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10 juin 2022     |    5 min de lecture

GREEN ECONOMY

Compte tenu de l’urgence climatique, certaines entreprises décident de se transformer sans attendre, modifiant en profondeur leurs offres, voire leur modèle économique. Elles doivent cependant s’adapter à l’incertitude.

Le deuxième volet du sixième rapport du GIEC, publié fin février 2022, tire une fois de plus la sonnette d’alarme climatique, insistant sur le degré d’urgence de la situation actuelle. Il appelle les gouvernants de tous les pays à accroître les moyens mis en œuvre pour maîtriser le réchauffement planétaire.

Sans attendre les plans d’action des hommes politiques à travers le monde, certains dirigeants d’entreprises prennent des décisions fortes, susceptibles d’impacter directement leur modèle économique ou leurs ventes, remettant en cause leur mode d’organisation en profondeur.

S’ils décident d’impulser une profonde reconfiguration de leurs priorités, ils s’attaquent en réalité le plus souvent à des paralysies majeures à cause d’injonctions contradictoires : la performance de l’EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization) vs une planète aux ressources finies. Ils doivent en parallèle changer de paradigme et innover dans leurs façons d’agir, tout en réinventant les modèles d’affaires.

Mustela et Renault Trucks en France : deux exemples

C’est le cas notamment de Mustela et de Renault Trucks en France. Créée en 1950, Mustela est aujourd’hui la propriété du groupe Expanscience, entreprise à mission depuis fin 2021 et certifiée Bcorp depuis 2018. Mustela se prépare, à changer radicalement son modèle économique. Selon sa directrice générale, Sophie Robert Velut, ce changement est inévitable compte tenu du degré d’urgence climatique.

Sophie participe à la première édition de la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC), qui réunit 150 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs du 9 septembre 2021 au 1ᵉʳ juillet 2022 (lire l’interview de son fondateur, Eric Duverger). Elle déclare : « Nous venons de définir nos objectifs RSE à 10 ans autour de l'empowerment des parents, du zéro carbone et du zéro déchet. Les horizons sont ambitieux et clairs, ce qui reste à construire est le plan d'action et je suis convaincue que le travail collectif avec d'autres entreprises générera les idées et solutions pour agir concrètement et concevoir les étapes intermédiaires ».

Quant à Christophe Martin, patron de Renault Trucks en France, il est certain de vendre moins de camions dans les années à venir. Cela ne l’inquiète pas outre mesure. Il est surtout attentif au risque social que cela peut entraîner. Il faut donc selon lui anticiper cette transition en développant de nouveaux produits et services, comme le reconditionnement (puis la vente) de camions d’occasion.

De multiples embûches sur le chemin du changement

Les dirigeants qui décident de « changer les choses » sont cependant confrontés à de nombreuses questions et de multiples obstacles. Quel ordre de priorité établir pour modifier leurs manières de produire, leurs offres, leurs partenariats, voire leur typologie de clientèle ? Comment trouver les ressources financières nécessaires à une telle transformation ?

Autre défi, et non des moindres : changer de norme culturelle. Beaucoup d’entreprises savent aujourd’hui qu’elles ne peuvent plus se contenter du « business as usual », elles font de plus en plus d’efforts pour limiter leur impact mais il faut être clair : la plupart des dirigeants sont sous-informés quant aux véritables enjeux liés au changement climatique.

Dans ce contexte, il est crucial, déterminant, de sortir des politiques RSE traditionnelles et, malgré l’urgence de la situation, de prendre le temps afin d’imaginer, concevoir et mettre en œuvre des solutions concrètes, immédiatement opérationnelles. C’est d’ailleurs la mission que s’est fixée la Convention des Entreprises pour le Climat.

Quid des entreprises vertueuses ?

Certaines entreprises ont, dès le début de leur activité, adopté une activité et / ou un mode d’organisation résolument vertueux. C’est le cas de Cash and Repair qui propose aux particuliers de réparer les produits multimédias les plus courants : téléphones et ordinateurs portables, tablettes, objets connectés, consoles de jeu... Une grande partie de l’activité de l’entreprise repose sur l’économie circulaire avec des appareils réparés grâce aux pièces détachées récupérées sur d’autres terminaux.

« Dans le contexte actuel caractérisé par des problèmes d’approvisionnement majeurs, pouvoir récupérer des pièces détachées et donner une seconde vie à tous ces appareils constitue un avantage concurrentiel à tous les niveaux : au niveau de notre capacité d’approvisionnement, de notre compétitivité et de notre positionnement par rapport à la clientèle », déclare le fondateur et dirigeant de l’entreprise, Bertrand Lepineau.

Par ailleurs, le fait de s’être questionné dès le début sur ce que chacun pouvait faire, à son niveau, pour améliorer la situation environnementale globale, oblige chaque salarié à réfléchir autrement. « Notre état d’esprit, qui va à l’encontre des schémas classiques, nous permet d’innover plus facilement. Nous avons par exemple créé un robot permettant de démanteler (déconstruire) des téléphones sans les broyer, afin de réutiliser les pièces détachées. Cette innovation est venue des collaborateurs eux-mêmes et nous avons aujourd’hui deux années d’avance sur le marché », ajoute Bertrand Lepineau.

Qui plus est, un mode d’organisation excluant toute notion de hiérarchie (holacratie) a été mis en place au sein de Cash and Repair. Chacun est donc entièrement responsable de ce qu’il fait au quotidien. Ce mode de management a été mis en place suite à une enquête réalisée auprès des salariés, il y a quatre ans. Les collaborateurs de l’entreprise avaient alors été questionnés quant à leur vision de l’entreprise et leur définition du bonheur et de l’épanouissement au travail.

Quand on permet aux équipes de s’exprimer pleinement, leurs capacités créatives sont presque sans limite. Suite à un hackathon auquel nous avions participé, c’est la création d’une tribu recyclage et d’une tribu innovation qui a permis l’élaboration de ce robot. Nous avons réussi car il s’agissait d’un projet collectif, ce n’est pas moi qui ai mis le sujet sur la table.


Le chemin qui mène à « l’excellence climatique » est long et complexe, mais il n’y en a pas d’autre. Les entreprises qui se réorganisent dans cette voie savent que, lorsqu’elles atteindront leurs objectifs, le résultat sera bénéfique à la fois pour elles, mais aussi pour la « communauté humaine » dans son ensemble.

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