Le 8 mars 2023, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi en vue de réformer l'action de groupe en France, qui faisait suite à l’approbation par la Commission des lois en février 2023.

Portée par les députés Laurence Vichnievsky (Modem) et Philippe Gosselin (LR), cette proposition de loi fait suite à la publication du rapport de la mission d’information « sur le bilan et les perspectives des actions de groupe en France » analysant les insuffisances du cadre juridique actuel et la nécessité de simplifier et renforcer l’efficacité de l’action de groupe1 en instaurant un régime juridique dit « universel ».

Introduite par la loi Hamon en 2014, et initialement circonscrite aux domaines de la consommation et de la concurrence, l'action de groupe a été progressivement étendue à d'autres domaines tels la santé, l'environnement, la protection des données personnelles, la lutte contre les discriminations en 2016 et les litiges relatifs à la location immobilière en 2018. Pourtant, à ce jour, sur les 32 actions de groupe initiées en France, 4 seulement ont permis d’aboutir à un résultat, en l’occurrence transactionnel.

La proposition de loi nouvelle propose ainsi une refonte complète du régime juridique de l’action de groupe, s’appuyant sur trois piliers.

Le premier vise à établir un cadre unifié pour toutes les actions de groupe, lesquelles sont actuellement soumises à pas moins de sept régimes différents. L’article 3 de la proposition prévoit ainsi la suppression de toutes les dispositions spécifiques relatives à l’action de groupe dans divers codes et lois. L’article 4 harmonise quant à lui le régime des actions de groupe dans le code de justice administrative avec celui du "socle commun", régime unifié intégré au code civil. L’objectif est de garantir l’unité des procédures, quel que soit le défendeur concerné, et quel que soit le domaine ou le secteur d’activité en cause. La proposition de loi prévoit en outre une compétence exclusive au profit de certains tribunaux judiciaires.

Le deuxième opère également un triple élargissement de la qualité pour agir, du champ matériel et du préjudice indemnisable. Il agrandirait le cercle des associations habilitées à initier ce type d’actions qui étaient jusqu'alors réservées à certaines associations agréées (associations de consommateurs). Ainsi, aux termes de la proposition de loi, un groupe de 50 personnes physiques ou 5 personnes morales pourrait constituer une association "ad hoc" pour initier une action de groupe.  L'action pourrait alors être exercée pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales afin d’obtenir la cessation d'un comportement illicite et / ou la réparation de tous types de préjudices (corporels, matériels ou moraux).

Le dernier, une innovation, consiste en la création d’une sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels, ce qui suppose la démonstration (i) d’un comportement délibéré, (ii) mis en œuvre afin d’obtenir un avantage indu et (iii) ayant causé des dommages à plusieurs personnes dans des situations similaires. Pour les personnes morales, la sanction serait plafonnée à 3% de leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France. Pour les personnes physiques, la sanction ne pourrait dépasser le double du profit réalisé.

Enfin, dans un souci de transposition de la Directive européenne 2020/1828 du 25 novembre 20202 enjoignant aux États membres d’instaurer des dispositifs visant à réduire les frais de procédure, la proposition de loi vise à alléger le coût de la procédure d’action de groupe en donnant au juge la possibilité de mettre à la charge de l'Etat une avance de frais.

Bénéficiant d’une procédure accélérée engagée par le Gouvernement le 6 mars 2023, et transmise au Sénat le 9 mars, la proposition de loi doit maintenant être examinée par la Chambre haute.


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INDEX

1 L’action de groupe permet aux personnes victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel de se regrouper et d’agir en justice.

2 Dir. (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du conseil du 25 nov. 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs.


AUTEURS

Emmanuel Tricot
KPMG Avocats

EXPERTISE CONCERNÉE