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Les risques particuliers de la souscription à distance de produits financiers par internet

La souscription de produits financiers (assurance-vie et titres financiers) par des investisseurs non professionnels doit être réservée à ceux qui ont conscience de la nature risquée du produit ou du service, c’est-à-dire du caractère complexe techniquement et aléatoire financièrement de ces opérations, sinon chacun y perdra quand le résultat ne sera pas à la hauteur des attentes, les investisseurs qui se détourneront de ces formules, les professionnels qui verront s’évanouir des clients et le marché qui verra sa réputation entachée. Cependant, il ne s’agit pas de dissuader l’investisseur néophyte mais de l’aider à comprendre ce qu’il fait, à prendre une exacte conscience des risques qu’il court et à calibrer son investissement en fonction de ses objectifs et de ses moyens. C’est d’autant plus nécessaire lorsque l’investisseur conclut sans contact avec un conseiller, en particulier par internet car il y alors une solitude et une facilité propices aux décisions hâtives voire irréfléchies. La souscription à distance aggrave le risque d’incompréhension voire d’inconscience et a très tôt posé problème parce que l’information et le conseil dont peut bénéficier le client sont alors dépersonnalisés, encore plus lorsque cela passe par le canal informatique.

Le nécessaire renforcement de la protection du consentement du souscripteurs de produits financiers par internet

La protection du droit civil des obligations et des contrats est insuffisante à protéger le béotien dans le domaine des produits financiers et plus particulièrement lors d’une souscription solitaire de ceux-ci par voie d’Internet. Au surplus, elle ne joue qu’a posteriori et suppose en général un contentieux souvent long et difficile. Le droit de la consommation a certes renforcé cette protection, mais il est mal adapté à la sociologie et la psychologie d’un investisseur non professionnel et à la nature particulière de l’opération d’investissement.

Aussi, le législateur européen et le législateur français à sa suite ont-ils édicté des règles de protection du consentement du client et imposé des exigences particulières. Dans le secteur des services financiers et des produits d’assurance-vie, deux directives ont renforcé les obligations des professionnels vis-à-vis des prospects et des clients, en encadrant la promotion commerciale, en imposant aux professionnels de s’informer sur le client, en exigeant une information précontractuelle précise et complète de celui-ci, et en prévoyant son accompagnement dans la conclusion de l’opération par voie digitale. Dans le domaine proprement financier, de nombreuses exigences légales ont été posées par la directive MIF 2, de même que dans le domaine de l'assurance vie par la directive DDA. Trois points d'attention particuliers ont été retenus :

■    la publicité,

■    l'information précontractuelle,

■    le parcours du client.

Il s'est agi de renforcer la conscience des risques courus par l’investisseur et, pour cela, de passer d'une conception in abstracto désincarnée du consentement à une conception in concreto renforcée, ce que ces textes européens ont fait en adaptant les diverses obligations à l'hypothèse d'une souscription en ligne. À vrai dire, cela n'a pas été très difficile car l'outil informatique offre de multiples possibilités pour accompagner le plus complètement possible le client, en particulier par des échanges numérique (les chats) que l'intelligence artificielle facilite et renforce (les chatbots).

Le Pôle commun ACPR/AMF

Compte tenu de la multiplicité et de la diversité des professionnels (agents, courtiers, conseillers) et de la diversité des programmes mis en place par les différents intervenants, l’ACPR et l’AMF ont constitué depuis plusieurs années un Pôle commun qui leur permet d'échanger des informations, de procéder à des enquêtes et de formuler des préconisations. Ces deux autorités viennent ainsi de publier le 21 avril un nouveau rapport sur les « parcours digitaux de souscription de produits d'épargne financière » à la suite d’une analyse approfondie des pratiques du secteur (consultation des diverses parties prenantes, tests auprès des épargnants, visites mystères auprès de divers professionnels). Ce rapport fait ressortir les bonnes pratiques, mais pointe surtout les nombreuses lacunes et invite les professionnels à améliorer le parcours de souscription jusqu'à la finalisation de l'achat par internet. 

Les constats et préconisations du Pôle commun en matière de souscription par internet

S'agissant du contenu des communications à caractère promotionnel, qui est souvent déterminant du choix du client, le rapport expose qu’il est trop souvent déséquilibré, les avantages de l'opération étant largement mis en avant mais l'exposé des risques restant trop souvent « peu visibles, lisibles et intelligibles ». De même, la présentation des conditions tarifaires est souvent peu accessible, voire peu compréhensible.

S'agissant de l'information précontractuelle, deux moments sont importants lorsqu'un prospect recherche de l'information de sa propre initiative ou lorsque qu'un établissement lui indique comment prendre connaissance de la documentation contractuelle. Or, les travaux des deux autorités montrent une réelle distorsion entre l’appréhension des professionnels et celle des clients. Ce hiatus démontre que l'information donnée n’est souvent pas calibrée de la bonne manière pour être aisément compréhensible, voire perceptible par un client ordinaire. En particulier, le rapport explique que les conditions générales sont souvent longues, denses et techniques, et emploient des termes peu vulgarisés ; c’est tout particulièrement le cas pour le service de RTO, dont la nature exacte n'est rarement clairement exposée et donc comprise. Le rapport fait également état de ce que certains documents précontractuels ne font pas clairement référence aux possibilités et conditions de réclamation et de médiation, voire de rétractation. De même, le rapport fait état de ce que les frais et commissions ne sont pas toujours précisément exposés et le sont de manière trop disparate, que ce soit en matière bancaire, financière ou d'assurance.

S'agissant des questionnaires à remplir par les clients, le rapport fait état du fait que leur importance est rarement expliquée, trop d'établissements les présentant comme une simple formalité réglementaire. Au surplus, ces questionnaires sont très hétérogènes et sont même parfois présentés sous forme de jeu, ce qui présenterait l'inconvénient de ne pas leur attacher de véritable intérêt. Enfin, les messages d'alerte seraient trop hétérogènes et parfois complexes pour être facilement compris et surtout trop peu sont bloquants.

En revanche, s’agissant de l'accompagnement du client durant les différentes étapes du parcours digital, l'étude reconnait que les mécanismes techniques utilisés répondent pour l'essentiel aux besoins des clients, qu'il s'agisse de la possibilité d'échanges à distance ou virtuels avec des conseillers, ce qui peut prendre la forme d’un échange téléphonique ou d'une discussion instantanée par messagerie. Le rapport fait néanmoins état d’un manque d'expertise de certains opérateurs. Le rapport salue également les efforts des établissements pour proposer des formations à distance sur l'épargne financière.

Dans une dernière partie, le rapport tire les enseignements de ses constatations et rappelle de manière détaillée et lisible la réglementation, sous forme de tableaux clairs et didactiques, et en profite pour exposer pas à pas les améliorations attendues.