• 1000

GREEN ECONOMY

Ils ne croient plus à la croissance verte, au développement durable, à la compensation carbone. Alexandre Monnin, Diego Landivar et Emmanuel Bonnet, enseignants-chercheurs au sein du groupe ESC Clermont (respectivement en économie/SHS, philosophie et sciences de gestion) leur préfèrent la « redirection écologique ». 

Un concept qu’ils consolident au sein d’Origen Medialab, dans le cadre de l’initiative « Closing Worlds ». Par des enquêtes de terrain, des études et l’accompagnement d’organisations et, désormais, via le Master of Science « Stratégie et design pour l'Anthropocène », porté par l'ESC Clermont BS et Strate, école de design, à Lyon, les trois chercheurs entendent trouver les conditions d’existence des organisations dans le « monde d’après ». L’ambition : donner le pouvoir d’agir aux « redirectionnistes », spécialistes de l’« atterrissage » des organisations et des institutions dans l'Anthropocène. Rencontre avec Alexandre Monnin, directeur du Master.

Vous avez, notamment, enquêté sur la disparition de la neige en Europe, menaçant des pans entiers d’activité. Vous avez interrogé de nombreux managers sur leur prise de conscience de l’urgence écologique, sur les tensions qui traversent leur organisation face à l’entrée dans l’Anthropocène. La nécessité de renoncer à certains modèles, d’en inventer d’autres, appelait-elle une expertise spécifique ?

Nous considérons que les efforts en matière de « transition écologique » n'ont pas démontré leur efficacité : les notions de développement durable, de croissance verte, du découplage entre croissance et émissions de CO2, de compensation... se heurtent aux conclusions de nombreux travaux qui tendent à montrer qu'elles sont insuffisantes pour répondre aux défis du changement climatique et du franchissement des limites planétaires. Nous cherchons à développer de nouvelles approches. Nous héritons de modèles de développement et d'infrastructures, techniques ou économiques qui ne sont pas plus adaptés à l’avenir qui se dessin qu’à celui qu’il faudrait préparer. Mais nous en sommes, actuellement, complètement dépendants.  Comment dès lors composer avec cet héritage ?

Ceux qui, dans l'entreprise, gèrent les questions environnementales et sociétales sont, usuellement, les responsables RSE. Sauf que la RSE reste trop souvent vue comme un problème de gestion des externalités négatives de l'entreprise. Or, demain, c'est le cœur de nombreuses organisations qui va devoir bifurquer.  

A la RSE doit succéder un nouveau paradigme, et les « redirectionnistes » que nous formons auront pour tâche de ré-écrire la stratégie des organisations en regard des contraintes de l’Anthropocène, en faisant des questions environnementales et sociétales des internalités.

À retenir
Les modèles de développement et d'infrastructures, techniques ou économiques dont nous héritons ne sont pas plus adaptés à l’avenir qui se dessine. La façon dont les entreprises gèrent les questions environnementales et sociétales sont, usuellement, les responsables RSE mais la RSE reste trop souvent vue comme un problème de gestion des externalités négatives de l'entreprise.

Quels sont les leviers d'action de la "redirection écologique" ?

Il peut s'agir d'inventer des modèles économiques qui ne soient pas basés sur la croissance, instaurer des "communs négatifs" - c'est à dire instituer un rapport nouveaux aux "ressources" matérielles ou immatérielles "négatives" telles que les centrales à charbon, les sols pollués mais aussi les modèles économiques sans avenir dont il est nécessaire de se réemparer collectivement. Il peut s'agir encore, dans la continuité des communs négatifs, d'inventer des "protocoles de renoncement", comme le propose Diego Landivar : des chemins ou des issues pour sortir progressivement d'une activité ou d'un secteur. 

Comment les entreprises peuvent-elles s'emparer de la "redirection écologique" ?

L'entreprise ARP Astrance, spécialiste du conseil en immobilier et en aménagement, nous demande, par exemple, de réfléchir à la question suivante :  à quelles conditions peut-on envisager un arrêt de la construction, ce qui conduit à repenser complètement ce secteur… Autre exemple : une ville de 150 000 habitants nous demande d'imaginer des protocoles de renoncement pour certaines de ses infrastructures dont le coût énergétique devient rédhibitoire. 

Pourquoi le design est-il une approche à privilégier ?

Pour savoir comment atterrir dans l’Anthropocène, il est nécessaire à la fois de comprendre les grands récits englobants - l'Anthropocène, l'effondrement, le réchauffement climatique et d’être capable d’enquêter sur des situations précises et d’articuler les échelles. Il faut également avoir une bonne compréhension de l’économie, de la place du management et des organisations ou encore de l’histoire du droit ou des institutions. L’approche par le design offre, quant à elle, une vertu essentielle : donner le pouvoir de faire, en plus de celui de comprendre. Le design offre un cadre où peuvent converger les connaissances en énergie, en programmation, en création graphique, en philosophie, en ingénierie... qui doivent être mobilisées conjointement pour répondre aux défis de l'Anthropocène. 

À retenir
Plusieurs leviers d'action de "redirection écologique" sont possibles : instituer un rapport nouveaux aux "ressources", inventer des "protocoles de renoncement"... Le design offre un cadre où peuvent converger les connaissances en énergie, en programmation, en création graphique, en philosophie, en ingénierie.

Sur le même thème

Le meilleur de l'avenir, une fois par mois.

Lire la dernière newsletter →
S’inscrire