l’accès aux soins, le rééquilibrage du financement et de l’organisation du système de santé, la mise en place de nouveaux outils de lutte contre la fraude sont les principaux enjeux qui avaient été annoncés par le Gouvernement lors de la publication du projet de texte.

Nous présentons ci-après quelques-unes des mesures adoptées parmi les plus significatives pour les entreprises du secteur de la santé.

RÉVISION À LA HAUSSE DU SEUIL DE DÉCLENCHEMENT DE LA CONTRIBUTION M POUR L’ANNÉE 2023 (ART. 4)

Le montant M, au-delà duquel la clause de sauvegarde médicaments (dite « contribution M ») se déclenchera pour l’année 2023, a été revu à la hausse – le montant initialement prévu par la LFSS 2023, soit 24,6 milliards d’euros, a finalement été fixé à 24,9 milliards d’euros.

HARMONISATION DES RÈGLES D’ASSIETTE ET DU CALENDRIER D’APPEL ET DE PAIEMENT DES CONTRIBUTIONS M ET Z (ART. 28)

Afin de simplifier et harmoniser le dispositif de la clause de sauvegarde pour l’ensemble des produits de santé concernés, la LFSS 2024 a prévu différentes mesures permettant de rapprocher le fonctionnement de la contribution M et de la contribution Z (clause de sauvegarde pour les dispositifs médicaux).

Fixation des montants de déclenchement des contributions M et Z pour l’année 2024

Le montant M et le montant Z, au-delà desquels les contributions du même nom se déclencheront pour l’année 2024, ont été fixés respectivement à 26,4 milliards d’euros et 2,31 milliards d’euros (contre respectivement 24,9 milliards d’euros et 2,21 milliards d’euros en 2023). Cette réévaluation s’explique par l’inflation, par l’accroissement des dépenses de médicaments lié à la hausse des consommations et également par l’arrivée de nouveaux médicaments innovants plus onéreux.

Mise en cohérence de l’assiette de la contribution M avec celle de la contribution Z et du mode de calcul des contributions

Actuellement, le seuil de déclenchement des contributions M et Z ne repose pas sur le même indicateur puisque la contribution M est déclenchée en fonction du chiffre d’affaires net déclaré par les laboratoires pour les médicaments concernés, alors que la contribution Z est basée sur les montants nets remboursés par l’assurance maladie au titre des produits dans le champ de la contribution.

Afin d’adopter la même logique pour les deux contributions et ainsi en rapprocher le fonctionnement, à compter du 1er janvier 20261, la contribution M sera exprimée en montants remboursés par l’assurance maladie et non plus en chiffre d’affaires.

Par ailleurs, à compter de cette même date, le montant des contributions M et Z, en cas de déclenchement, sera égal à 90 % de la différence entre le montant des remboursements nets effectués par l’assurance maladie au titre des produits concernés et, respectivement, le montant M et le montant Z2.

S’agissant de la contribution M, cela signifie que le barème progressif - allant actuellement de 50 % à 70 % en fonction de l’ampleur du dépassement du montant M - va disparaître pour laisser place au taux forfaitaire de 90 %. A la lecture des travaux parlementaires, ce relèvement du taux a été rendu nécessaire du fait de la réduction d’assiette de la contribution, le montant effectivement remboursé au titre des médicaments dans le champ étant nécessairement plus bas que le chiffre d’affaires réalisé. Précisons néanmoins que l’objectif affiché par les parlementaires n’est pas d’augmenter le rendement de la contribution M – crainte qui a été exprimée par les représentants du secteur.

Pour tenir compte du changement d’assiette, la rédaction de l’article L. 138-12 du code de la sécurité sociale3 (relatif à la répartition de la contribution M entre les redevables) verra sa rédaction légèrement modifiée pour se référer non plus au « chiffre d’affaires » mais au « montant remboursé par l’assurance maladie » - les pourcentages de 70 % et 30 % restent en revanche inchangés.

Alignement du calendrier d’appel et de paiement des contributions M et Z

Des mesures permettant d’harmoniser et de fluidifier le processus déclaratif et de recouvrement des contributions M et Z ont également été adoptées.

S’agissant de la contribution Z, l’article L. 138-19-12 du CSS sera modifié, à compter du 1er janvier 2024, afin d’aligner la date de paiement de la contribution Z sur celle de la contribution M, soit au plus tard le 1er novembre suivant l'année civile au titre de laquelle la contribution est due (au lieu du 1er juillet actuellement).

Du fait de l’alignement des assiettes à compter du 1er janvier 2026, des modifications sont également attendues à partir de cette date concernant la contribution M. Ainsi, à partir de cette date, le processus déclaratif se déroulera selon les étapes suivantes, avec une centralisation des informations au niveau de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) (CSS, art. L. 138-15) :

  • Avant le 15 juillet de l’année suivant celle au titre de laquelle la contribution est due, la Caisse nationale d’assurance maladie, l’Agence technique de l’information sur les hospitalisations et l’Agence nationale de santé publique communiqueront à l’ACOSS le montant total remboursé par l’assurance maladie pour les médicaments que chaque entreprise aura distribué au cours de l’année civile précédente ;
  • Toujours avant le 15 juillet, le Comité économique des produits de santé (CEPS) communiquera à l’ACOSS le montant des remises dues par chaque laboratoire au titre de l’année civile précédente ;
  • L’ACOSS communiquera sans délai aux entreprises redevables concernées la liste des médicaments pris en compte dans le calcul du montant total remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments qu’elles exploitent.

