Interview de Martin Candinas, président du Conseil national 2023.

Martin Candinas

Martin Candinas

Monsieur Candinas, quels défis attendent le Parlement en 2023?

Il faut citer en premier lieu la pénurie d’énergie, tout comme la hausse de l’inflation en Suisse. Ces deux thèmes sont liés. Un grand nombre de personnes en Suisse s’inquiètent de l’évolution future et craignent de ne plus pouvoir payer leurs factures. Ces problèmes sont en corrélation directe avec la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. 

Le Parlement n’a pas besoin de ficeler des mesures d’urgence à chaque session, mais dans notre rôle de membres du Conseil, nous devons montrer à la population que nous voulons nous atteler aux problèmes et les résoudre. C’est la seule façon de préserver, voire de renforcer, la confiance dans les institutions, même en des temps difficiles. 

2023 est aussi une année d’élections. Selon l’évolution de la situation en Ukraine et sur les marchés mondiaux, les élections risquent d’être fortement influencées par l’actualité mondiale. Le Parlement devra également s’attaquer à d’autres thématiques, telles que les dépenses de santé, l’avenir du deuxième pilier dans le système de rente, la relation entre la Suisse et l’UE, mais aussi, bien entendu, la politique climatique.

Quels objectifs poursuivez-vous en tant que président du Conseil national? Souhaitez-vous, dans votre fonction, faire progresser les préoccupations majeures de votre parti, le Centre?

Dans mon rôle de président du Conseil national, je représente l’ensemble du pays et non pas uniquement mon parti. Au cours de mon année présidentielle, je ne souhaite donc pas m’engager dans une politique de parti, mais veiller à la cohésion nationale et à des débats respectueux. 

Mon année de mandat est placée sous la devise «Gemeinsam – ensemble – insieme - ensemen». Je souhaite ramener une meilleure compréhension entre les différentes zones du pays, les régions linguistiques et avant tout la ville et la campagne. La cohésion a été très éprouvée en Suisse ces dernières années, comme l’ont montré divers textes soumis à la votation. On peut par exemple citer la votation de la loi sur la chasse ou la réforme de l’AVS. Il me tient à cœur de développer davantage de compréhension à l’égard des préoccupations des minorités, étant moi-même membre d’une telle communauté. Durant mon année de mandat, je souhaite non seulement rendre plus audible et plus visible le romanche, mais aussi souligner l’essence du modèle de réussite helvétique lors de mes visites en Suisse et à l’étranger. Forte d’un fédéralisme sophistiqué, d’une démocratie directe et d’une subsidiarité assumée, la Suisse est parvenue à réconcilier les minorités et les majorités et à former un État où il est possible de trouver des solutions même dans des situations difficiles. Notre anniversaire «175 ans de la Constitution fédérale» est l’occasionpar excellence de rappeler les atouts de la Suisse.

Les transports publics vous sont chers. Comment comptez-vous intégrer ce thème dans votre agenda politique de président du Conseil national?

Les transports publics connectent les différentes régions de notre pays. Ils relient la ville et la campagne, la montagne et la vallée. Les transports publics font partie de l’ossature de base de la Suisse. Notre Service public sur tout le territoire va desartères palpitantes aux capillaires les plus fins. En comparaison internationale, la Suisse possède un système de transport unique en son genre. Nous pouvons en être fiers. Toutefois, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons continuer à développer ce système et à mettre à profit le potentiel d’innovation offert pour que la Suisse conserve sa place de leader. 

Durant mon année de présidence, j’emprunterai principalement les transports publics. Lors de mes voyages en Suisse et à l’étranger, je me ferai bien sûr le champion de notre système de transports publics. Nos entreprises de transport, variées et excellentes, mais aussi notre industrie innovante de transports publics méritent à juste titre d’être promues à l’étranger. Les solutions suisses doivent devenir encore plus populaires et plus présentes.

Les données du «Gender Intelligence Report 2022» de la HSG et d’Advance indiquent que plus un secteur est «suisse», moins il est diversifié en termes de genre. L’étude montre également qu’il y a encore proportionnellement peu de femmes à des postes de direction. Que pourrait-on faire, selon vous, au niveau politique pour encourager les carrières des femmes (concernant l’AVS21 notamment)?

