La marche des professions libérales réglementées (PLR) vers une organisation moderne de leur exercice sous forme de société vient de franchir un pas important par une ordonnance du 8 février dernier1. Longuement préparée avec les représentants des différentes professions concernées, elle présente plusieurs mérites, principalement ceux-ci : elle consacre et définit la notion générale de profession libérale réglementée et en dégage les principes fondamentaux ; elle clarifie et harmonise le régime de leur exercice en société et améliore la lisibilité des textes.
C’est un code des sociétés particulières aux professions libérales réglementées qui est ainsi publié et vient se substituer aux principaux textes antérieurs, qui sont abrogés (en particulier la loi sur les sociétés civiles professionnelles et celle sur les sociétés d’exercice libéral).
DÉFINITION DE LA « PROFESSION LIBÉRALE RÉGLEMENTÉE »
Pour commencer, l’ordonnance définit la profession libérale réglementée : l’exercice d’une activité indépendante soumise à une déontologie ou une éthique sanctionnée par une autorité professionnelle.
On ne voit pas évoqués le caractère intellectuel ni le caractère civil autrefois mis en avant, ce qui se comprend compte tenu de la diversité des professions englobées ; seuls deux critères sont retenus, l’indépendance et une déontologie/éthique sanctionnable disciplinairement. Pour autant, la notion d’indépendance n’est pas définie, ce qu’avait pourtant tenté de faire les rédacteurs dans l’une des versions du projet, et on peut le regretter car les autorités professionnelles auraient pu s’en emparer pour assoir leur contrôle.
LES TROIS FAMILLES DE PROFESSIONS LIBÉRALES RÉGLEMENTÉES
En deuxième, l’ordonnance confirme l’existence de trois familles :
■ les professions de santé,
■ les professions juridiques ou judiciaires et,
■ catégorie ouverte, les professions techniques et du cadre de vie, où l’on trouvera les professions du chiffre, mais aussi les architectes, les géomètres, les experts, etc.
Enfin, elle met au cœur de la réglementation le « professionnel exerçant », c’est-à-dire celui qui exerce effectivement son activité au sein d’une société.
DIFFÉRENTS TYPES DE SOCIÉTÉ
Le gros de l’ordonnance est consacré aux différents types de société offerts à ces professions. Elle en harmonise la réglementation sans imposer une uniformité tant il y a une diversité de statuts professionnels, même si certaines différences sont plus historiques qu’objectives.
Elle regroupe les dispositions communes aux sociétés d’exercice libéral (création, composition, fonctionnement, responsabilité des associés et de la société), puis présente les dispositions particulières à chacune (SCP, SEL, SPFPL, etc, les deux dernières catégories étant elles-mêmes composées de SARL, SA, SAS, commandite par actions). Elle présente également les règles communes à toutes les professions puis les règles particulières à chaque famille de professions.
Une double gageure est ainsi surmontée : faire apparaître les règles communes à toutes ces professions et les compléter par les règles spécifiques à chaque famille professionnelle ; regrouper les règles communes aux différentes formes de société et les compléter par des règles spécifiques à chaque type. Pour autant, les rédacteurs de l’ordonnance n’ont pas voulu accuser les spécificités des sociétés de professions libérales réglementées et ont maintenu la méthode antérieure, qui consiste à emprunter les formes de droit commun pour les adapter à la spécificité de l’activité libérale. Et ils l’ont fait, pour l’essentiel, à droit constant. Une précision bienvenue apparaît cependant pour les sociétés de participations financières de professions libérales (les « holdings ») : elles peuvent prendre des participations dans des structures immobilières et fournir des services, pourvu que ce soit au seul bénéfice des filiales et participations, et cela même dans des sociétés commerciales si, dans ce cas, un décret le permet.
UN ÉLARGISSEMENT DE L’INFORMATION DES AUTORITÉS PROFESSIONNELLES ET DE LEUR POUVOIR DE CONTRÔLE
L’information des autorités professionnelles et leur pouvoir de contrôle en sortent élargis, pour leur permettre de mieux s’assurer de l’indépendance des professionnels exerçants. Ainsi, la remontée d’information pour toutes les SEL de toutes les professions est renforcée : une fois par an, la société devra adresser à l’autorité professionnelle un état de la composition du capital, une version à jour des statuts et, surtout, tous les pactes d’actionnaires.
LES SOCIÉTÉS DE DROIT COMMUN
Enfin, ce qui a une importance pratique, si les sociétés de droit commun que sont autorisées à constituer certaines professions, depuis longtemps pour certaines (experts-comptables depuis 1945 par exemple) et plus récemment pour d’autres (avocats depuis 2015), sont maintenues, elles rentrent quand même dans le rang car elles sont substantiellement soumises aux règles de l’ordonnance relatives aux SEL car, pour l’essentiel, elles ne conservent que le droit de ne pas s’appeler SEL ; l’emballage reste, mais le contenu est celui des SEL.
Aussi, peut-on se demander pourquoi les avoir maintenues ; sans doute parce que certaines professions y restaient attachées pour des raisons historiques.