La contribution M restera due au plus tard le 1er novembre suivant l'année civile au titre de laquelle elle est due.

MESURES SPÉCIFIQUES À LA CONTRIBUTION M (ART. 28)

Champ d’application de la contribution M

La LFSS 2023 avait intégré dans l’assiette de la contribution M les médicaments dont la prise en charge est assurée par l’Etat en vue de la constitution d’un stock stratégique face aux menaces sanitaires graves (achats réalisés par Santé Publique France)4.

La LFSS 2024 est venue préciser que les médicaments indiqués dans le traitement de la covid-19, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, sont exclus du champ d’application du 6° de l’article L. 138-10, II du CSS (médicaments acquis par Santé Publique France) au titre de l’année 2024.

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2024, le champ d’application de la contribution M sera élargi5 afin d’intégrer les médicaments en fin de prise en charge au titre de l’accès précoce et bénéficiant d’une prise en charge dérogatoire et temporaire (mesure adoptée dans le cadre de la LFSS 2024 et qui sera codifiée au nouvel article L. 162-16-5-1-2 du CSS).

Exonération de la contribution M

Conformément à l’article L. 138-13 du CSS dans sa version actuellement en vigueur, une entreprise assujettie à la clause de sauvegarde médicaments s’en trouve exonérée sous réserve que, conventionnée avec le CEPS au 31 décembre de l’année considérée pour au moins 90 % de son chiffre d’affaires réalisé au titre des médicaments pris en charge, elle signe avant le 31 janvier suivant un accord prévoyant le versement de remises dites « exonératoires de M ». Une entreprise signataire d'un tel accord est exonérée de la contribution M si la remise qu'elle verse en application de cet accord est supérieure ou égale à 95 % du montant dont elle est redevable au titre de la contribution.

La condition de forme permettant de bénéficier de l’exonération de la contribution M sera supprimée à compter du 1er janvier 2026, puisqu’il ne sera plus nécessaire à partir de cette date de signer avant le 31 janvier de l’année suivante un accord prévoyant le versement de remises exonératoires. Cet aménagement permettra d’alléger quelque peu les procédures administratives relatives à la contribution M.

Plafonnement de la contribution M

S’agissant de l'année 2023, la LFSS 2023 avait prévu, qu’à titre dérogatoire et exceptionnel, la clause de sauvegarde médicaments serait plafonnée à 10 % du chiffre d’affaires de chaque entreprise correspondant à l’assiette de la contribution M (ce plafond est inférieur à celui prévu par l’article L. 138-12 du CSS qui correspond à 10 % du chiffre d’affaires total de chaque entreprise au titre de l’ensemble des médicaments du portefeuille, pris en charge ou non).

Cette mesure dérogatoire est reconduite pour la contribution M due au titre de l’année 2024.

De plus, afin de tenir compte de la nature spécifique des produits génériques6, la contribution M due par chaque entreprise redevable au titre de ces produits ne pourra excéder 2 % du chiffre d’affaires réalisé au titre de ces derniers pour l’année 2024.

Par ailleurs, afin de tenir compte de la réduction d’assiette de la contribution à venir7, il est également prévu que la contribution M soit plafonnée à 12 % du montant total remboursé par l’assurance maladie à compter du 1er janvier 2026 (première application à la contribution M due au titre de l’année 2025).

MESURES ÉCOLOGIQUES CONCERNANT LES DISPOSITIFS MÉDICAUX (ART. 66)

Des mesures destinées à réduire l’empreinte environnementale du secteur de la santé, portant en particulier sur les dispositifs médicaux, ont été adoptées par la LFSS 2024.

Expérimentation concernant le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique

Est créé un mécanisme de retraitement des dispositifs médicaux à usage unique, à titre expérimental pour une durée de deux ans. Ainsi, les établissements de santé désignés par arrêté du ministre chargé de la santé, pourront sous certaines conditions, d’une part, céder des dispositifs usagés et, d’autre part, acheter des dispositifs à usage unique retraités auprès de fabricants de dispositifs médicaux, en vue de leur réutilisation.

Introduction d’un mécanisme de remises obligatoires pour les dispositifs médicaux avec un conditionnement inadapté

L’élargissement au secteur des dispositifs médicaux des dispositions existant pour les médicaments visant à inciter les industriels à concevoir des conditionnements ayant un moindre impact environnemental est prévu.

Ainsi, lorsqu’un produit inscrit sur la liste des produits et prestations (LPP) présentera des modèles, des références et des conditionnements inadaptés à ses conditions de prescription ou à ses modalités d’utilisation, ou sera générateur de déchets de soins supplémentaires par rapport aux produits, actes ou aux prestations comparables ou répondant à des visées thérapeutiques similaires, l’exploitant devra verser des remises, conformément au nouvel article L. 165-4-3 du CSS.

La Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (Cnedimts) donnera son avis sur le caractère adapté ou non des modèles, références et conditionnements, dans le cadre de l’examen des demandes d’inscription, de renouvellement ou de modification d’inscription sur la LPP.

Le montant des remises dues par l’exploitant sera déterminé par le CEPS qui appliquera au montant remboursé par l’assurance maladie sur la période concernée un taux fixé en fonction des éléments figurant dans l’avis de la Cnedimts, et, le cas échéant, de l’amélioration du service attendu ou rendu du produit, selon des critères qui seront fixés par arrêté ministériel.

SOUTIEN AU MAINTIEN SUR LE MARCHÉ DES MÉDICAMENTS MATURES (ART. 77)

Les obligations légales pesant sur les exploitants et titulaires d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour lutter contre les pénuries et les tensions d’approvisionnement des médicaments dits « matures », c’est-à-dire les médicaments qui ne sont plus protégés par un brevet, sont renforcées.

Actuellement, une entreprise pharmaceutique qui décide de cesser la commercialisation d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MTIM) doit en informer l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) au moins un an avant la date d’arrêt envisagée.

La nouvelle mesure prévoit de compléter les dispositions de l’article L. 5124-6 du code de la santé publique (CSP) afin d’inciter les entreprises détentrices ou exploitantes d’AMM qui décident d’arrêter la commercialisation de MITM, à mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition pour trouver un repreneur sous peine de sanction financière.

Par ailleurs, en cas d’absence de repreneur privé, l’ANSM pourra demander au titulaire de l’AMM de la concéder temporairement à titre gracieux à un établissement pharmaceutique public pour pouvoir poursuivre l’exploitation du médicament.

La liste des MITM concernés devrait être publiée au plus tard le 31 décembre 2024. Les modalités d’application de ces nouvelles dispositions seront fixées par décret en Conseil d’Etat.

En cas de manquement à ces nouvelles obligations légales, une sanction financière pourra être prononcée par l’ANSM. Le montant de cette sanction ne pourra être supérieur à 30% du chiffre d'affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour le produit ou le groupe de produits concernés, dans la limite d'un million d'euros. De plus, l’ANSM pourra assortir cette sanction financière d'une astreinte journalière qui ne pourra être supérieure à 2.500 € par jour lorsque l'auteur du manquement ne se sera pas conformé à ces prescriptions à l'issue du délai fixé par une mise en demeure8.

AUTRES MESURES DE LA LFSS 2024

Parmi les nombreuses mesures adoptées dans le cadre de la LFSS 2024 intéressant les entreprises du secteur de la santé, les nouveautés suivantes méritent par ailleurs d’être signalées :

  • L’exclusion de certains médicaments dérivés du plasma de l’assiette de la contribution sur le chiffre d’affaires des médicaments est supprimée (Art. 29) ;
  • Le régime dérogatoire d’autorisation de mise sur le marché applicable, sous certaines conditions, aux médicaments préparés à partir de sang ou de composants de sang prélevés dans des conditions non conformes aux dispositions légales, est supprimé – abrogation de l’article L. 5121-11 du CSP (Art. 29) ;
  • Des modifications sont apportées s’agissant des régimes d’accès dérogatoire aux médicaments (accès précoce et accès compassionnel) (Art. 76).
    • Les critères d’octroi d’une autorisation d’accès précoce sont adaptés pour le cas spécifique des vaccins ;
    • L’obligation de garantir l’approvisionnement du marché français est ajoutée à la liste des obligations que doivent respecter les entreprises qui exploitent des médicaments bénéficiant d’une autorisation d’accès précoce ;
    • Les conditions d’octroi des accès compassionnels sont aménagées ;
    • Un régime temporaire de prise en charge des médicaments en fin d’accès précoce est instauré pendant une certaine durée et sous réserve du respect de certaines conditions prévues par le nouvel article L. 162-16-5-1-2 du CSS.

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INDEX

1 Mesure applicable à la contribution M due au titre de l’année 2025.

2 Mesure prévue par l’article 30 de la LFSS 2024 s’agissant de la contribution Z.

3 Cette remarque est également valable pour les autres articles concernant la contribution M qui visent actuellement le chiffre d’affaires comme assiette.

4 CSS, art. L. 138-10, II, 6°.

5 Ajout d’un 3° bis à l’article L 138-10, II. du CSS

6 Spécialités génériques définies au 5° de l’article L.5121-1 du code de la santé publique et spécialités de référence auxquelles s’applique un tarif forfaitaire de responsabilité ou dont le prix est identique à celui des spécialités génériques figurant dans le même groupe générique).

7 Assiette basée sur le chiffre d’affaires remplacée par une assiette correspondant au montant remboursé par l’assurance maladie (voir ci-avant).

8 Article L. 5471-1 du CSP sanctionnant le manquement qui sera ajouté au 8° de l’article L. 5423-9 du CSP.