Un amendement de plusieurs députés imposant aux sociétés cotées* un « say on climate » un peu à l’image du « say on pay » avait été voté dans le cadre du projet de loi « Industrie verte » (loi à paraitre) par l’Assemblée Nationale le 21 juillet 2023 contre l’avis du gouvernement. S’agissant d’une procédure accélérée, la commission mixte paritaire était très attendue, mais incertaine car le processus parlementaire ne comportait qu’une seule lecture dans les deux chambres et avait commencé par le Sénat, qui n’avait donc pas eu l’occasion de se prononcer. La proposition adoptée à l’Assemblée imposait aux entreprises cotées de faire statuer leur conseil d’administration (en oubliant l’existence des conseils de surveillance...) sur une stratégie climat et durabilité, de soumettre celle-ci tous les trois ans (et lors de chaque modification importante) aux actionnaires en assemblée générale, enfin de leur faire annuellement un rapport sur sa mise en œuvre. Point important : les divers votes en assemblée générale n’étaient que consultatifs, même s’il était indiqué que le conseil d’administration devrait « prendre en considération le résultat du vote ». Mais la commission mixte paritaire a supprimé cet amendement le 9 octobre 2023.

Il est vrai que la question de l’opportunité de faire délibérer les actionnaires sur cette question divise. L’AFEP et le MEDEF, dans leur Code gouvernement d’entreprise de décembre 2022, préconisent que, sur proposition de la direction générale, le conseil d’administration détermine des orientations stratégiques pluriannuelles en matière de responsabilité sociale et environnementale, présente au conseil d’administration les modalités de mise en œuvre de cette stratégie, informe annuellement le conseil des résultats obtenus, et demandent que cette stratégie et les principales actions engagées soient présentées à l’assemblée générale ordinaire au moins tous les trois ans ou en cas de modification significative. Le Haut conseil de la place juridique de Paris, quant à lui, a estimé au début de cette année que, d’une part, la possibilité pour les actionnaires de se prononcer en assemblée sur la stratégie climatique de la société par un vote simplement consultatif ne heurtait aucune règle, d’autre part, qu’aucune modification législative ou réglementaire n’apparaissait nécessaire. La Commission climat et finance durable de l’AMF a, en revanche, proposé en mars que le législateur intervienne pour rendre obligatoire le say on climate pour les entreprises qui seront soumises au rapport de durabilité (Directive CSRD), mais l’AMF elle-même est restée en deçà en invitant seulement les sociétés à renforcer le dialogue actionnariale en faisant délibérer les actionnaires « sous la forme d’un point à l’ordre du jour avec débat », tout en estimant tout de même qu'il serait opportun, le moment venu et dans des conditions à définir par voie législative, que ces informations soient soumises à l'approbation des actionnaires comme c'est le cas pour les comptes annuels.

S’agissant de l’amendement voté à l’Assemblée nationale, plusieurs raisons de s’y opposer avaient été avancées : ne pas imposer une nouvelle obligation aux entreprises françaises ; ne pas imposer une obligation qui de plus serait inutile parce que ces grandes entreprises en font déjà une priorité d’elles-mêmes et parce que la directive CSRD du 14 décembre 2022 sur l’information extra-financière leur imposera de préparer et publier un rapport de durabilité à compter du 1er janvier 2024.

Peut-être ces arguments, que l’on doit entendre, ne sont-ils pas totalement définitifs. D’une part, le futur rapport de durabilité sera de l’ordre de la déclaration et non fondamentalement de l’action, même si l’idée sous-jacente, qui n’est pas fausse, est que « dire oblige à faire » ; ensuite, ce rapport sera établi par la direction générale sous l’œil du conseil et du comité spécialisé (comité d’audit ou comité RSE), sans devoir être soumis aux actionnaires.

Enfin, la levée de la pression législative résultant de la suppression de l’amendement n’empêchera pas une pression actionnariale et sociétale, qui a déjà conduit de nombreuses entreprises cotées à soumettre d’elles-mêmes un plan climat au vote de leurs actionnaires, vote consultatif en général mais parfois délibératif. Et peut-être certains réussiront-ils à convaincre un jour un juge d’imposer en certaines circonstances une délibération des associés en s’appuyant sur la loi Pacte de 2019, qui exige que toute société, quelle qu’elle soit et quelle que soit sa taille, soit gérée dans son intérêt social « en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».


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