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Mis à jour le 17 août 2022

Les députés et les sénateurs composant la Commission mixte paritaire (CMP) se sont accordés sur les textes du paquet dit pouvoir d’achat, comprenant le PLFR pour 2022 et le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Ces textes ont été approuvés par chacune des deux assemblées. Ils devraient désormais être promulgués et publiés au JO, après leur examen par le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires. Vous trouverez ci-après une synthèse des principales mesures fiscales contenues dans ces deux textes.

A noter, tant les députés que les sénateurs ont rejeté les nombreux amendements prévoyant l’instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices de certaines sociétés, au nom notamment de la stabilité fiscale défendue par le Gouvernement.

Mise à jour du 17/08/2022 : les deux projets de loi ont été publiés au JO du 17 août 2022 et sont donc entrés en vigueur. Les mesures présentées ci-après sont désormais définitives.

MESURES ADOPTÉES CONFORMES OU SANS MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES

Dispositif d’amortissement fiscal du fonds commercial : instauration de mesures anti-abus (LFR, art. 7)

La loi de finances pour 2022 a consacré le principe général de non-déductibilité fiscale des amortissements des fonds commerciaux (art. 23 ; CGI, art. 39, 1, 2°). Toutefois, à titre dérogatoire et temporaire, les amortissements qui peuvent être comptablement constatés au titre des fonds commerciaux acquis à compter du 1er janvier 2022 et jusqu'au 31 décembre 2025 pourront faire l’objet d’une déduction fiscale (voir notre alerte).

Deux aménagements au dispositif d’amortissement fiscal temporaire ont été votés.

D’une part, celui-ci ne s’appliquerait pas « aux fonds acquis auprès d’une entreprise liée au sens du 12 [de l’article 39 du CGI], ou auprès d’une entreprise, y compris une entreprise individuelle, placée, dans les conditions définies au a du même 12, sous le contrôle de la même personne physique que l’entreprise qui acquiert le fonds ». Aux termes de l'exposé des motifs de l'amendement ayant conduit à l'adoption de cette mesure, celle-ci viserait notamment « à exclure les opérations entre entreprises ayant un lien de dépendance (cessions à titre onéreux, fusions, etc.), ainsi que les situations dans lesquelles une personne physique apporte son entreprise individuelle, ou une branche complète d’activité, à une société qu’elle contrôle ou est amenée à contrôler à la suite de l’opération d’apport ».

D’autre part, seraient précisées les modalités d’application combinée de ce dispositif avec le régime de faveur des fusions. Le fonds commercial qui donne lieu à un amortissement déduit du résultat imposable serait considéré, pour l’application du régime spécial des fusions, comme un actif amortissable. Ainsi, à compter de l’exercice au cours duquel la société absorbante déduirait de son résultat imposable l’amortissement d’un fonds commercial pratiqué en comptabilité, celui-ci relèverait des dispositions relatives à la réintégration des plus-values d’apport sur éléments amortissables, c’est-à-dire du régime d’étalement de l’imposition de la plus-value dégagée lors de l’apport de ce fonds (CGI, art. 210 A, 3, d). Lorsqu’il ne donnerait pas lieu à un amortissement déduit du résultat imposable, le fonds commercial reçu relèverait des dispositions relatives aux plus-values afférentes aux éléments non-amortissables, c’est-à-dire du sursis d’imposition (CGI, art. 210 A, 3, c). Aux termes de l'exposé des motifs de l'amendement ayant conduit à l'adoption de cette mesure, cette clarification permettrait « d’éviter les situations abusives dans lesquelles une entreprise pourrait déduire des amortissements sur un actif reçu dans le cadre d’une fusion alors que la plus-value d’apport ne serait pas intégrée à son résultat imposable ».

Ces deux mesures s’appliquent aux acquisitions de fonds commerciaux intervenues à compter du 18 juillet 2022.

Instauration d’une prime de partage de la valeur (loi pouvoir d’achat, art. 1)

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (dite « prime Macron »), plusieurs fois reconduite, pouvait être versée jusqu’au 31 mars 2022. Cette prime était exonérée de tout impôt sur le revenu et cotisations sociales, dans la limite d’un plafond de 1 000 €, pour les salaires allant jusqu’à 3 SMIC.

Inspirée de la prime Macron, une prime de partage de la valeur (PPV) serait instaurée de façon pérenne à compter du 1er juillet 2022. Son montant maximum serait triplé. Il pourrait aller jusqu’à un plafond de 3 000 € par an et par bénéficiaire, porté à 6 000 € lorsqu’est mis en place dans l’entreprise un dispositif d’intéressement.

A noter, certaines entreprises ayant versé la prime en juillet dès les annonces du Gouvernement, la date à partir de laquelle il serait possible de verser une prime bénéficiant du régime social et fiscal favorable a été avancée au 1er juillet 2022 au lieu du 1er août 2022 tel qu'initialement prévu.

