Comment "agiliser" votre portefeuille de projets dans une organisation qui ne l'est pas ? Comment "agiliser" votre portefeuille de projets dans une organisation qui ne l'est pas ?
Il est naturel de penser que généraliser les méthodes agiles à la plupart des échelons de l’entreprise, et en particulier au niveau des équipes opérationnelles, est une étape nécessaire avant de pouvoir envisager d’étendre ces méthodes à la gestion de portefeuille.
Toutes les organisations n’ont pas ce niveau de maturité, pour autant elles ont toutes à gagner à gérer un portefeuille de manière agile, a fortiori en temps de crise. Ne pas maîtriser son portefeuille de projets (absence d’indicateur, portefeuille mal connu…), c’est courir le risque d’arbitrer dans la panique à partir d’éléments peu rationnels lorsque les difficultés surviennent. A l’inverse, une gestion de portefeuille agile permet de dégager des opportunités dans les périodes difficiles, en interrompant ou en faisant évoluer des projets, et même d’anticiper la reprise.
Il est crucial pour la plupart des organisations de rendre leur portefeuille de projets plus dynamique et plus adaptable, quel que soit leur niveau de maturité en termes d’agilité. Nous pensons qu’un tel objectif peut être atteint en se concentrant sur trois axes d’évolution de la gestion de portefeuille, sans nécessairement lancer un projet majeur de transformation agile.
I – « Equipes SI et digitales : exigez de vos métiers qu’ils arbitrent ! »
Organisez la gestion de portefeuille à l’échelle d’une chaîne de valeur
Il existe plusieurs manières de découper son portefeuille, c’est-à-dire de décider sur quel périmètre cohérent on choisit de regrouper différents projets. On observe souvent des portefeuilles organisés par métiers et administrés centralement par une fonction SI ou digitale (i.e. un portefeuille marketing, un portefeuille cœur de métier A, un portefeuille cœur de métier B, un portefeuille RH et finance, etc.).
Ces découpages paraissent intuitifs mais posent néanmoins plusieurs problèmes :
▪ Les DSI et équipes digitales sont positionnées comme arbitres de demandes concurrentes alors qu’elles n’ont pas la légitimité pour départager des métiers qui ont tous des besoins cruciaux et urgents.
▪ La mutualisation et le partage des ressources, nécessairement contraintes, est complexe.
▪ En silotant par métier, l’innovation et les projets transverses ne sont pas encouragés.
Découper des portefeuilles par chaîne de valeur
Une approche alternative consiste à rassembler les projets et initiatives IT et digitales au sein de chaînes de valeur métier. Il s’agit d’un enchaînement d’étapes qui concourent à créer de la valeur (celle-ci peut prendre plusieurs formes : un produit ou un service à destination d’un utilisateur final par exemple). Un exemple classique de chaîne de valeur est l’obtention d’un prêt : la demande de prêt va en effet devoir suivre un certain nombre d’étapes (demande auprès de la banque, évaluation du dossier, choix d’assurance, mise à disposition des fonds…). En termes de gestion de portefeuille, ce découpage permet de raisonner sur un ensemble de projets qui participent à un objectif commun et ainsi de faciliter les arbitrages, bien que chaque projet puisse relever de périmètres métiers différents et être exécuté opérationnellement par des directions ou des entités différentes.
En termes budgétaires, cette approche induit des changements significatifs puisque les enveloppes dédiées aux investissements IT sont attribuées non plus à l’échelle d’un projet, d’une direction ou d’une équipe, mais bien pour l’ensemble d’une chaîne de valeur, qui arbitre ensuite entre les projets qui la composent. Si nous poussons le raisonnement, nous pouvons même aller jusqu’à considérer que le budget de la DSI n’est finalement que la somme des budgets que l’entreprise alloue à chacune des chaînes de valeur pour mener des projets technologiques[1].
Selon votre organisation, il peut être pertinent d’adopter ce nouveau découpage[2] pour une chaîne de valeur « test » qui s’y prête particulièrement bien : faible nombre d’étapes, périmètre facilement détourable, pratiques et compétences qui faciliteront l’adoption…
Prendre en compte la nature du parc technologique sous-jacent à la chaîne de valeur
Une fois qu’une ou plusieurs chaînes de valeur métier ont été identifiées, il est important d’y associer les systèmes, applications et équipes qui supportent les différentes étapes de cette chaîne de valeur. A travers eux, nous pouvons identifier les projets et initiatives SI et digitales qui constituent les briques fondamentales du portefeuille de projets.
Selon la nature des applications en question, une approche de gestion agile du portefeuille apporte cependant plus ou moins de bénéfices : il ne s’agit pas de vouloir faire de l’agile à tout prix, mais plutôt à bon escient et lorsque ces méthodes apportent le plus de valeur.
Nous proposons ainsi la classification suivante :
a) Les « plateformes cœur » ou core platforms, qui subissent peu d’évolutions et qui seront donc assez peu présentes dans le portefeuille projet, en dehors de projets d’ampleur (un projet de migration SAP vers S4/HANA par exemple)[3]. Ces projets sont souvent complexes et posent des problématiques spécifiques qui ne se sont pas traitées dans cet article. |
b) Les systèmes ou applications « dynamiques » : des produits technologiques en cours de construction ou qui sont sujets à de fréquentes évolutions. Une gestion de portefeuille Lean / agile est particulièrement pertinente pour ces systèmes. |
c) Les systèmes hybrides, qui seront à étudier au cas par cas pour déterminer si une gestion de portefeuille agile est pertinente pour ces projets. |