​Malgré le mythe répandu selon lequel ils ne sont que des gardiens des finances, les chefs des finances ont vu leurs responsabilités évoluer au-delà de leur rôle traditionnel. Ils sont devenus des développeurs de capacités à l'échelle de l'organisation – ils agissent comme copilotes auprès du chef de la direction et jouent un rôle de premier plan dans l'orientation de l'organisation. Ils demeurent responsables des finances de l'organisation, mais ils incarnent aussi désormais la personne-ressource vers laquelle se tourner pour s'attaquer à bon nombre des problèmes auxquels les entreprises sont confrontées aujourd'hui. Ils développent les compétences de la main‐d'œuvre, réinventent et rebâtissent la chaîne d'approvisionnement, orientent les informations sur les enjeux ESG et la conformité de l'entreprise, et assurent la résilience et la durabilité numériques continues de l'organisation.

Développer les compétences appropriées de la main‐d'œuvre

Le rôle du chef des finances dans la gestion du personnel d'une société a toujours été de superviser les avantages sociaux, la rémunération et les coûts connexes. Étant donné que ce rôle suppose une collaboration avec des professionnels des ressources humaines, il est tout naturel que le chef des finances aille au-delà des aspects financiers associés à son rôle afin de devenir le principal dirigeant chargé de promouvoir et de souligner l'importance du développement des talents et des compétences à l'échelle de l'organisation.

Étant donné que les chefs des finances aident le chef de la direction à faire avancer stratégiquement l'entreprise, ils sont très bien placés pour promouvoir et parrainer les compétences que la société tente de développer à l'échelle de l'organisation et pour comprendre comment elles contribuent à la stratégie de croissance globale. Le chef des finances apporte également une perspective à long terme unique au développement des talents, car il est en mesure de l'envisager sous l'angle du bilan prévisionnel, où une bonne stratégie de rétention est considérée comme aussi importante que la poursuite des investissements dans de nouveaux talents.

Toutefois, la période que nous vivons est difficile du point de vue du développement des talents et des compétences. Bien que le Canada n'ait pas été confronté à une Grande Démission, la dynamique du recrutement et du maintien en poste a changé. Du fait de la disponibilité accrue des données, de la transformation numérique et de l'automatisation de nombreuses tâches répétitives et routinières, les organisations cherchent à embaucher des personnes hautement qualifiées dotées d'une expertise très pointue. Par exemple, les compétences recherchées au sein du groupe des finances sont rapidement devenues les compétences analytiques et la science des données.

Les employés qui possèdent ces compétences très recherchées suscitent une forte demande et ont donc le choix de travailler avec des organisations culturellement en phase avec leurs valeurs, qui offrent de la flexibilité quant au lieu et aux horaires de travail, et qui donnent la priorité et contribuent à l'apprentissage continu et au perfectionnement des compétences. Bon nombre de ces employés veulent travailler depuis leur domicile à temps plein ou à temps partiel, et ils recherchent de plus en plus des sociétés qui ont de bonnes pratiques en matière d'ESG.

Pour demeurer concurrentiels dans cette course aux talents, les chefs des finances doivent veiller à répondre aux demandes de ces employés et à mettre au point une solide stratégie de recrutement et de rétention. Ils devront mettre à profit leur rôle traditionnel pour examiner les niveaux et les structures de rémunération et, par ailleurs, ils devront aussi de plus en plus instaurer la bonne culture d'entreprise.

Transformer la culture d'une entreprise n'est pas chose facile; c'est un processus chronophage et exigeant. Les dirigeants d'entreprise qui s'y sont déjà risqués ont obtenu des résultats mitigés. Pour entraîner un tel changement, les chefs des finances devront peut-être faire appel à des professionnels de la conception organisationnelle et à des équipes ressources humaines et changement organisationnel afin de définir l'avenir du travail pour leur organisation et d'aider à établir la culture et les infrastructures à l'appui de cette vision.

La formation et le perfectionnement des compétences feront probablement partie intégrante de cette nouvelle culture. Les organisations devront actualiser en permanence la palette de compétences de leurs employés pour veiller à ce qu'ils puissent répondre aux nouvelles demandes et contribuer à la croissance de la société. Pour attirer et retenir les employés, il sera de plus en plus important de s'assurer qu'ils sont dotés du niveau de compétences et de formation approprié pour contribuer à accélérer la croissance, dans le cadre de leur poste.

