Texte initialement publié dans le Globe and Mail
Stephanie Terrill, leader d'unité administrative, Services-conseils – Management, KPMG au Canada
Emily Brine, directrice générale, Gestion du cabinet, Talent et culture, KPMG au Canada
Bien qu'il soit clair que les femmes qui travaillent – et en particulier les mères qui travaillent – ont été touchées de façon disproportionnée par la pandémie, la normalisation du travail à distance pourrait s'avérer bénéfique pour leur vie future.
La pandémie a fait des ravages sur la main‐d'œuvre féminine du Canada : même si les femmes représentent près de 48 % des travailleurs, Statistique Canada révèle qu'elles ont subi 53,7 % du total des pertes d'emploi entre mars 2020 et février 2021. Cela a fait chuter leur représentation dans la population active à 55,5 % en avril 2020, alors qu'elle était de 61,2 % en février 2020.
Statistique Canada rapporte que près du quart de la main‐d'œuvre travaille désormais exclusivement à domicile (comparativement à 7,5 % en 2016), et qu'environ 40 % des emplois canadiens se prêtent au télétravail. Bon nombre des femmes qui sont restées sur le marché du travail ont dû s'occuper des enfants ou d'un membre de la famille malade tout en travaillant à la maison, parfois sans espace de travail adéquat ou sans outils technologiques appropriés. Ce déséquilibre entre le travail et la vie personnelle a entraîné des niveaux élevés de stress et d'épuisement, plus que chez les hommes.
Néanmoins, il y a des raisons d'être optimiste alors que nous concevons un nouveau monde du travail d'une manière qui peut bénéficier aux femmes. En raison de l'augmentation du nombre de modèles de travail hybride, où les employés travaillent à la maison au moins une partie du temps, il y aura moins d'attentes à l'égard de l'adhésion à la culture de l'entreprise et à la façon « correcte » d'agir ou de parler, ce qui, avant la pandémie, limitait de façon disproportionnée les femmes de couleur et les femmes handicapées. La perturbation des réseaux traditionnels d'hommes et des préjugés qui sévissent parfois dans la culture de bureau pourrait profiter aux femmes. En effet, selon le sondage Global Women Leaders Outlook de KPMG, la multiplication des nouveaux outils de communication et de collaboration numériques, jumelée à un bassin grandissant de talents attirés par le télétravail, pourrait représenter un catalyseur pour l'égalité des genres.
Le télétravail a également contribué à éliminer les stéréotypes liés au présentéisme, qui récompense ceux qui se rendent au bureau et met l'accent sur la production plutôt que sur l'horaire. À la maison, les femmes peuvent plus facilement organiser leurs diverses responsabilités et tâches, sans devoir se déplacer ou s'habiller pour le bureau, et ainsi terminer leur travail selon l'horaire qui leur convient, leur offrant ainsi un avantage quant à la productivité.
Les femmes gestionnaires font également preuve de plus d'empathie, cruciale pour la constitution et le maintien d'équipes soudées. Les activités virtuelles de consolidation d'équipe exigent plus d'efforts et sont plus susceptibles d'être mises en œuvre par des femmes. En consultant sciemment les membres de leur équipe afin d'évaluer leurs besoins professionnels et personnels, les femmes gestionnaires contribuent à réduire l'isolement et encouragent de nouveaux modes de communication et de connexion globaux.
Ces facteurs ont joué un rôle important dans les changements majeurs qui sont intervenus dans le marché du travail en raison de la pandémie. Les travailleurs voient une chance de se réinventer, de saisir de nouvelles occasions ou de créer leur propre entreprise. Beaucoup de femmes cherchent également à modifier leurs conditions de travail, par exemple en obtenant un meilleur salaire, une flexibilité permanente ou une réduction des heures de travail, et ce, pour favoriser un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle. Selon le sondage de KPMG, les femmes leaders (53 %) sont plus confiantes que les hommes (46 %) dans leur capacité à attirer des talents et à trouver l'aide qualifiée dont elles ont besoin. En bref, elles sont plus confiantes dans leur capacité à offrir une meilleure expérience de travail.
Comment les employeurs peuvent-ils améliorer l'expérience de travail?
La nouvelle norme de travail hybride pourrait davantage aider les femmes si les employeurs offraient des conditions axées sur la souplesse et les nouveaux modes de fonctionnement. En outre, les mesures que les employeurs peuvent prendre leur seront également avantageuses. En voici des exemples :
- Offrir plus de jours de vacances, de congés de maladie et de congés personnels, ainsi que des congés pour raisons familiales ou pour agir comme aidant. Lorsque les femmes ont plus de souplesse dans la capacité de s'acquitter de leurs responsabilités personnelles – un facteur qui peut être aussi important, sinon plus que le salaire –, les employeurs peuvent améliorer la rétention d'employés précieux sans que cela engendre de grandes dépenses. La tendance des femmes à quitter des postes à temps plein, voire le marché du travail, est ainsi freinée.
- Passer d'une gestion axée sur le contrôle à une gestion axée sur le rendement, qui se fonde sur les résultats plutôt que sur le nombre d'heures travaillées au bureau. Les femmes qui travaillent à distance ne devraient pas être reléguées à des postes secondaires; elles doivent aussi pouvoir gravir les échelons de l'entreprise pour accéder à des postes de direction.
- Réévaluer la gestion du rendement afin de valoriser officiellement les tâches qui ne l'étaient pas par le passé, et qui sont principalement réalisées par des femmes, comme les activités de tenue de bureau, les initiatives liées à la diversité, l'équité et l'inclusion et la gestion du personnel. Cela contribue au moral des employés et permet de retenir un plus grand nombre de femmes sur le marché du travail. Ainsi, les employeurs ne perdent pas leurs meilleurs talents, qui pourraient devenir les leaders de demain.
- Mettre en place une structure de promotion automatique; comme les hommes ont tendance à avoir plus de facilité à demander une augmentation de salaire ou une promotion que les femmes, celles-ci pourraient simplement se retirer du processus plutôt que de devoir soumettre leur candidature à un poste plus élevé. La transparence salariale contribue également à réduire les écarts de salaire en faveur des hommes, qui hésitent moins à demander une augmentation. L'employeur se bâtit ainsi une réputation d'équité entre les genres.
Ce n'est un secret pour personne que les femmes devaient concilier travail et vie personnelle bien avant le début de la pandémie. Depuis toujours, elles doivent faire preuve de résilience, d'ingéniosité et d'adaptabilité. Elles souhaitent en même temps profiter d'un horaire plus flexible, d'options de télétravail et d'autres mesures de soutien pour les aider à trouver un meilleur équilibre entre le travail et leur vie personnelle. Dans la nouvelle norme de travail hybride, tout cela sera possible.
Mais tout dépendra de l'attitude des familles, des employeurs et de la société en général, qui doit poursuivre son évolution. Les organisations qui ouvrent les bras aux télétravailleuses plutôt que les marginaliser attireront les meilleures candidates et leur offriront un environnement où elles peuvent donner le meilleur d'elles-mêmes.
Créer un environnement de travail qui permette aux femmes de progresser est non seulement une bonne pratique de gestion, c'est aussi excellent pour les résultats financiers et pour notre économie.
Cet article fait partie de la série Leadership Lab de la section Careers du Globe and Mail, où dirigeants et professionnels partagent leur opinion et offrent des conseils sur le monde du travail.
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