Le rapport1 du Haut comité juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) traitant d’un sujet qui semble avoir suscité un très fort intérêt dans la communauté des juristes d’affaires était très attendu. L’AMF avait saisi le HCJP pour avoir une réponse à la question de savoir si l’obligation de discrétion imposée aux administrateurs s’appliquait au représentant permanent d’une personne morale administrateur dans le cadre de sa relation avec la personne morale qu’il représente. Au-delà de cette demande, le groupe de travail a souhaité envisager également le cas des administrateurs personnes physiques en liens étroits avec un actionnaire personne morale partant de l’idée que les administrateurs étant nommés par les actionnaires, ils entretiennent souvent des liens étroits avec des actionnaires significatifs.

Il faut ici rappeler que le Haut Comité de Gouvernement d’Entreprise s’était saisi de ces questions au premier semestre 2022 et qu’il avait apporté des réponses sous forme de recommandations. Ces réponses ne sont pas concordantes sur un point au moins avec celles que l’on va examiner maintenant, ce qui peut semer le trouble dans les esprits. Il appartiendra éventuellement au législateur de modifier les textes actuels à la lumière du choix qui sera opéré entre des visions divergentes.

On se bornera à évoquer ici la question essentielle de l’obligation de discrétion du représentant permanent d’un administrateur personne morale. Doit-il taire les informations recueillies à cet administrateur ? Assez singulièrement, le HCGE avait adopté en ce domaine une position passablement radicale. : « Bien que le représentant permanent, qui joue un rôle personnel au sein du conseil d’administration soit en même temps mandataire de l’actionnaire, et souhaite à ce titre transmettre certaines des informations communiquées aux administrateurs dans le cadre de l’exécution de son mandat. L’obligation de discrétion et de confidentialité doit s’imposer à chaque administrateur, sans distinction. Il n’y a pas lieu d’appliquer par principe différemment cette obligation au représentant permanent d’une personne morale ..2 »

Le groupe de travail du HCJP rejette cette position en évoquant deux arguments : la personne morale étant administrateur de la société, elle ne peut pas être considérée comme un tiers au conseil d’administration. Comme tout administrateur, elle a un droit à l’information. Le représentant permanent est mandataire de la personne morale : il est donc légitime qu‘il puisse transmettre des informations à son mandant. Cette dernière personne morale est au demeurant tenue à une obligation légale de confidentialité et de loyauté. Cette position nous semble davantage dire le droit que la précédente.

Que se passerait-il si la société écrivait dans son règlement intérieur que le représentant permanent ne pourrait pas communiquer à la personne morale les informations à lui transmises par la société émettrice ? Une telle interdiction violerait le droit à l’information des administrateurs et l’obligation pour le mandataire de rendre compte de sa gestion à son mandant. La société ne peut en aucun cas s’immiscer dans la gestion d’un administrateur personne morale. Telle est la position du HCJP, le HCGE adoptant une position apparemment divergente dans le guide3.

Cette contrariété ne sera pas sans conséquences dans la mesure où elle interdit actuellement une véritable position de place.


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INDEX

1 Rapport sur l’obligation de discrétion des administrateurs, 15 décembre 2022

2 Guide d’application du code AFEP-MEDEF de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, Déontologie de l’administrateur §20, p 14 ; Rapport novembre 2022, p 8

3 P 15


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