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Au-delà des mesures sur le pouvoir d’achat proprement dites, la loi « Pouvoir d’Achat » (loi n°2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir) introduit des innovations en droit de la consommation dont la mise en œuvre impactera significativement la situation des acteurs du e-commerce, avec notamment un renforcement du pouvoir de sanction par la DGCCRF à l’égard en particulier des plateformes de e-commerce et hébergeurs.

FACILITER LA RÉSILIATION DES CONTRATS ÉLECTRONIQUES PAR LES CONSOMMATEURS

Mise en place d’un « bouton de résiliation »

Afin de faciliter la résiliation des contrats conclus par voie électronique, le nouvel article L. 215-1-1 du code de la consommation impose aux professionnels de proposer aux consommateurs une possibilité fonctionnelle et gratuite de résiliation en ligne. Les modalités techniques de présentation et d’utilisation de ce « bouton de résiliation » feront l’objet d’un décret, non encore publié.

En matière de résiliation contractuelle, le professionnel doit confirmer tant la réception de la résiliation que la date effective de fin de contrat. Cette information doit être communiquée sur un support durable, par exemple au moyen d’un courrier PDF adressé par email.

Cette réforme est inspirée du droit allemand (loi pour des contrats de consommation équitables du 10 août 2021) qui impose aux professionnels un bouton de résiliation sur leur site internet et les soumet à une obligation de deux « clics » maximum dont on verra si le droit français s’inspirera.

Cette obligation nouvelle est sanctionnée par l’article L. 215-1-1 du code de la consommation qui prévoit une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15.000 € pour une personne physique et 75.000 € pour une personne morale (article L. 241-3-1 du code de la consommation).

Le nouvel article L.215-1-1 du code de la consommation entrera en vigueur avant le 1er juin 2023 et sera applicable aux contrats en cours d’exécution.

On notera qu’un dispositif similaire est prévu pour les contrats d’assurance, de mutuelle et de prévoyance (article L. 113-14 du code des assurances). Ainsi, lorsqu’un contrat d’assurance couvrant les personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles est conclu, l’assureur doit permettre au souscripteur de le résilier selon les mêmes modalités que celles ayant encadré sa signature (voie électronique ou autre moyen).

Obligation d’informer le consommateur de la reconduction tacite du contrat de prestation de services

Par ailleurs, le législateur facilite également la résiliation des contrats de prestation de services à durée déterminée renouvelés par tacite reconduction (un abonnement à un club de sport, une plateforme de streaming comme Netflix ou Disney +, ou encore un service de livraison gratuite).

C’est ainsi que le nouvel article L. 215-1 du code de la consommation impose au professionnel – prestataire de services – d’informer par écrit le consommateur de la possibilité de ne pas reconduire le contrat, par lettre nominative ou courrier électronique dédié, entre 3 et 1 mois avant la date ultime à laquelle le consommateur peut choisir de ne pas renouveler ledit contrat. Cette information doit donner lieu à un encadré apparent mentionnant la date limite de non-reconduction.

Cette nouvelle obligation est d’ores et déjà entrée en vigueur.

Par ailleurs, pour les contrats de fourniture de services de télévision et les contrats de fourniture de services de médias audiovisuels à la demande, le consommateur peut y mettre gratuitement un terme, à tout moment à compter de la première reconduction dès lors qu'il change de domicile ou que son foyer fiscal évolue.

Limitation des frais de résiliation anticipé d’un contrat de téléphonie ou d’internet

Concernant les contrats de téléphonie ou d’internet, la loi comporte plusieurs mesures spécifiques relatives à leur résiliation anticipée.

Lorsqu’un contrat de ce type prévoit une durée minimale d’engagement supérieure à 12 mois, le consommateur peut y mettre un terme par anticipation à compter de la fin du douzième mois. La loi ajoute à la fin du II de l'article L. 224-28 du code de la consommation : « sans avoir à s'acquitter des mensualités restant dues au titre de la période minimale d'exécution du contrat. Pour les offres de services de communications électroniques permettant aux consommateurs de bénéficier de la vente d'un équipement terminal subventionné, la possibilité de résilier par anticipation le contrat à compter de la fin du douzième mois peut toutefois être soumise au paiement par le consommateur d'au plus 20 % du montant dû au titre de la fraction non échue de la période minimale d'exécution du contrat ».

Les frais de résiliation sont ainsi plafonnés à 20 % du montant des sommes dues. Ces dispositions sont applicables aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2023.

RENFORCEMENT DES POUVOIRS DE LA DGCCRF

Accroissement des sanctions applicables aux pratiques commerciales illicites

■    La lutte contre les pratiques commerciales trompeuses et agressives, au centre de l’action de la DGCCRF, est renforcée

Pour rappel, une pratique commerciale trompeuse est celle qui soit créé une confusion entre des biens ou services, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent, soit (et surtout) repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur des éléments tels que l’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou service, les caractéristiques essentielles du bien, le prix ou le mode de calcul du prix (nouveaux articles L. 121-2 à L. 121-4 du code de la consommation).

Ces infractions sont désormais punies d’une peine de prison de trois ans au lieu de deux (article L. 132-2 du code de la consommation). Au surplus, la peine peut aller jusqu’à sept ans quand la pratique en cause est commise « en bande organisée ».

■    Les pratiques commerciales agressives sont désormais sanctionnées selon le même barème (nouveaux articles L. 132-11-1 et L. 132-11-2 du code de la consommation).

Pour rappel, les pratiques commerciales agressives sont définies par l’article L. 121-6 du code de la consommation : sollicitations répétées et insistantes ou usage d’une contrainte physique ou morale, altérant de manière significative la liberté du choix du consommateur.

LES POUVOIRS DE LA DGCCRF CONSOLIDÉS À L’ÉGARD DES PLATEFORMES ET HÉBERGEURS

On rappellera que la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière avait permis à la DGCCRF d’émettre des « injonctions numériques ». Cette dernière a pour la première fois mis en œuvre ce pouvoir à l’encontre de la plateforme « Wish », en novembre 2021, au motif que cette dernière permettait la vente des produits non conformes ou dangereux.

Désormais, les agents de la DGCCRF peuvent ordonner aux plateformes de prendre toute mesure utile pour faire cesser un référencement de contenus (en leur notifiant l’adresse électronique concernée) en cas d’infraction de « nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l’intérêt des consommateurs », une telle infraction étant passible d’une peine d’au moins deux mois d’emprisonnement.

Ils peuvent également ordonner aux hébergeurs de prendre des mesures pour limiter l’accès à ces contenus. Ces dispositions sont codifiées à l’article L. 521-3-1 du code de la consommation.

En outre, les agents de la DGCCRF pourront enjoindre de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite (L. 521-1 du code de la consommation).

CONCLUSION

La combinaison d’infractions au domaine très large, de sanctions plus lourdes et d’un pouvoir d’enquête et d’injonction plus étendu d’une administration spécialisée disposant de moyens d’investigation dispersés sur tout le territoire (DGCCRF) constitue un cocktail redoutable pour les entreprises, dont elles doivent avoir conscience.


AUTEURS

Emmanuel Tricot
KPMG Avocats