Texte initialement publié en anglais dans le Globe and Mail
Rob Davis est président du conseil d'administration et chef, Inclusion et diversité de KPMG au Canada. Elio Luongo est chef de la direction et associé principal de KPMG au Canada.
Cela fait près de deux ans que l'assassinat de George Floyd alimente la montée des manifestations du mouvement Black Lives Matter. Des entreprises de toutes tailles se sont engagées depuis l'été 2020 à réduire le racisme envers les Noirs, ainsi qu'à embaucher et à faire avancer plus de personnes issues de cette minorité, une initiative que nous avions explorée dans cette chronique il y a presque 18 mois. Ainsi, plus de 500 entreprises canadiennes ont signé l'engagement public de BlackNorth. Ont-elles tenu leurs promesses
L'été dernier, le Globe and Mail a mené un sondage auprès des signataires de cet engagement. Celui-ci révélait qu'une majorité des cosignataires n'avaient ni augmenté le nombre d'employés noirs au sein de leur effectif, ni promu de Noirs à des postes de direction ou de conseil d'administration au cours de la première année suivant leur engagement.
En janvier, KPMG au Canada a sondé 1 000 Canadiens noirs pour connaître leur opinion à savoir si leur employeur s'était montré plus inclusif envers les personnes issues de leur communauté. Plus des deux tiers des répondants ont indiqué que leur employeur avait réalisé certains progrès, que 36 % ont qualifiés de « bons ». Plus de la moitié des répondants ont convenu que leur employeur faisait de véritables percées pour promouvoir l'accession d'un plus grand nombre de Noirs à des postes de direction, et plus de 7 sur 10 ont affirmé que leur gestionnaire et la haute direction comprenaient mieux les obstacles systémiques que doivent affronter les Canadiens noirs.
À l'été 2020, de nombreuses entreprises ont reconnu que le statu quo devait cesser, et beaucoup ont annoncé la fin du classique « boys club » (majoritairement blanc). Les organisations ont compris qu'elles devaient agir différemment, et sont mieux informées des préjugés inconscients et des obstacles systémiques qui empêchent les Noirs d'être promus dans des rôles de direction.
Toutefois, même si les Canadiens noirs estiment que leur milieu de travail est plus inclusif, cela ne s'est pas nécessairement traduit par de meilleures promotions et possibilités d'emploi. En effet, près de 40 % des répondants de notre sondage ont affirmé que leurs perspectives d'avancement demeuraient inchangées depuis l'été 2020. Cependant, la situation des Canadiens noirs à la recherche d'un emploi est encore plus préoccupante. De fait, plus de la moitié des personnes sans emploi issues de ce groupe ethnique ont affirmé que leurs perspectives d'embauche étaient demeurées stables au cours de la dernière année et demie, tandis que 14 % ont affirmé qu'elles s'étaient même assombries, puisque ces chercheurs d'emploi devaient affronter une discrimination accrue au cours du processus de recrutement.
Qu'est-ce qui provoque cette divergence? Bien que nous ayons constaté une sensibilisation accrue au racisme en général de la part des entreprises, une compréhension approfondie des questions qui sous-tendent les inégalités raciales fait toujours défaut, et c'est à ce niveau qu'il faut réellement travailler. Aucun changement durable ne sera possible tant que nous ne comprendrons pas pourquoi les inégalités existent et persistent.
Pour comprendre les inégalités, il suffit d'étudier les données. Malgré une baisse de 8 % de l'ensemble de la criminalité en 2020, le nombre de crimes haineux déclarés à la police au Canada a augmenté de 37 % au cours de la première année de la pandémie – atteignant le plus grand nombre de crimes haineux déclarés à la police depuis que des données comparables sont devenues accessibles en 2009. L'augmentation du nombre de crimes haineux signalés à la police et ciblant la couleur de peau ou l'ethnie est en grande partie attribuable à une hausse de 92 % des crimes perpétrés contre la population noire.
