• Julien Reguis , Directeur |
  • Kevin Arvis , Senior Manager |
  • Jean-Baptiste Benac , Senior Manager |
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Plus que jamais au cœur de toutes les attentions, la technologie sera le moteur des stratégies de rebond et un liant essentiel pour l’entreprise responsive de demain. Celle qui saura concilier ses objectifs de croissance durable avec des impératifs sociétaux, économiques et écologiques. Parce que dans tous les secteurs, elle est devenue incontournable, la technologie doit être à l’agenda du ComEx. Notre série de mini-focus ‘xTech in the Boardroom’ met en avant les convictions de nos experts KPMG, à la croisée de leur expérience des projets de transformation technologique et de savoir-faire en matière de stratégie, management et appui à la prise de décision.

1. Tech leaders, pourquoi l’IT Cost Reduction est un sujet réellement stratégique pour votre ComEx ?

Comme nous pouvions le suspecter, la crise sanitaire et économique a inévitablement fait remonter les dossiers de réduction de coûts sur le haut de la pile. Les entreprises ont connu une mise à l’épreuve sans précédent de leur modèle de rentabilité opérationnelle et de résilience, les conduisant à interroger l’efficience de leurs Fonctions Support. Bien entendu, la Direction Informatique n’échappe pas à la règle. Que ce soit au travers d’une réflexion globale sur l’optimisation du modèle de planification budgétaire (ex. chantier Budget Base Zéro), au sein d’une initiative coordonnée de transformation des services aux métiers (ex. plateforme Global Business Services), ou dans le cadre de fusion/acquisitions… la structure des coûts IT est de plus en plus scrutée et analysée au plus haut niveau de l’entreprise. Peut-être encore davantage avec la mouvance Sustainable IT et ce souhait vertueux de limiter les gaspillages et réduire la consommation énergétique des opérations informatiques. Enfin – et c’est probablement l’approche la plus intéressante – certains dirigeants évaluent les options de réduction de leur base de coûts IT dans l’optique de dégager les marges de manœuvre nécessaires à l’accélération de leur transformation digitale. Optimiser le récurrent pour financer le renouveau.

Décider des bons arbitrages pour concilier les impératifs d’efficience et d’investissement pour l’avenir, toute la subtilité d’un sujet qui mérite l’attention du Comité Exécutif.

2. Pourquoi tant d’incompréhensions entre vous et vos dirigeants ?

Parmi les écueils récurrents dans les discussions DSI-Comex sur ce sujet, on retrouve tout d’abord les limites intrinsèques de l’analyse de la structure de coûts existante. Bien souvent au centre des débats : la baseline IT ! Les dirigeants lui reprochent son manque de lisibilité et les difficultés à faire le lien avec les services concrets (niveau de granularité, regroupement de service, TCO…). Ils interrogent volontiers sa complétude, au vu de la technicité des différentes natures de coûts considérées et de la difficulté de raisonner à périmètre constant dans un domaine IT où les coûts cachés sont souvent nombreux (ex. Shadow IT contractualisé en direct par les métiers, équipements de l’informatique industrielle, etc.). Ils apprécient parfois diversement la prise en compte de la dynamique technologique et du besoin continu d’investir pour pallier l’obsolescence et la dette technique. Pour tout un ensemble de raisons, une structure de coûts IT est un objet difficile à appréhender. On observe très régulièrement un biais de perception entre le service consommé (a fortiori si comparable à un usage « personnel » peu coûteux en dehors du travail) et la cascade de coûts nécessaires pour le délivrer.

À la compréhension succède en général la comparaison. Les difficultés se focalisent alors sur un nouvel objet : le benchmark. Reflet des pratiques au sein une industrie, éclairage sur les tendances en matière d’investissement stratégique… On peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres des Analystes du marché. Mais il est bien souvent difficile de garder à l’esprit qu’un benchmark ne représente qu’une photo et non une dynamique, et que son utilisation à des fins conclusives doit être pensée en fonction du moment où l’on regarde la situation IT de l’entreprise.

Dernière étape, l’exercice de projection représente lui aussi un défi majeur. Il est généralement difficile de « séquencer » les réductions de coûts, définir des paliers stables, poser des scénarios sans tomber dans une combinatoire complexe et inaudible. Il faut faire preuve d’une habilité peut-être encore plus importante pour vulgariser, corréler les options SI à des impacts business concrets et bien identifiés.

