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Pratiques anticoncurrentielles

Peut-on anticiper le montant d’une sanction devant l’Autorité de la concurrence ?

L'essentiel

En France, le droit de la concurrence condamne les pratiques déloyales et anticoncurrentielles afin d’éviter tout phénomène de restriction et ou de faussement du jeu de la concurrence.

Pour accompagner son action, l’Autorité de la concurrence a publié le 16 mai 2011 un Communiqué relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. Ce Communiqué avait pour objectif de rendre plus transparents sur le processus de calcul des sanctions relatives aux infractions commisses par les entreprises. Dix ans plus tard, le 30 juillet 2021, l’Autorité a publié une version révisée de ce communiqué qui apporte quelques modifications pour une meilleur harmonisation européenne, tout en laissant inchangée sa doctrine initiale.

Entre juillet 2011 et novembre 2022, l’Autorité de la concurrence a prononcé 106 décisions, ce qui représente un total de 152 griefs et 638 sanctions individuelles, pour un montant total de 7 377 milliards d'euros.

Pour réaliser cette étude, MAPP KPMG a concentré son analyse sur les sanctions infligées en application du Communiqué santions.Cela représente environ la moitié des 638 sanctions individuelles prononcées.

Envie d'en savoir plus sur les pratiques anticoncurrentielles ? Téléchargez notre étude dès maintenant.

Le droit de la concurrence et ses évolutions

Ententes et abus de position dominante

Il existe plusieurs catégories de pratiques anticoncurrentielles visées par le Communiqué de l’Autorité de la concurrence.

  • Un abus de position dominante se réfère à des pratiques par lesquelles une entreprise exploitant une position dominante sur un marché abuse de cette position pour éliminer ou restreindre la concurrence, empêcher l'entrée de nouveaux concurrents, ou encore exploiter les consommateurs
  • Une entente horizontale désigne un accord ou une pratique concertée entre entreprises opérant au même niveau de la chaîne de production ou de distribution
  • Une entente verticale désigne un accord ou une pratique concertée entre entreprises opérant à différents niveaux de la chaîne de production ou de distribution. Contrairement aux ententes horizontales qui impliquent des concurrents directs, les ententes verticales concernent des relations entre, par exemple, un fabricant et un distributeur ou un fournisseur et un détaillant.

Sur les 326 sanctions prononcées en application du Communiqué, l’étude montre que 233 sont relatives à des ententes horizontales, 44 à des ententes verticales et 30 à des abus de position dominante. En tout, cela représente 72% du montant totaldes sanctions pour un montant égal à 5 341 M€.

Un processus de calcul en 5 étapes

Pour calculer le montant des sanctions, l’Autorité de la concurrence prévoit un processus composé de 5 étapes :

  1. Définition du montant de base :

    Montant de base = valeur des ventes * coef. de gravité/dommage * coef. de durée des pratiques

  2. Individualisation de la sanction et prise en compte de la réitération :

    Montant individualisé = montant de base * (1 - coef. atténuation) * (1 + coef. aggravation) * (1 +- coef. autres facteur individualisation) * (1 + coef. réitération)

  3. Comparaison au maximum légal :

    Montant après application du maximum légal = Plafonnement de la sanction à 10% du CA mondial

  4. Prise en considération de la clémence :

    Prise en compte de la clémence = montant après vérification du maximum légal * (1 - coef clémence)

  5. Prise en compte des capacités contributives :

    Prise en compte de la capacité contributive = plafonnement de la sanction à la capacité contributive de l'entreprise sanctionnée

L’étude de MAPP concentre son analyse sur les montants de sanctions relatifs aux étapes 1 et 2, car les étapes suivantes relèvent de plafonnements mécaniques liés au contexte procédural.

Le nouveau communiqué sanctions

La dernière mise à jour du Communiqué sanctions de l’Autorité de la concurrence reprend l’ensemble des principes du Communiqué de 2011 en y intégrant les trois principales modifications suivantes :

  • La suppression du critère de dommage à l’économie dans la détermination des sanctions. Notre étude montre que ce critère avait déjà un rôle très secondaire dans le montant des sanctions prononcées.  
  • Le doublement des coefficients de durée après la première année. Le calcul du coefficient de durée implique maintenant que chaque année de pratique a le même poids (égal à 1).
  • L’introduction d’un « forfait additionnel » compris entre 15% et 25% de la valeur des ventes de l’entreprise sanctionnée dans le cas des pratiques les plus graves.

