• Marie-Claire Renault Descubes , Directeur |
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Le secteur de l’agriculture et de l’alimentation fait plus que jamais partie des priorités stratégiques pour répondre aux enjeux existants : nourrir de manière saine, durable, traçable et compétitive une population mondiale en forte croissance et désireuse de répondre à de nouvelles attentes. Une chose est sûre : les mentalités changent et nos assiettes aussi !

Avec notre série « Futur de l’alimentation : découvrez l’assiette de demain », plongez dans les enjeux et les tendances du marché de l’alimentation 

Quelles sont les attentes clés des consommateurs, et en quoi impactent-elles les stratégies des professionnels de l’agroalimentaire ? Quels sont les enjeux liés à la hausse des prix des matières premières alimentaires ? Comment l’innovation peut-elle aider à développer de nouveaux débouchés commerciaux ? Comment faire rimer alimentation et santé ? Quelles compétences développer et quels talents attirer pour saisir les opportunités de l’agriculture et de l’alimentation ?

Découvrez notre série de cinq articles publiés toute les 2 semaines pour aborder ces tendances passionnantes ! Cette semaine, découvrons ensemble les enjeux posés par la hausse des prix des matières premières alimentaires.


Le 6 janvier 2022, la FAO[1] faisait paraitre son dernier indice visant à mesurer la variation mensuelle des cours internationaux d’un panier de produits alimentaires. L’indice FAO des prix de produits alimentaires s’établit à 133,7 points en décembre 2021, soit +23,1% par rapport à décembre 2020. L’organisation confirme qu’il s’agit d’un des plus hauts niveaux atteints depuis dix ans, malgré une légère baisse enregistrée entre novembre et décembre 2021. En moyenne sur l’année 2021 et en comparaison à 2020, la hausse est particulièrement poussée par le prix des huiles végétales (pour un record historique à +65,8%), les céréales (+27,2%) – notamment le blé, l’orge et le maïs - et le sucre (+37,5%). Les indices comparables du prix des produits laitiers et de la viande enregistrent également une hausse respective de +16,9% et +12,7%.

Plusieurs raisons conjuguées expliquent ces hausses. Une forte demande mondiale (accentuée par les plans de relance et reprises successives post-crises sanitaires) est venue mettre l’offre sous pression, n’étant pas en mesure de répondre à cette demande. Par ailleurs, des aléas climatiques sont intervenus dans différents pays producteurs et ont réduit les récoltes, venant ainsi se répercuter sur le prix des produits agricoles. Citons en effet par exemple la sécheresse au Brésil, le gel en Europe, le climat sec et froid dans certaines régions des Etats-Unis, ou encore les fortes précipitations intervenues en Australie. Le phénomène a également été accentué par la baisse du dollar US qui sert de devise de référence pour le cours des matières premières. Du fait de la dépréciation, les producteurs ont eu tendance à augmenter les prix pour répondre à la demande des acheteurs, notamment en provenance d’autres zones monétaires, dont le pouvoir d’achat était mécaniquement renforcé.

Avec près de 20%[2] de notre alimentation provenant de pays tiers, la hausse des prix des matières premières alimentaires impacte donc les dépenses d’importations nécessaires pour satisfaire la consommation. Malgré la politique agricole commune en place, les marges des producteurs et des industries agroalimentaires sont directement impactées, de même que les consommateurs qui absorbent également une partie de l’augmentation des cours mondiaux.

Plusieurs enjeux critiques sont liés à la hausse des cours des matières premières consommées dans nos assiettes.

Tout d’abord, le pouvoir d’achat est impacté par la hausse des prix des matières alimentaires et celle des autres matières (engrais, emballages, énergie, etc). La pression sur le budget des ménages, déjà mis à mal après près deux années de crise sanitaire, accentue ainsi les risques d’insécurité alimentaire. D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 690 millions d’êtres humains souffraient de la faim en 2020, soit près de 8,9% de la population mondiale. Si la tendance se poursuit, ce sont près de 840 millions de personnes touchées par la faim d’ici 2030 qui seraient à dénombrer. Face à cette double peine d’un pouvoir d’achat réduit et de denrées plus chères, la crise menace la sécurité alimentaire des populations les plus fragiles dans le monde.

Ensuite, la lutte contre le changement climatique apparait d’autant plus primordiale pour les filières agricoles, de la pêche et de l’aquaculture, dont les productions peuvent être directement impactées par les aléas climatiques. Notons qu’elles ont une double responsabilité : trouver des solutions pour réduire les impacts sur la production et donc l’offre de denrées alimentaires, et également lutter contre le réchauffement climatique puisque les systèmes en place génèrent des émissions de gaz à effet de serre (en France, l’agriculture génère 19% de l’émission des GES, soit le 2ème poste national[3]). Différentes mesures sont préconisées par les organisations internationales pour développer une agriculture durable et respectueuse du climat, tout en garantissant la productivité des activités. Au niveau sectoriel par exemple, l’OCDE insiste sur la nécessité de renforcer les investissements en R&D. Par exemple en favorisant les partenariats public-privé, en améliorant les transferts de connaissances pour intensifier l’adoption de bonnes pratiques et de savoir-faire en matière de gestion des risques, ou encore grâce au suivi des progrès réalisés sur la durabilité des pratiques agricoles, en faisant de ce dernier un indicateur d’incitations financières.

Enfin, selon le dernier rapport de l’Institut Montaigne dédié à l’agriculture de demain, les dépenses publiques par an par habitant entre 2008 et 2015 auraient été en forte croissance en Chine (+ 145 %), au Brésil (+ 44 %) aux États-Unis (+ 39 %), mais auraient reculé de 20% dans l’Union Européenne[4]. Les réflexions et les recommandations du think tank insistent sur le besoin de soutenir ce secteur stratégique pour assurer la souveraineté alimentaire de la France. Au niveau national, le plan d’investissement France 2030 permettra d’allouer 2 milliards d’euros pour répondre aux enjeux de la transition agroécologique et soutenir une agriculture et une alimentation saine, durable et traçable. Le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a indiqué qu’il accompagnera particulièrement les projets de transformation liés au numérique, à la robotique et à la génétique qui sont perçus comme trois révolutions essentielles pour ce secteur. En plus de cela, le Ministère a annoncé en novembre 2021[5] que 877,5 millions d’euros issus du 4ème plan d’investissement d’avenir (PIA4) seront déployés sur 5 ans en faveur de la transition agroécologique.

Le renforcement de la souveraineté alimentaire de la France est un enjeu stratégique majeur, encore accentué par la crise sanitaire. La politique choisie consiste à repenser le modèle agricole de manière durable et économiquement pérenne pour les producteurs et le panier des consommateurs. En outre, elle ambitionne de revaloriser la production locale, maîtriser l’empreinte carbone de notre assiette, réduire la dépendance vis-à-vis des approvisionnements extérieurs, et proposer un modèle alimentaire français durable et reconnu dans le monde.

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Sources

[1] FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

[2] INSEE

[3] Ministère de la Transition écologique

[4] Institut Montaigne, Octobre 2021, « En campagne pour l’agriculture de demain »

[5] Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation