Texte initialement publié dans le Globe and Mail​

Doron Telem est associé et leader national du groupe Enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance de KPMG au Canada. Katie Dunphy dirige les Services-conseils financiers durables et en matière d'ESG de KPMG au Canada.

Les deux dernières années ont été marquées par des défis sociaux et environnementaux sans précédent qui ont touché le Canada et le reste du monde, intensifiant la pression sur les entreprises pour mettre en place des stratégies environnementales, sociales et de gouvernances (« ESG ») exhaustives. Alors que de nombreuses entreprises réalisent des progrès remarquables, en faisant évoluer les attentes à l'égard de la transparence et de la reddition de comptes, la réglementation qui tarde à être déterminée et l'absence de normes d'information font en sorte que beaucoup d'entreprises ne savent pas par où commencer.

Les parties prenantes, plus particulièrement les investisseurs ayant des horizons de placement à plus long terme, se basent sur les facteurs ESG afin de déterminer la mesure dans laquelle les entreprises sont bien positionnées pour réussir dans un avenir incertain et complexe. Derrière la vague d'engagement « verts » et de promesses « responsables » se cache un milieu des affaires fortement investi dans le changement, et qui navigue en eaux inconnues.

Les facteurs ESG sont nombreux et généralisés. Chaque entreprise devra probablement s'attaquer à une combinaison différente d'aspects allant de la gestion de la pollution, du gaspillage et de la consommation d'eau en passant par une approche solide en matière de diversité, d'équité et d'inclusion, et en assurant finalement la mise en place de contrôles efficaces à l'égard de la conformité réglementaire et de l'éthique des affaires.

Nous avons récemment mené un sondage auprès de propriétaires d'entreprise et de décideurs dans 508 entreprises de taille moyenne partout au Canada afin de connaître leur point de vue au sujet des défis et des occasions en matière d'ESG. Plus de 90 % des répondants ont affirmé que les enjeux ESG ont eu une plus grande incidence sur leur compétitivité, leur réputation et leur résultat net depuis le début de la pandémie de COVID‑19, et plus des trois quarts (82 %) ont mentionné que leurs prêteurs financiers et leurs investisseurs leur demandent de plus en plus d'informations à propos de leurs politiques et leur stratégie en matière d'ESG.

Alors que les dirigeants cherchent à appliquer les principes ESG dans leur prise de décisions, il est crucial que les organisations n'intègrent pas ces principes de manière ponctuelle. Elles doivent plutôt s'assurer que ces principes font l'objet d'une intégration stratégique à long terme, d'un parrainage par la direction et d'un investissement.

Tout ceci est plus facile à dire qu'à faire. Nos recherches ont montré que l'un des principaux obstacles empêchant les entreprises d'aller de l'avant demeure l'acquisition d'une véritable compréhension des enjeux ESG les plus importants qui ont une incidence sur elles. Les dirigeants ont également cité d'autres obstacles majeurs, notamment l'absence de la technologie nécessaire pour mesurer et effectuer un suivi des initiatives en matière d'ESG avec efficacité et la pénurie de main-d'œuvre qualifiée avec l'expertise requise pour la mise en œuvre de solutions.

Avant d'investir dans la technologie et la main-d'œuvre, une organisation doit avoir une bonne compréhension du contexte politique, réglementaire et commercial complexe et évolutif qui touche son entreprise et son secteur d'activité. Qui plus est, le large éventail d'enjeux ESG, allant de la biodiversité, de l'éthique liée à la technologie et à l'intelligence artificielle aux risques liés aux droits de l'homme pour les tiers, fait en sorte que savoir où et comment commencer représente un défi.

Par exemple, la complexité du risque auquel les sociétés sont confrontées du seul fait des changements climatiques est ahurissante. Les risques liés à la transition proviennent du virage vers une économie sobre en carbone, alors que les investisseurs, les consommateurs et les gouvernements font pression sur les entreprises pour qu'elles décarbonisent leurs activités en choisissant des sources d'énergies renouvelables afin de réduire leurs émissions. Les risques physiques, exacerbés par la hausse des températures mondiales moyennes, comprennent des phénomènes météorologiques graves tels que des inondations, des tempêtes et des sécheresses, et perturbent les chaînes d'approvisionnement, ce qui a une incidence sur les coûts des intrants et les exigences en matière d'approvisionnement.

