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L’Administration a publié le 23 février 2021 ses commentaires relatifs à la convention entre la France et le Luxembourg signée en mars 2018 et remplaçant l’ancienne convention datant de 1958 (et ses quatre avenants).

Cette nouvelle convention fiscale est applicable depuis le 1er janvier 2020 (aux sommes imposables depuis le 1er janvier 2020 pour l’impôt sur le revenu, et aux revenus afférents à l’année 2020 ou tout exercice comptable à compter du 1er janvier 2020 pour l’impôt sur les sociétés).

Elle prévoit dans un cadre bilatéral certaines mesures de l’Instrument Multilatéral de l’OCDE pour lesquelles le Luxembourg avait formulé des réserves (définition d’un établissement stable notamment) ainsi que les standards à jour du modèle de convention OCDE.

Bénéficiaires potentiels des obligations Relance

La résidence

Conformément au modèle OCDE, le bénéfice des avantages conventionnels est réservé aux « résidents » au sens de la convention, c'est-à-dire aux personnes assujetties à l’impôt en France ou au Luxembourg en raison de leur domicile, de leur résidence, de leur siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue.

En ce qui concerne le siège de direction, définissant le lieu de résidence d’une personne morale, les commentaires administratifs précisent désormais que ce lieu est celui où sont prises les décisions « stratégiques en matière de gestion et de politique industrielle ou commerciale nécessaires à la conduite des affaires de l’entreprise »1. Cette définition résulte de la doctrine traditionnelle française, reprise par la jurisprudence du Conseil d’Etat2 3 .

Les commentaires administratifs indiquent également que les personnes exonérées d’impôt au Luxembourg ou en France du fait d’un régime fiscal auquel elles sont soumises à raison de leur statut ou de leur activité ne peuvent être traitées comme des résidents au sens de la convention. Cette position de l’Administration prend acte de la jurisprudence récente du Conseil d’Etat4.

Par ailleurs, il est ajouté que les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans un État que pour les revenus qui ont leur source dans cet État et pour la fortune qui y est située ne sont pas considérées comme des résidents de cet État au sens de la convention5.

La situation des organismes de placement collectifs (OPC)

Le paragraphe 2 du protocole prévoit « qu’un organisme de placement collectif (OPC) établi dans un Etat contractant et assimilé selon la législation de l’autre Etat contractant à ses propres OPC bénéficie des avantages des articles 10 (dividendes) et 11 (intérêts) pour la fraction des revenus mentionnés à ces dits articles correspondant aux droits détenus par des personnes résidentes de l’un ou de l’autre des Etats contractants, ainsi que par des personnes résidentes de tout autre Etat avec lequel l’Etat contractant d’où proviennent les dividendes ou les intérêts a conclu une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales6 ».

Ainsi, sans leur conférer la qualité de résident au sens de la convention, le protocole permet néanmoins aux OPC établis au Luxembourg de bénéficier des avantages conventionnels concernant les dividendes et les intérêts, sous réserve que ces derniers présentent des caractéristiques similaires aux OPC français et à hauteur des droits détenus par des personnes résidentes.

La situation des organismes de placement collectifs (OPC)

Le cas des sociétés de personnes

Les commentaires administratifs rappellent tout d’abord que la France, en vertu de la réserve qu’elle a formulée au paragraphe 113 des commentaires sur l’article 1er du modèle de convention fiscale 2017 de l‘OCDE, « se réserve le droit, dans ses conventions [...] de préciser les cas dans lesquels elle reconnaît la transparence fiscale d’entités situées dans l’autre État contractant ou dans un État tiers ».

En premier lieu, l’Administration indique que les entités françaises dites fiscalement « translucides », résidentes de France, peuvent bénéficier des avantages conventionnels, tels notamment des sociétés en nom collectif et sociétés en commandite simple pour la part de leurs résultats correspondant aux droits de leurs associés commandités qui relèvent des dispositions de l’article 8 du CGI, ainsi que des groupements soumis à un régime fiscal équivalent, tels que les groupements d’intérêt économique et les groupements européens d’intérêt économique.

Les commentaires administratifs abordent ensuite la transparence fiscale visée dans le premier et le deuxième alinéa du paragraphe 2 de l’article 1er de la convention. Ainsi, le revenu qui transite par ou via une société de personnes et qui est perçu par un associé de cette entité, peut être regardé comme le revenu d’un résident d’un Etat contractant à la double condition, que cet Etat considère l’entité comme transparente dans sa législation fiscale et qu’il traite ce revenu, aux fins de l’imposition, comme le revenu dudit résident.

De plus, est considéré comme le revenu d’un résident, le revenu transitant par ou via une société de personnes établie dans un Etat tiers à la France et au Luxembourg, sous réserve de deux conditions cumulatives supplémentaires par rapport à celles énoncées ci-dessus, à savoir :

  • la reconnaissance par cet Etat tiers de la transparence fiscale de cette entité ; et
  • l’existence entre l’Etat tiers et l’Etat de la source d’une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

A l’instar de ce qui a avait été fait à propos des commentaires administratifs sur la convention de 2008 entre la France et le Royaume-Uni7 , l’Administration a choisi de présenter six situations dans lesquelles un revenu de source française ou luxembourgeoise transite par une société de personnes française ou luxembourgeoise.

Les obligation "Relance"

Précision relative aux impôts visés par la convention : cas de l’IFI

L’article 21 de la convention vise l’impôt sur la fortune de façon générique et non expressément l’IFI instauré pourtant antérieurement. Le BOFiP clarifie l’application des dispositions conventionnelles à l’IFI.

La situation des organismes de placement collectifs (OPC)

Etablissements stables

La définition conventionnelle de l’établissement stable reprend l’intégralité des aménagements proposés dans l’instrument multilatéral de l’OCDE (afin d’éviter le contournement artificiel du statut d’ES) :

  • l’élargissement de la notion d’agent dépendant
  • la définition des activités préparatoires ou auxiliaires, exception au statut d’ES
  • la règle anti-fractionnement des activités entre parties liées (pour laquelle la France a émis une réserve dans l’instrument multilatéral)
  • la règle anti-fractionnement des contrats prévue pour les chantiers

Les commentaires reprennent les précisions énoncées dans le BOFiP commentant l’instrument multilatéral (BOI-INT-DG-20-25) :

  • s’agissant de l’agent dépendant : il est notamment précisé que son activité excède une simple activité de promotion ou de publicité, que l’expression habituellement implique la répétition et que la qualification de commissionnaire est sans incidence sur la qualification du lien commettant/commissionnaire. Deux exemples sont donnés à titre d’illustration. Est ainsi visé le cas de l’approbation routinière des commandes de l’agent par l’entreprise étrangère. 
  • S’agissant de la règle anti-fractionnement des contrats : elle vise à contrer les pratiques visant à fractionner les contrats par lots attribués à des sociétés du même groupe et portant chacun sur une durée inférieure à 12 mois. Plusieurs exemples de computation du délai de 12 mois sont exposés. 
  • Une personne est qualifiée d’étroitement liée notamment dans la situation où l’une détient directement ou indirectement plus de 50 % des droits ou participations effectifs dans l’autre ou si une autre personne détient directement ou indirectement plus de 50 % des droits ou participations effectifs dans la personne et dans l’entreprise. Dans le cas d’une société, cette dernière condition est considérée comme remplie si une personne détient directement ou indirectement plus de 50 % du total des droits de vote et de la valeur des actions de la société ou des droits ou participations effectifs dans les capitaux propres de la société. 

Les dividendes

La nouvelle convention prévoit que le taux de la retenue à la source sur les dividendes versés par une société résidente d’un Etat contractant ne peut excéder 15 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre Etat.

À noter, la définition conventionnelle des dividendes inclut désormais les revenus réputés distribués.

De plus, l’article 10(2) prévoit que les dividendes sont exonérés dans l’Etat de la source si le bénéficiaire effectif est une société qui détient directement au moins 5 % du capital de la société qui paie les dividendes pendant une période de 365 jours incluant le jour du paiement des dividendes. Les commentaires administratifs indiquent que pour le calcul de cette période, il n’est pas tenu compte des changements relatifs à l’actionnariat qui résulteraient d’une réorganisation de la société qui détient les actions ou qui verse les dividendes. Il est intéressant de noter que cette durée minimale de détention des titres de 365 jours fait partie des articles de l’IM (article 8) que le Luxembourg n’avait pas souhaité appliquer au moyen de l’IM.

Est également précisé la définition du bénéficiaire effectif : « une personne qui n’agirait que comme un intermédiaire, tel qu’un agent ou autre mandataire interposé entre le débiteur et le véritable créancier des revenus ne peut pas utilement invoquer la qualité de bénéficiaire effectif8  ». En conséquence, « l’État de la source des revenus n’est pas tenu de réduire ses droits d’imposer en application de la convention du simple fait qu’un revenu serait matériellement reçu par un résident d’un État avec lequel l’État de la source a conclu cette convention, par exemple lorsque le revenu transite par un établissement financier intervenant dans le circuit de paiement9 ».

En outre, l’article concernant les dividendes prévoit des règles spécifiques pour les distributions de dividendes versés par les véhicules d’investissement immobiliers exonérés sur les bénéfices tirés de leur activité principale. Ainsi, le paragraphe 6 de l’article 10 de la convention précise le traitement particulier à accorder aux dividendes versés par ces sociétés, notamment côté français, les sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) et les organismes de placement collectif immobiliers (OPCI).

Les modalités d’imposition applicables à ces revenus dans l’État de la source varient selon le pourcentage détenu par le bénéficiaire effectif de ces revenus dans le capital des véhicules d’investissement concernés :

  • lorsque le bénéficiaire effectif de ces dividendes est un résident de l’autre État qui détient directement ou indirectement une participation représentant moins de 10 % du capital de ce véhicule d’investissement, l'État de la source peut imposer ces dividendes, le taux de cette imposition est alors plafonné à 15 % ;
  • lorsque la participation dans le véhicule d’investissement dépasse 10 %, l'État de la source peut imposer ces dividendes à la source au taux prévu par sa législation interne (sans limitation).

Il est à noter que le protocole adossé à la convention prévoit le régime applicable aux revenus réputés distribués par un établissement stable situé dans un État d’un de ces véhicules d’investissement immobilier dont le siège se situe dans l'autre État.

La situation des organismes de placement collectifs (OPC)

Appréciation de la prépondérance immobilière

Pour l’Administration, la qualification de prépondérance immobilière est acquise si elle est atteinte au moins une fois sur la période de référence de 365 jours précédant la cession.


Index

Index

1  BOI-INT-CVB-LUX-10-20210223 n°150
2  CE 7 mars 2016 n° 371435, Compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme
3  CE (na), 19 octobre 2020 n° 440035, Sté Laboratoire Puressentiel
4  CE, 9 novembre 2015, n° 370054 et n° 371132
5  BOI-INT-CVB-LUX-10-20210223 n° 10
6  BOI-INT-CVB-LUX-10-20210223 n° 50
7  BOI-INT-CVB-GBR-10-10-20120912 n°110
8  BOI-INT-CVB-LUX-20-20210223 n°150 §3
 ibid