Intelligence artificielle, numérisation et ESG sont quelques-uns des nombreux thèmes auxquels se consacre le secteur de l’audit. Reto Eberle, professeur à l’université de Zurich et associé chez KPMG, se penche sur le secteur de l’audit du point de vue de la recherche et de la pratique. Dans l’interview donnée au Handelszeitung, il évoque notamment les défis à relever dans ce secteur.
Reto Eberle
Avec le lancement de ChatGPT, l’intelligence artificielle (IA) a été rendue accessible à un large public. Où le potentiel de l’IA pour l’audit est-il le plus important?
Le potentiel est énorme, mais les nouvelles technologies doivent pouvoir être utilisées à bon escient. Tout en utilisant l’IA (audit AVEC l’intelligence artificielle), le secteur de l’audit doit en même temps l’auditer (audit DE l’intelligence artificielle). Avec les évolutions technologiques actuelles, nous avons débuté un long voyage dont nous n’avons encore parcouru qu’un court tronçon.
Pour l’instant, le paysage informatique est encore très hétérogène, en particulier dans les petites entreprises. Les expertes-comptables et experts-comptables rencontrent donc des difficultés à utiliser ces nouveaux outils. En revanche, dans les grandes entreprises, l’informatique est déjà fortement standardisée, ce qui est une condition préalable au recours aux Data Analytics et à l’IA. Les cabinets d’audit s’aident actuellement de ces outils pour obtenir des éléments probants. Dans un proche avenir, il devrait toutefois être possible de fournir des éléments de preuves de façon autonome.
L’utilisation de l’IA améliorera-t-elle l’audit et le rendra-t-elle meilleur et plus sûr?
L’IA a le potentiel de rendre l’audit plus efficace, non plus en examinant l’univers statistique au moyen d’échantillons, mais en se penchant notamment sur ce que l’on appelle les données aberrantes. Les travaux sont donc plus ciblés. Pour l’instant, l’utilisation de l’IA ne conduit pas encore nécessairement à plus d’efficacité, car nous nous situons au début de la courbe d’apprentissage, ce qui implique de gros investissements.
Quel est l’impact de la numérisation sur votre activité à la chaire Auditing and Internal Control de l’université de Zurich?
De nombreux travaux de recherche portent sur la numérisation et son impact sur l’audit. De plus, nous avons acquis de l’expérience dans l’enseignement en ligne pendant la pandémie de coronavirus. Ce type d’enseignement est destiné à rester, même si je suis partagé à ce sujet. D’après mon expérience, il est important que les étudiants soient présents physiquement en cours afin de pouvoir échanger entre eux et avec les professeurs.
Cela modifie-t-il également la formation universitaire dans le domaine de la comptabilité et de l’audit?
Oui, l’audit n’est plus le même aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Bien sûr, la comptabilité et l’audit ne sont pas les seuls domaines concernés par la numérisation. L’Université de Zurich a tenu compte de cette évolution en créant un centre de compétence interdisciplinaire appelé «Digital Society Initiative». Elle propose des offres d’enseignement telles que des Digital Skills au niveau master. De telles compétences techniques seront indispensables pour l’audit de demain.
Comment le profil d’exigences applicable aux étudiants évolue-t-il? Faudra-t-il avoir à l’avenir davantage de connaissances en informatique et en IA que de compétences comptables classiques?
Acquérir des connaissances dans des domaines autres que les matières comptables est sans nul doute judicieux. C’est dans ce cadre que la formation d’experte-comptable et d’expert-comptable diplômés a été adaptée en Suisse pour cette année, afin de mettre en œuvre de nouvelles formes d’apprentissage utilisant des moyens numériques et de traiter en profondeur des thèmes tels que l’informatique, l’analyse de données ou la durabilité.
Qu’est-ce que cela signifie pour le recrutement chez KPMG, au sein duquel vous êtes associé?
Pour notre secteur de l’audit, nous recrutons toujours beaucoup parmi les diplômé-e-s sortant d’universités et de hautes écoles spécialisées dans le domaine de la gestion d’entreprise. Les connaissances en informatique gagnent indéniablement en importance.
Toutefois, nous avons également besoin d’autres profils professionnels tels que des informaticien-ne-s et des ingénieur-e-s, notamment dans le cadre de l’établissement de rapports sur la durabilité. En outre, des connaissances en gestion de projet sont de plus en plus demandées, car un audit implique l’intervention et la coordination de multiples spécialistes.