La performance financière d'une organisation peut aussi être touchée par des changements dans la disponibilité, l'approvisionnement et la qualité de l'eau, par la sécurité alimentaire et par des changements de température extrêmes touchant les locaux, les opérations, la chaîne d'approvisionnement, les besoins liés au transport et la sécurité du personnel de l'organisation.

L'acquisition d'une compréhension approfondie de l'incidence de ces enjeux est une première étape essentielle, mais les sociétés doivent par la suite traduire ces enjeux en plans d'affaires et actions clairs, à la fois pour réduire les risques et tirer profit des occasions.

Les parties prenantes s'attendent de plus en plus à davantage d'informations qualitatives et quantitatives de meilleure qualité au sujet de la contribution et de l'exposition d'une organisation aux risques liés aux changements climatiques, de la résilience de ses stratégies ainsi que des mesures d'adaptation qu'elle adopte afin d'assurer sa réussite et le respect de sa stratégie. Les sociétés qui sont en mesure de présenter des stratégies à plus long terme sont également susceptibles de profiter d'un avantage lorsqu'elles attirent des capitaux d'investissement ou vendent leur entreprise.

Alors que les enjeux ESG sont maintenant une réalité en matière d'accès au capital, les sociétés qui deviennent plus durables et plus résilientes disposent manifestement d'avantages et d'occasions. Par exemple, une évaluation des enjeux ESG de la chaîne d'approvisionnement d'une société pourrait aussi mener à la diversification des fournisseurs selon les facteurs climatiques, les objectifs de diversité ou les risques liés aux droits de l'homme, et, par conséquent, protéger la société contre des perturbations coûteuses ou des atteintes à sa réputation et à son image de marque. Cette évaluation peut aussi aider les sociétés à obtenir une plus grande rétention des employés, une fidélisation accrue de la clientèle et le statut de partenaire d'affaires privilégié.

Façons dont les sociétés canadiennes peuvent entreprendre leur cheminement ESG

  1. Il convient d'envisager sérieusement l'intégration des enjeux ESG dans toutes les sphères de vos activités, notamment dans vos discussions stratégiques et vos plans d'investissement. Le cheminement demande du temps, et une planification avancée est cruciale, mais les avantages à long terme potentiels dont bénéficieront vos parties prenantes et votre entreprise sont considérables.
  2. Harmonisez votre stratégie en matière d'ESG avec la mission, la vision et les valeurs de la société. Pensez au rôle que jouera votre organisation dans la création d'un avenir plus durable et plus équitable.
  3. Identifiez les répercussions les plus importantes (directes et indirectes) de vos opérations et les risques d'entreprise qui y sont liés. C'est là que vous devez vous concentrer. Afin d'encourager des changements significatifs, la majeure partie de vos efforts doit cibler ces sujets potentiellement importants.
  4. Considérez les occasions et les risques en matière d'ESG par rapport à la chaîne de valeur dans son ensemble. La démarche ESG devrait englober les décisions que vous prenez concernant les partenaires d'affaires et les tiers, les fournisseurs, les clients, les communautés et marchés locaux. Ces parties peuvent-elles défendre vos valeurs et vous soutenir dans votre cheminement ESG? Associez-vous avec les parties qui le pourront, et aidez-vous mutuellement en cours de route.
  5. Établissez des cibles et des objectifs mesurables et temporels afin d'effectuer le suivi de vos progrès. Pour ce faire, vous devrez définir des indicateurs clés de performance (« ICP »). Ces ICP devraient tenir compte des référentiels d'information et cadres de présentation de l'information émergents, des pratiques des pairs et des attentes des parties prenantes.
  6. Communiquez votre performance dans une publication juste et équilibrée. Les rapports ESG peuvent courir le risque d'« écoblanchiment » en mettant trop l'accent sur les bons aspects tout en évitant d'aborder les défis, les lacunes et les limites qui existent. Une approche équilibrée est préférable.

Le meilleur moment pour discuter des enjeux ESG avec les parties prenantes, apprendre et poser de solides bases pour vos enjeux ESG, c'est maintenant. Nous sommes à la veille d'une profonde transformation de notre économie et de notre société, et même si le chemin sera semé d'embûches, le voyage doit être bien effectué.

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