D’abord proposées aux Etats-Unis sous des formes et discours très divers, les offres d’investissement en « fractions d’actions » apparaissent depuis peu de temps en Europe. Derrière l’objectif bien compris de populariser les investissements en actions par un coût d’entrée minime, mais également de permettre à l’intermédiaire de financer ou refinancer l’achat des actions correspondantes, ces pratiques, improprement présentées comme fragmentant le titre de capital lui-même, soulèvent nombre d’interrogations quant à leur nature juridique et aux risques associés
Selon ce que l’on comprend, la prétendue offre de « fractions » d’actions ne se réalise pas par l’émission d’actions correspondantes par un intermédiaire, qui serait lui-même un émetteur ou un OPC. Il ne s’agit pas non plus d’un éclatement de l’action en deux titres distincts (les ex-certificats d’investissement et certificats de vote), ni d’un démembrement de propriété entre usufruit et nue-propriété, ni une division des actions (« split »), qui revient à multiplier les titres en réduisant d’autant leur valeur nominale. Enfin il ne s’agit pas davantage d’une coupure d’action, d’un rompu, ou encore d’une décimale de part ou actions d’OPCVM.
Dans la plus grande majorité des cas observés, le « fractionnement », prend la forme d’une opération contractuelle qui met en relation un intermédiaire et un investisseur. La « vente » d’une « fraction d’action » n’est que la promesse de reverser une part de dividendes en contrepartie du versement d’une somme calculée proportionnellement au cours de l’action. Il s’agit d’un contrat aléatoire et de gré à gré au sens du droit financier. Il ne crée pas de nouvelles actions, ne confère pas de droits contre l’émetteur et ne relève pas non plus d’un investissement collectif via un OPC. Mais, si ce n’est pas un titre financier, il pourrait s’agir d’un contrat financier, la valeur du contrat et les droits qui y sont attachés étant dépendants d’un sous-jacent ; si telle devait être la qualification, ce qui reste à vérifier cas par cas, l’opération serait soumise à la réglementation EMIR. A défaut, on peut y voir une convention sui generis s’apparentant à une convention de croupier. Il existe une possibilité d’objectiver une « fraction d’action » en la « tokenisant », ce qui en ferait un actif numérique, à condition que le jeton (token) soit émis et circule via un dispositif électronique d’enregistrement partagé.
La pratique des « fractions » d’actions recèle des risques importants. D’abord celui de l’évolution défavorable de la valeur sous-jacente, mais c’est-là le risque inhérent à tout investissement. Ensuite le risque de contrepartie qui s’annonce majeur si l’intermédiaire n’est pas un intermédiaire agréé, d’autant que l’investisseur ne bénéficie pas de la protection du Fonds de garantie.