■    Pour les salariés dont la rémunération mensuelle est inférieure à 3 SMIC

Les primes versées à compter du 1er juillet 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023 seraient exonérées de toutes cotisations sociales, cotisations perçues au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction, de taxe d'apprentissage ainsi que d'impôt sur le revenu, de CSG et CRDS.

A compter du 1er janvier 2024, seule l’exonération de cotisations sociales, cotisations perçues au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de taxe d'apprentissage serait maintenue de façon pérenne.

■    Pour les autres salariés

La prime serait (uniquement) exonérée de cotisations sociales, cotisations perçues au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de taxe d'apprentissage à compter du 1er juillet 2022.

Dispositif Dutreil transmission : la condition d’exercice d’une activité opérationnelle doit être satisfaite jusqu’au terme de l’engagement de conservation (LFR, art. 8)

Le dispositif connu sous le nom de « Dutreil transmission » permet, sous certaines conditions, de bénéficier d'une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit à hauteur des trois quarts de leur valeur, pour les transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés exerçant une activité dite opérationnelle (CGI, art. 787 B). Tous les signataires du pacte doivent respecter notamment un engagement collectif de conservation des parts ou actions d’une durée de deux ans minimum, suivi d'un engagement individuel de conservation de quatre ans.

A noter, une activité est dite opérationnelle lorsqu’elle est industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Les activités de nature civile ou purement patrimoniale étant exclues, les holdings ne peuvent en principe bénéficier du dispositif d’exonération partielle. Lorsqu’elle est animatrice de son groupe, la holding est assimilée à une société exerçant une activité opérationnelle.

Il est prévu que la condition d’exercice par la société d’une activité opérationnelle soit « satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement de conservation [collectif] et jusqu’au terme de l’engagement de conservation [individuel] ». Par dérogation, cette condition devrait être satisfaite « dans le cas prévu au second alinéa du a [engagement collectif « post mortem »], à compter de la transmission des titres et, dans le cas prévu au 2 du b [engagement collectif réputé acquis], depuis deux ans au moins à la date de cette transmission » (CGI, art. 787 B, c bis).

Cette mesure fait suite à la récente décision de la Cour de cassation censurant la position de l’Administration qui subordonnait le bénéfice de cette exonération au maintien de la fonction d’animation de la holding jusqu’à l'expiration du délai légal de conservation des parts (Cass. com., 25 mai 2022, n° 19-25.513). Aux termes de l’exposé des motifs de l’amendement ayant introduit cette mesure, « rendue en matière de holding animatrice, cette décision aurait également pour effet de permettre qu'une société opérationnelle puisse, pendant la période d'engagement individuel, céder ses activités opérationnelles au profit d’activités purement civiles, comme la gestion d'un patrimoine immobilier ou financier ».

On notera l’effet rétrospectif de cette modification qui s’appliquerait « aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022 ainsi qu’à celles pour lesquelles, à cette même date, les conditions suivantes sont cumulativement remplies :

1° l’un des engagements mentionnés au c bis de l’article 787 B du code général des impôts est en cours ;

2° la société mentionnée au premier alinéa du même article n’a pas cessé d’exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ».

Suppression de la contribution à l’audiovisuel public dès 2022 (LFR, art. 6)

La contribution à l’audiovisuel public (CAP) se décompose en deux impositions distinctes, l’une due par les particuliers – dont le montant actuel s’élève à 138 €, quel que soit le nombre de téléviseurs – et l’autre due par les professionnels – pour le même montant, mais pour chaque téléviseur (CGI, art. 1605 et s.). Elle est due par tous les foyers et personnes morales détenteurs d’un téléviseur au 1er janvier de l’année d’imposition.

Conformément à l’engagement pris par le Président lors de la campagne présidentielle, la CAP due par les particuliers et les professionnels sera supprimée à compter du 1er janvier 2022.

Parallèlement, le financement de l’audiovisuel public sera réformé. Une fraction du produit de la TVA y serait ainsi affecté jusqu’en 2024 afin de compenser la suppression de la contribution et garantir son indépendance.

Augmentation de la limite d’exonération (IR, cotisations et contributions sociales) du complément de rémunération résultant pour le salarié de la contribution de l'employeur à l'acquisition de titres-restaurant, au 1er septembre 2022 (LFR, art. 1er)

Serait également revalorisé, à compter de la même date, les limites dans lesquelles les remboursements de frais de nourriture des salariés ne sont pas considérés comme des revenus d'activité.

Augmentation de 600 € à 800 € du plafond d'exonération fiscale et sociale en cas de cumul entre le versement du forfait mobilités durables et la prise en charge obligatoire des frais de transport en commun (LFR, art. 3)

En l’absence de précisions quant à l’entrée en vigueur de la mesure et d’article au sein du PLFR dédié à la question, cette mesure entrerait en vigueur le lendemain de publication de la loi au JO (C. Civ., art. 1er).