Les femmes sont d’aussi bons leaders que les hommes. Pour moi, le principal problème se situe dans le fait que les femmes, en raison de leur situation familiale, souhaitent ou doivent souvent lever le pied professionnellement dans des années charnières. La conciliation du travail et de la famille présente encore des lacunes. Nous parlons souvent de liberté de choix, mais le nombre de places d’accueil pour enfants reste insuffisant, tout comme celui des écoles à journée continue. Dans bien des cas, l’offre n’est pas assez souple et elle est trop onéreuse. Je crois donc que ce qui aidera le plus, c’est de transformer le financement initial des places d’accueil pour enfants en une solution définitive et de rendre les horaires scolaires plus favorables aux familles ou, mieux encore, de proposer des écoles à journée continue. La votation concernant la réforme de l’AVS a mis au jour des divergences d’opinion – entre les femmes et les hommes, entre les générations et aussi entre la Suisse alémanique et la Suisse romande. Cela me préoccupe. Au Parlement, nous devons éviter qu’à un moment ou à un autre, il soit impossible de faire des propositions susceptibles de recueillir une majorité sur les questions sociales. Nous devons faire preuve de davantage de compréhension mutuelle, d’esprit de compromis et de sens civique!

(Plus d'information: Gender Intelligence Report 2022)

Selon l’étude KPMG «Administration numérique – défis et opportunités des nouvelles tendances pour la Suisse», publiée en octobre en collaboration avec le ZHAW, la transformation du Cloud est considérée comme l’une des plus grandes tendances notables dans le cadre de la mise en œuvre de l’administration numérique. Comment la politique pourrait-elle exploiter pleinement le potentiel des solutions de Cloud et quelles sont, selon vous, les difficultés en présence?

La Suisse dispose d’une organisation morcelée. Cela a des avantages, surtout en ce qui concerne l’acceptation des décisions de l’État et de leur qualité. Le morcellement est une caractéristique fondamentale de la Suisse que beaucoup veulent conserver. Dans les processus de numérisation – surtout lorsqu’il s’agit de collecter et d’uniformiser des données –, la diversité et l’autonomie sont des obstacles. Je peux vous en donner ici un bel exemple. Depuis six ans, je lutte contre le tourisme des poursuites et je souhaite des extraits de poursuites uniformes, valables pour tous les lieux de résidence. Cela suppose des accès réciproques aux données. Actuellement, la consultation concernant la première demande, plutôt mineure, à savoir la garantie du contrôle du domicile, est en cours d’examen. L’intervention date de l’année 2016. Trois années devraient encore s’écouler avant l’entrée en vigueur. C’est beaucoup trop lent, trop laborieux et inefficace. Nous devons accélérer la numérisation de l’administration, y compris les solutions de Cloud. Le Conseil fédéral l’a compris, et il a regroupé les compétences auprès de la Chancellerie fédérale il y a un an. Il serait encore trop tôt pour dresser un bilan. Le problème est largement connu, et de nombreuses personnes s’accordent à dire qu’une solution rapide s’impose. La numérisation doit jouer un rôle clé. Au-delà de l’administration, je pense avant tout au secteur de la santé, de l’éducation et des PME, où le retard à combler est souvent très important. 

(En savoir plus: Administration numérique – défis et opportunités des nouvelles tendances pour la Suisse)

La pénurie énergétique préoccupe l’ensemble de la population suisse depuis quelques mois. Où et comment économisez-vous l’électricité?

Comment j’économise l’électricité? Nous avons baissé la température dans tout notre habitat et nous veillons beaucoup plus à ce que la lumière ne soit pas allumée inutilement et que des appareils électroniques ne marchent pas sans raison. Il est intéressant de voir la façon dont les enfants participent à la réflexion et à l’effort. Comme nous avons une installation photovoltaïque, nous essayons, en tant que famille, d’utiliser davantage notre propre électricité en faisant tourner le lave-vaisselle et le lave-linge pendant la journée – bien entendu bien remplis et avec le programme économique – et de charger si possible nos appareils électroniques en journée. Avec un foyer de cinq personnes, il n’est vraiment pas facile d’économiser de l’électricité!


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