En plus de favoriser une meilleure harmonisation des autorités des pays membres de l’Union européenne en termes de sanctions, ces évolutions vont sans doute avoir pour effet de presque doubler le montant des sanctions prononcées par l’Autorité. 

Analyse et évaluation du montant d’une sanction

Coefficient de gravité / dommage

L’autorité retient tout d’abord un coefficient de gravité/dommage qu’elle appliquera à la « valeur des ventes » concernée par l’infraction.

En effet, l’Autorité retient un coefficient est unique par grief (ou regroupement de griefs) sanctionné.

En moyenne, les ententes horizontales sont sanctionnées avec un coefficient de gravité/dommage plus élevé que les abus de position dominante et les ententes verticales. En outre, l’étude révèle que les niveaux de ces coefficients n’ont pas varié dans le temps contrairement à l’idée reçue d’une plus grande sévérité de l’Autorité depuis une dizaine d’années.

Modulo la durée de la pratique, ceci défini le montant de base de la sanction. 

Mécanisme d’individualisation de la sanction

Après avoir calculé le montant de base, l’Autorité peut l’augmenter ou le réduire en tenant compte des circonstances spécifiques à l’infraction ou à l’entreprise sanctionnée.

Ces circonstances sont classées en 4 groupes :

  • Circonstances atténuantes
  • Circonstances aggravantes
  • Autres facteurs d’individualisation
  • Réitération

L’étape d’individualisation peut conduire à moduler substantiellement le montant des sanctions à la hausse comme à la baisse. L’étude met d’ailleurs en lumière le rôle majeur de ces coefficients en révélant que la moitié des sanctions font l’objet d’une individualisation. Ce caractère déterminant est particulièrement vrai pour le coefficient « Grand Groupe ».

Focus sur le coefficient « Grand Groupe »

Le coefficient « Grand Groupe » est plus fréquent que les autres et son effet est substantiel : il peut conduire à doubler ou presque le montant de la sanction. Par exemple, dans le cas d’Apple (sanctionné en 2020 pour abus de position dominante), le montant de base de la sanction a été majoré à 90% après la prise en compte de la taille du groupe. Depuis 2017, ce coefficient est relativement prévisible car bien corrélé au chiffre d’affaires des groupes condamnés.

Comparaison des méthodes de détermination avec l’Italie et le Royaume-Uni

Pour gagner en perspective dans l’interprétation de ses résultats, MAPP KPMG a réalisé une analyse comparative de la politique des sanctions des autorités françaises, italiennes et britanniques en observant l’historique des décisions de chaque pays.

Cette analyse s’est appuyée sur trois axes.

La comparaison des procédures de détermination des sanctions françaises, italiennes et britanniques révèle des différences notables dans l’approche de chaque pays.

Nous avons réalisé des comparaisons avec les pratiques britanniques et italiennes, dont le corpus de règles est proche du communiqué sanction français. L’Italie prononce globalement autant de sanctions et de mêmes montants, en moyenne, qu’en France, mais avec davantage d’hétérogénéité dans le coefficient de gravité des faits, de 5% à 30% dans les ententes horizontales, contre de 10% à 20% en France. Au Royaume-Uni, les sanctions sont plus rares, mais avec un coefficient de gravité appliqué plus élevé, de 15% à 30%. 

Nouveau Communiqué sanction : quelles conséquences sur la stratégie des entreprises ?

L’étude de MAPP KPMG montre qu’il est possible de mesurer avec une certaine précision les risques financiers associés à des poursuites en droit de la concurrence, en tenant compte des paramètres et leur pondération retenus par l’Autorité. Cela implique des effets non seulement sur la stratégie de défense des entreprises, mais aussi sur leur capacité à provisionner le montant, parfois très substantiel des amendes.

A travers cette étude, MAPP souhaite faciliter les processus d’anticipation et d’approvisionnement du montant des sanctions auxquelles les entreprises se sont exposées dans le cadre de procédures contentieuses devant l’Autorité.

L’étude a également à dessein de faciliter la hiérarchisation des sujets d’argumentation dans le cadre d’une défense en Antitrust. MAPP KPMG peut vous accompagner devant l’autorité pour mieux vous défendre en agissant, en concentrant l’effort sur les leviers déterminants. MAPP peut également vous aider à provisionner précisément le montant des sanctions dans une procédure antitrust. 

Contact :

Bernard Roy

Associé, Directeur Général de MAPP

KPMG en France

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