L'automatisation accrue nécessitera également davantage de formation et de perfectionnement. On croit souvent que l'automatisation remplacera certains rôles traditionnels dans le milieu de travail, mais elle sera plus probablement synonyme de changement au chapitre des exigences relatives aux compétences liées à ces emplois. Les travailleurs concernés devront donc mettre à jour leurs compétences afin de se servir de l'automatisation comme d'un outil et de se consacrer à des tâches plus analytiques.

Les chefs des finances peuvent jouer un rôle en plaidant pour davantage de formation et en veillant à son financement adéquat. La formation et le perfectionnement sont bien souvent les premières victimes des coupes budgétaires. Cependant, les organisations ne devraient pas réduire les coûts dans ce domaine.

Repenser la chaîne d'approvisionnement

La pandémie et le conflit en Ukraine ont beaucoup retenu l'attention en raison des perturbations qu'ils ont provoquées dans la chaîne d'approvisionnement. Ces événements ne constituent toutefois qu'un signal mettant en lumière des problèmes structurels plus larges concernant la manière dont le monde produit les biens et les services.

Il y a un peu plus d'une quinzaine d'années, la chaîne d'approvisionnement a connu un changement majeur alors que la fabrication de produits et la prestation de services ont été transférées dans des pays à plus faible coût. Bien des organisations se sont reposées sur cette structure de chaîne d'approvisionnement et n'ont guère trouvé de raison de la remettre en question.

Lorsque la COVID-19 a véritablement mis le monde à l'arrêt, les organisations de nombreux secteurs ont toutefois été forcées de repenser la structure de leur chaîne d'approvisionnement. Bien des sociétés estiment qu'il n'est plus logique que leur pôle de fabrication se trouve dans des marchés émergents ou dans d'autres pays à faible coût.

Le chef des finances devra participer activement à la refonte de la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise, car le passage à de nouveaux pays ou à plusieurs pays modifiera la structure de coûts de l'entreprise, et l'augmentation des coûts pourrait devoir ultimement être répercutée sur les consommateurs.

Parallèlement, les parties prenantes s'intéressent de près aux chaînes d'approvisionnement du point de vue des facteurs ESG, et cet intérêt doit être pris en compte dans le cadre de toute refonte. Comme le chef des finances est souvent responsable de l'orientation des informations sur les enjeux ESG et de la conformité, il assumera au moins en partie la responsabilité de s'assurer que la chaîne d'approvisionnement de la société répond aux attentes des parties prenantes.

Le chef des finances et l'équipe des finances devront également améliorer leur capacité à prévoir les perturbations dans la chaîne d'approvisionnement. Ils devront donc élaborer de nouveaux systèmes et investir dans de nouvelles technologies afin de mieux surveiller les signaux externes, de les relier entre eux et de produire rapidement des scénarios illustrant les répercussions des perturbations sur les opérations et les finances de l'entreprise.

Accroître l'importance accordée aux facteurs ESG

Les sociétés peuvent s'attendre à ce que les préoccupations en matière d'ESG ne bouleversent pas que leur chaîne d'approvisionnement. Alors que certaines entreprises réalisent des progrès remarquables relativement à leurs stratégies ESG, bien d'autres peinent à savoir par où commencer. Elles essaient de comprendre l'incidence des ESG sur leur société et leur secteur d'activité, et ce que les parties prenantes attendront d'eux. Cependant, les sociétés qui sont à la traîne sur les enjeux ESG le font à leurs risques et périls.

Les clients, les employés et les investisseurs exigent déjà des sociétés qu'elles adoptent de meilleures pratiques en matière d'ESG. Celles qui ne prennent pas des mesures tangibles s'exposent à des ventes perdues, à des difficultés pour attirer et fidéliser les talents, et à des obstacles dans la mobilisation de capitaux. Par ailleurs, le fait de ne pas prêter attention aux risques physiques que les changements climatiques peuvent poser aux activités et à la chaîne d'approvisionnement d'une entreprise est susceptible d'avoir une incidence directe sur son profil de risque et sa structure de coûts. Parmi les défenseurs des ESG, citons les membres de la génération Y qui héritera bientôt du plus important transfert de richesse depuis des dizaines d'années, de sorte que la question des ESG ne fera que gagner en importance. Il est maintenant temps de commencer à établir un cadre ESG au sein des sociétés pour se préparer à l'avenir.

