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14 février 2022     |    7 min de lecture

TECH ECONOMY

E-commerce, plates-formes, livraison, magasin discount ou de proximité : les usages des consommateurs évoluent et cette transformation frappe de plein fouet la grande distribution. Face à ce challenge, le groupe Carrefour lance dès 2018 son plan de transformation « Carrefour 2022 » intégrant, notamment, un axe sur l’enjeu crucial du numérique. L’année suivante, le distributeur ouvre, en partenariat avec Google, son Data Lab, département spécialisé en intelligence artificielle. L’objectif de l’enseigne est de tirer parti de la puissance de la donnée pour optimiser l’ensemble de sa chaîne opérationnelle. Le groupe détient en effet une mine d’or : les données générées par les 4,5 milliards de transactions qu’il enregistre chaque année.

Aujourd’hui, ce sont les problématiques d’assortiment, de gestion des stocks et de prédiction des ventes qui font l’objet des premières expérimentations rendues publiques par le Data Lab de Carrefour. Il s’agit des principales préoccupations des distributeurs de produits frais, contraints de trouver un équilibre entre satisfaction de la demande, limitation des stocks, conformité à la réglementation et réponse à la prise de conscience du grand public sur la question du gaspillage alimentaire. Un cas d’usage appliqué au rayon boulangerie-pâtisserie de l’enseigne relève justement le défi de faire converger objectifs commerciaux et valeurs green à travers un nouveau modèle de prédiction de la demande.

Prédire la demande au plus juste : le défi historique de la grande distribution

Prévoir ce dont auront envie les clients pour proposer le bon assortiment de produits dans les bonnes quantités est fondamental dans le métier de distributeur. Une question complexe puisqu’il faut à la fois être exhaustif - pour ne pas décevoir les clients et les voir passer à la concurrence -, réduire au maximum les stocks qui sont source de coûts, mais aussi éviter les pertes de produits, la plupart du temps périssables à court terme.

Pour trouver l’équilibre entre ces différentes contraintes, les grandes enseignes se reposaient jusqu’ici sur les prévisions de leurs ERP (Enterprise Resource Planning), principalement fondées sur les historiques de vente sur plusieurs années. Or, ces modèles basés sur des cycles mensuels manquent de fiabilité. D’une part, parce qu’ils ne tiennent pas ou peu compte des phénomènes irréguliers influant sur les besoins des clients. D’autre part, parce que les comportements d’achat eux-mêmes se sont sophistiqués.

De nombreux paramètres peuvent, en effet, transformer la demande d’une année à l’autre comme la météo, les grands événements (sportifs, religieux…) ou bien encore l’évolution de la crise sanitaire. Même si les prévisions « classiques » peuvent prendre en compte certains de ces facteurs, comme les données calendaires par exemple, elles ont aussi le biais de lisser les ventes comme si elles étaient constantes tout au long d’un même mois. A titre d’exemple, une erreur de réassort sur un produit a eu lieu au cours de la deuxième semaine de février 2021. Celle-ci a entraîné une chute temporaire des ventes, puisque le produit était absent des rayons, qui a été enregistrée sur l’ensemble du mois de février et non sur la semaine concernée. L’année suivante, l’enseigne va s’appuyer sur ces données et commander moins de produits que réellement nécessaire tout au long du mois de février.

Ces difficultés se conjuguent à des tendances plus profondes. Fini le temps où les consommateurs faisaient toutes leurs courses au même endroit, avec une régularité relativement constante. L’essor récent du e-commerce et des hard-discounters a, en effet, favorisé la volatilité des clients. Ceux-ci combinent désormais plusieurs types d’enseignes et plusieurs types de canaux en fonction des catégories de produits recherchés et des moments où ils en ont besoin. Enfin, le niveau d’exigence en matière de responsabilité environnementale s’est élevé, notamment en ce qui concerne le gaspillage alimentaire. En 2015 en France, la grande distribution représentait 14 % des 10 millions de tonnes de nourriture consommable jetées dans l’année1. Pour lutter contre ce phénomène, la France a pris de nombreuses dispositions législatives depuis 2013. Mieux prévoir les ventes devient ainsi pour les distributeurs un enjeu à la fois économique, réglementaire et éthique.

Carrefour s’appuie sur le machine learning pour produire ses viennoiseries et pains au plus juste

C’est au rayon boulangerie-pâtisserie des supermarchés qu’une production au plus juste est la plus attendue. Il s’agit, en effet, de produits ultra-frais ne pouvant être proposés à la vente au-delà d’une journée. Ce sont à la fois ceux qui sont le plus jetés - après les fruits et légumes - et ceux qui génèrent une grande frustration en cas de rupture de stock en fin de journée.

L’équipe du Data Lab a donc été mandatée pour améliorer la fiabilité de la prédiction de la demande grâce à l’intelligence artificielle et la data science. Pour cela, Carrefour est parti des informations issues des 3,5 millions de tickets de caisse que le groupe traite chaque jour pour dresser un historique des ventes sur plusieurs années. Des modèles de machine learning supervisés, construits sur la base d’arbres de décision, ont permis de les croiser avec des variables explicatives : les promotions, les remises sur les produits à date courte, des données calendaires… soit des milliers de configurations possibles sur une seule journée. La solution a été préalablement testée dans des magasins pilotes, dont les premiers retours ont permis d’ajuster les modèles, avant un déploiement plus large dans les hypermarchés du groupe.

Quelques mois après la mise en place de ce nouveau modèle de prédiction, ses résultats s’avèrent très positifs. Carrefour assure avoir significativement amélioré ses ventes tout en réduisant le gaspillage. En effet, sur les cinq derniers mois de 2021, ce sont environ 100 tonnes de viennoiseries et de pâtisseries qui n’ont pas été jetées.

A travers ce cas d’usage, le groupe concilie son ambition de positionner la data au cœur de sa stratégie et son engagement en faveur de la transition alimentaire, pour un modèle de croissance durable. Le Data Lab travaille également sur l’ensemble de la chaîne opérationnelle du groupe, qu’il s’agisse de problématiques de pricing, d’organisation des magasins, de supply chain, de marketing ou encore d’e-commerce. D’autres expérimentations ont ainsi été récemment présentées pour améliorer l’expérience d’achat e-commerce, la mise en place d’un magasin « flash », ou l’assortiment des magasins de proximité.

À retenir
Dans le cadre de son plan de transformation « carrefour 2022 », l’enseigne souhaite faire converger objectifs commerciaux et valeurs « green » à travers un nouveau modèle de prédiction de la demande. Son objectif est ainsi de tirer parti de la puissance de la donnée, en s’appuyant sur le machine learning, pour optimiser l’ensemble de sa chaine opérationnelle et réduire le gaspillage alimentaire.

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