3. Qu’est-ce qui est en jeu concrètement ?

Potentiellement beaucoup de choses… La tentation est grande de considérer l’exercice uniquement sous l’angle financier, privilégiant des gains rapides sur la masse de coûts de fonctionnement à des effets plus long terme – et de fait moins maîtrisés. Or faire évoluer ses coûts IT, c’est aussi choisir et renoncer. Derrière les leviers de réduction des coûts, on retrouve des impacts sociaux, des risques sur la qualité de service, parfois sur la continuité business, une incidence sur les compétences stratégiques au sein de la filière, des sujets d’exposition juridique, de réputation, etc. Puisqu’il recouvre l’ensemble du périmètre des missions de la DSI, un plan de réduction de coûts IT est susceptible de générer toute une chaîne de répercussions au sein de l’entreprise, qu’il convient d’identifier, anticiper et monitorer au plus tôt. C’est pourquoi la confidentialité dans un premier temps, puis un portage de niveau stratégique pour accompagner le changement sont des prérequis essentiels au succès de la démarche. Là encore, cette adhésion ne pourra être obtenue que si la vision cible peut-être mise en regard d’une baseline fiabilisée, qui traduit fidèlement les modes de fonctionnement actuels.

4. Comment faciliter la prise de décision stratégique ?

Présenter, décider, communiquer un plan de réduction de coûts IT est et restera un exercice périlleux. De nos expériences terrain, nous retenons toutefois certains enseignements et meilleures pratiques.

Sur le plan de la posture et de la forme :

  • Clarifier en avance le mandat, les enjeux et trouver des alliés.
    Comme pour la préparation de tout passage en ComEx, il est nécessaire de glaner un maximum d’informations autour de la demande : drivers métiers de l’initiative de réduction ? Objectifs d’ores et déjà définis ? Coupe stratégique anticipée ? Un sponsor parmi le Comité Exécutif peut s’avérer un véritable atout.
  • Être didactique et parler le langage du business.
    Pour fluidifier les interactions DSI-dirigeants, bien veiller à gommer la technicité du discours est souvent gage de meilleur alignement. On pourra par exemple, sur certaines assiettes de coûts abstraites pour le business, fonctionner par analogie et focaliser le discours sur le levier (de réduction de coûts) plutôt que sur les choix et hypothèses techniques.
  • Préparer un arbitrage par les risques.
    Comment permettre les bons arbitrages ? Il faut partir du principe que dans un cadre de réduction de coûts, tout est possible mais question de risques. Une bonne pratique consiste à matérialiser et s’accorder sur les risques business associés aux différentes options de réduction des coûts IT et arbitrer en conscience de ces risques.

Sur le fond :

  • Une cible chiffrée et directionnelle.
    Il est toujours difficile de s’engager sur des économies à réaliser sur les prochains exercices. Toutefois, le fait de fixer un objectif quantitatif macro a la vertu de faciliter l’embarquement et la mise en action d’une organisation, à condition de s’être bien accordé avec le ComEx que cela nécessite une volonté, une direction et l’engagement des moyens nécessaires à la mise en œuvre.
  • Apprécier et accepter l’incertitude.
    Au-delà de la target il est important de présenter des fourchettes d’économies en fonction du niveau de confiance sur la piste de réduction de coûts, ainsi que de bien mentionner les hypothèses et caveat autour d’une option. Ceci permet notamment de distinguer des chantiers très exploratoires de gisements plus crédibles, à bon niveau de confiance, sur lesquels des études de cadrage plus poussées peuvent être initiées.
  • Un fil directeur cohérent.
    Pour éviter une perception de la démarche comme une injonction imposée et hors-sol par rapport aux réalités de la DSI, il est essentiel de s’appuyer sur une dynamique et de recontextualiser l’exercice dans la stratégie SI d’entreprise (ou bien de présenter clairement les impacts sur l’exécution de cette stratégie). Ceci permet de donner du liant et de conserver une certaine lisibilité de l’action de la DSI.

D’expérience dans les organisations qui ont su en tirer profit, l’exercice d’IT Cost Reduction ne se limite pas à un coup de serpe sur la DSI. C’est aussi l’opportunité d’améliorer l’organisation, réinterroger les pratiques et de rediriger et renforcer les investissements sur certains sujets clés.

Infographie IT cost reduction in the boardroom

Merci à nos experts Sébastien Ropartz, Elodie Law et Pierre Jamry pour leurs éclairages sur cette thématique à forte exposition.

Envie d’aller plus loin ? D’autres sujets stratégiques épineux ? Chez KPMG, nous avons construit une offre « Tech in the Boardroom » pour aider les Tech leaders à prendre position sur des sujets stratégiques, et structurer leur communication vis-à-vis de leur Direction Générale.