La fonction finance est la mieux outillée pour soutenir l'information ESG, car elle dispose déjà des systèmes, des contrôles et des compétences nécessaires pour compiler et gérer les données de l'ensemble de l'entité, puis pour produire des rapports à l'intention des parties prenantes. C'est la raison pour laquelle le chef des finances est bien souvent le membre de la haute direction qui est appelé à orienter et à gérer les initiatives de la société en matière d'ESG. Pour ceux qui sont déjà avancés dans la production de rapports, le prochain grand défi sera de mettre en œuvre les facteurs ESG dans l'ensemble de l'entreprise, car pour que les pratiques ESG soient durables, elles doivent être intégrées dans l'ADN de l'entité.

Au-delà de la transformation numérique : la résilience et la durabilité

Pour mettre en œuvre les enjeux ESG et, en fin de compte, en faire des facteurs à prendre en compte dans tous les aspects des activités, les chefs des finances pourraient s'inspirer de leur expérience récente en matière de transformation numérique. La plupart des chefs des finances pilotaient déjà la transformation numérique de leur organisation avant que la pandémie accélère considérablement leurs efforts, si bien que la plupart des entreprises sont déjà sorties de leur transformation numérique et sont plutôt engagées dans une phase de résilience et de durabilité numériques.

La phase de résilience et de durabilité numériques survient après la majeure partie des investissements et des efforts visant à numériser l'organisation. À titre d'exemple, les sociétés ont peut-être bâti l'infrastructure nécessaire pour offrir un service à la clientèle en ligne, numérisé les flux des travaux et les processus internes, et mis en place des technologies pour faciliter le travail à distance. Cet effort qui a mobilisé toutes les ressources n'occupe plus le devant de la scène, mais il demeure important pour faire avancer l'entreprise.

Le maintien de la résilience et de la durabilité numériques est un processus qui devra être agile. Il incombe aux chefs des finances de s'assurer que les nouveaux investissements dans les technologies sont faits dans le respect des activités et de la vision stratégique de la société. Ils devront jouer le rôle d'arbitre et trouver un équilibre entre, d'une part, le désir des unités opérationnelles de mettre en œuvre de nouvelles technologies et, d'autre part, savoir quelles innovations seront réellement bénéfiques pour la société. Et même s'ils ne sont pas les premiers responsables de la cybersécurité, ils assumeront, comme tous les autres membres de la direction, la responsabilité de veiller à ce que tous les aspects de la surveillance fassent l'objet d'un niveau élevé d'attention.

La croissance demeure à l'avant-plan

Bien qu'ils soient aux prises avec des préoccupations liées à la durabilité et à la résilience numériques, aux facteurs ESG, à la chaîne d'approvisionnement et à la main‐d'œuvre, les chefs des finances se soucient avant tout de la croissance de l'entreprise. Ils doivent s'assurer que leurs activités et leurs interfaces clients sont adéquatement numérisées pour demeurer concurrentielles. Ils doivent satisfaire les parties prenantes relativement aux objectifs ESG afin de conserver leur part de marché et de garantir leur accès au financement. Qui plus est, ils doivent gérer leur chaîne d'approvisionnement afin de contrôler les coûts et déployer les compétences et les capacités nécessaires pour faire évoluer la société vers l'avenir. Au-delà de ces questions, l'une de leurs responsabilités les plus importantes demeure toutefois le rôle traditionnel consistant à s'assurer que la société peut mobiliser suffisamment de capitaux pour assurer sa croissance.

Dans le contexte d'affaires actuel, et du spectre d'une récession, les chefs des finances devraient s'assurer d'avoir mis en place dès maintenant des mécanismes d'accès aux liquidités en cas de besoin à l'avenir. Ils voudront peut-être étudier des moyens non traditionnels de mobiliser des capitaux pour se préparer au risque que les formes traditionnelles de capitaux deviennent difficiles d'accès. Ils devraient également être ouverts d'esprit quant à la question de savoir si la meilleure voie à suivre pour la société pourrait être une fusion ou une coentreprise.

Bien entendu, il est plus facile de mobiliser des capitaux quand la situation de la société est exemplaire. Aujourd'hui, cela implique de tenir compte des préoccupations des travailleurs, de la chaîne d'approvisionnement, des facteurs ESG, ainsi que de la résilience et de la durabilité numériques. Le chef des finances assume peut-être de plus en plus de responsabilités, mais en définitive, la prise en compte de ces nouveaux sujets de préoccupation lui permet d'exercer plus efficacement son rôle traditionnel.

Communiquez avec nous

Tenez-vous au courant de sujets qui vous intéressent.

Inscrivez-vous aujourd’hui pour avoir accès à du contenu personnalisé en fonction de vos intérêts.

Communiquez avec nous