Selon une récente étude de la Fondation canadienne des relations raciales, seulement 49 % des Canadiens noirs affirment que celles-ci sont généralement bonnes, une baisse de 23 % par rapport à 2019.
Cela laisse supposer que le racisme envers les Noirs est toujours répandu et qu'il croît au Canada, malgré les signes des progrès réalisés au sein des entreprises du pays. Tant que nous n'aurons pas éradiqué le racisme à la base, la progression continuera d'être lente.
Que pouvons-nous faire pour accroître la compréhension et accélérer les progrès?
Instruire les employés sur les origines de l'inégalité
Dans tout lieu de travail donné, il arrive souvent que, lors de discussions qui portent sur le sujet ou lorsqu'ils font référence à leurs collègues autochtones, noirs ou de couleur, des employés disent ne pas faire de distinction quant à la couleur de la peau. Bien que ces paroles portent de bonnes intentions et n'impliquent certainement aucun mal, elles écartent involontairement le vécu des personnes qu'elles désignent. Reconnaître que des collègues noirs ont peut-être dû travailler plus fort (tout en étant probablement victimes de discrimination) pour atteindre le même niveau que des collègues non noirs est la première étape pour comprendre la place qu'occupe la couleur de la peau. La mise sur pied de groupes de ressources pour les employés engagés dans la lutte contre les inégalités raciales, ainsi que l'organisation régulière et continue de formations, d'ateliers, d'assemblées générales et de séances d'écoute aideront à mieux comprendre.
Faire de la lutte contre le racisme une plus grande priorité des ressources humaines (RH)
Les services des RH ont dû affronter toute une série d'embûches pendant la pandémie. Devant la flambée des infections à la COVID-19 et des problèmes de santé connexes parmi les membres du personnel, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement et les pressions inflationnistes, les organisations ont retiré les efforts de lutte contre le racisme de leur liste des priorités. Mais il est temps de remettre ces efforts antiracistes au premier plan. Les organisations qui n'ont pas de modèle d'inclusion, de diversité et d'équité (IDÉ) pour répondre précisément à toute forme de racisme risquent de perdre un avantage concurrentiel par rapport à celles qui en ont. Quant aux organisations qui ont mis un modèle en place, leurs équipes de RH doivent se mobiliser et prendre des mesures pour le mettre en œuvre.
Fixer des objectifs et prendre des engagements plus fermes pour embaucher et promouvoir plus de Noirs à des postes de direction
Les objectifs des sociétés doivent être réalistes et relativement proportionnels à l'ensemble de la population. Ils différeront donc en fonction de l'entreprise, du secteur d'activité et de la région; mais sans feuille de route, tout progrès est peu probable. Les objectifs devraient comprendre des mécanismes de responsabilisation intégrés, et leurs résultats devraient être clairs et mesurables. Les entreprises doivent aussi être intentionnelles dans leur façon de recruter des employés noirs. Par exemple, pour promouvoir de nouvelles possibilités, actuelles et futures, elles peuvent communiquer directement avec des organisations de professionnels noirs présentes sur les campus.
Au cours des deux dernières années, de nombreuses entreprises canadiennes ont fait un premier pas important pour sensibiliser leur propre organisation, ainsi que la société, au racisme envers les Noirs.
Maintenant commence le difficile travail visant à comprendre les questions sous-jacentes à la discrimination afin de susciter un changement réellement durable qui éliminera les barrières.
Notre travail ne fait que commencer.
Cet article fait partie de la série Leadership Lab de la section Careers du Globe and Mail, où dirigeants et professionnels font connaître leurs points de vue et conseils sur le monde du travail.
© 2022 Le site globeandmail.com et le journal The Globe and Mail sont des divisions de The Globe and Mail Inc. The Globe and Mail Centre, 351, King Street East, bureau 1600, Toronto (Ontario), M5A 0N1. Phillip Crawley, éditeur