Report d’un an de la suppression du tarif réduit de l’accise sur le gazole non routier (LFR, art. 22)

La hausse du tarif d’accise sur le gazole non routier prévue au 1er janvier 2023 serait reportée d’un an.

Généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et transmission des données de transaction (LFR, art. 26)

La facturation électronique serait généralisée dans les transactions domestiques entre assujettis à la TVA. Cette mesure serait assortie d’une obligation de transmission à l’Administration des données de facturation y afférentes ainsi que des données relatives aux transactions non domestiques, des transactions réalisées avec des non assujettis et des données de paiement des prestations de service.

Aux termes de l’exposé des motifs de l’article, ces mesures visent à améliorer, d’une part, la compétitivité des entreprises grâce à la dématérialisation des cycles de facturation et, d’autre part, le recouvrement de la TVA ainsi que son contrôle. Seraient ainsi légalisées les dispositions prises par l'ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 n’ayant pas été homologuée par le Parlement dans les délais impartis.

MESURES MODIFIÉES AU COURS DE LA NAVETTE PARLEMENTAIRE

Augmentation pour 2022 et 2023 du plafond d'exonération d’IR au titre de l'avantage résultant de la prise en charge par l’employeur des frais de carburant ou des frais assimilés engagés par le salarié (LFR, art. 2)

Il serait également prévu, pour 2022 et 2023 l’assouplissement des modalités de prise en charge par l’employeur des frais de transports personnels du salarié entre sa résidence habituelle et son lieu de travail. De même, il serait possible pour ces mêmes années, de cumuler la prise en charge par l’employeur de ces frais de transport avec la prise en charge à 50 % du prix des titres d’abonnements de transport en commun.

En outre, pour ces mêmes années, la prise en charge à 50 % du prix des titres d’abonnements de transport en commun des salariés qui excèderait l’obligation de prise en charge, serait nouvellement exonérée d'impôt sur le revenu et de CSG, dans la limite de 25 % du prix de ces titres.

Rehaussement pérenne à 7 500 € du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires et complémentaires réalisées à compter du 1er janvier 2022 (LFR, art. 4)

Initialement cantonnée aux heures supplémentaires réalisées par les salariés au titre de 2022, cette mesure a été pérennisée.

Possibilité de convertir les jours de RTT non pris en salaire sous un régime fiscal et social favorable (LFR, art. 5)

Seraient concernés les jours de RTT acquis au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025. Les rémunérations versées aux salariés à ce titre ouvriraient droit au bénéfice de la réduction des cotisations salariales et patronales (CSS, art. L. 241-17 et L. 241-18) et de l’exonération d’impôt sur le revenu (CGI, art. 81 quater, I).

A noter, la mesure initiale concernait les jours de RTT acquis jusqu’au 31 décembre 2023. Lors de l’examen de la mesure au Sénat, les sénateurs ont pérennisé la mesure en supprimant le bornage temporel. Un compromis a finalement été trouvé par la Commission mixte paritaire qui a rétabli le bornage temporel mais en l’étendant au 31 décembre 2025.  

MESURES NOUVELLES

Réduction des cotisations patronales sur la majoration de salaire au titre des heures supplémentaires (loi pouvoir d’achat, art. 2)

Il serait prévu une réduction des cotisations sociales acquittées par l'employeur, applicable à la majoration de salaire perçue par les employés effectuant des heures supplémentaires à compter du 1er octobre 2022, dans une entreprise comprenant entre 20 et 250 salariés.

Déblocage exceptionnel de l'épargne salariale (loi pouvoir d’achat, art. 5)

Les délais de déblocage des sommes placées au titre de l'épargne salariale seraient temporairement levés – jusqu’au 31 décembre 2022 – pour l'acquisition de biens ou la fourniture de services dans la limite de 10 000 €, net de prélèvements sociaux. Ces sommes seraient exonérées de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu.

MESURES SUPPRIMÉES AU COURS DE LA NAVETTE PARLEMENTAIRE

Application réciproque, entre les États-Unis et la France, de l’accord intergouvernemental relatif au Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) du 14 novembre 2013 (PLFR, art. 10 ter)

Sur initiative des députés, il avait été prévue que l'obligation qui s'impose aux établissements financiers de transmettre certaines informations relatives aux comptes financiers en matière fiscale ne s'applique, concernant spécifiquement l'accord entre la France et les États-Unis sur le FACTA, que sous réserve de la transmission par les États-Unis des mêmes informations que celles transmises par la France.

Cette mesure qui avait été adoptée contre l’avis du Gouvernement a été supprimée en raison d’un risque trop important de censure par le Conseil constitutionnel, celle-ci pouvant en effet être considérée comme un cavalier budgétaire, ainsi que le précise le rapport au nom de la Commission des finances du Sénat.

A noter, en raison des mêmes risques, est supprimée la mesure introduite dans le PLFR à l’initiative des députés tenant à la remise d’un rapport sur l'application réciproque entre les États-Unis et la France de l'accord intergouvernemental relatif au FATCA (PLFR, art. 10 undecies).



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