Texte initialement publié dans le Globe and Mail

Lisa Park est directrice, Rémunération globale chez KPMG au Canada. Elle est également fondatrice et présidente du réseau des employés de KPMG pour l'inclusion des personnes handicapées. Elio Luongo est chef de la direction et associé principal de KPMG au Canada.

La pénurie de main-d'œuvre est l'un des principaux problèmes auxquels sont confrontées les entreprises canadiennes à l'heure actuelle, mais il existe un bassin inexploité et sous-représenté de Canadiens qualifiés qui pourrait aider à combler cette lacune : les personnes handicapées.

Il est temps que les entreprises canadiennes s'engagent à embaucher davantage de personnes vivant avec un handicap. Nous devons mettre fin à nos préjugés inconscients et puiser dans un bassin de talents qui a souvent été ignoré ou marginalisé. C'est la chose la plus juste, mais aussi la plus sensée à faire.

Selon l'enquête de 2017 de Statistique Canada sur l'handicap, 6,2 millions de Canadiens de 15 ans et plus (soit 22 % des Canadiens concernés) présentent une incapacité liée à la mobilité, aux fonctions sensorielles, à la douleur, à la santé mentale ou aux fonctions cognitives.

Seulement 59 % des Canadiens en situation de handicap âgés de 25 à 64 ans occupent un emploi, comparativement à 80 % des Canadiens non handicapés. En 2017, 645 000 Canadiens handicapés aptes au travail étaient sans emploi.

Beaucoup d'entreprises s'imaginent que les mesures d'adaptation sont complexes et très coûteuses, mais ce n'est pas le cas. Nous pensons au contraire qu'il est bon pour les affaires d'embaucher davantage de personnes handicapées.

Les personnes handicapées ont une forte capacité d'innovation et d'adaptation

Privées de mobilité, de vue, d'ouïe ou d'autres capacités, les personnes handicapées n'ont d'autre choix que de trouver des moyens uniques et innovants pour faire face aux problèmes et aux situations dans une société qui n'est pas adaptée pour elles. Pour ce faire, elles doivent bousculer les priorités et les façons de faire non seulement pour gagner du temps et de l'énergie, mais aussi pour arriver à la solution optimale de la manière la plus efficiente qui soit.

Ce sont précisément des caractéristiques et des compétences dont nos milieux de travail ont grandement besoin en ce moment.

Les recruteurs demandent souvent aux candidats de parler d'un défi qu'ils ont surmonté dans leur emploi précédent afin d'évaluer leur capacité à résoudre des problèmes. Pourquoi ne pas élargir cette question pour inclure la façon dont une personne a surmonté un défi dans sa vie quotidienne? Les personnes handicapées ne manqueraient pas d'exemples à offrir.

Le télétravail a uniformisé les règles du jeu pour les personnes à mobilité réduite

Le transport constitue l'un des principaux obstacles à l'accès au travail et à l'éducation pour les personnes handicapées.

Grâce à la technologie, les personnes souffrant d'un handicap physique n'ont pas à se soucier de se rendre dans un bureau (qui peut, de toute façon, être inaccessible pour une raison ou une autre). Tout le monde est égal lorsqu'ils sont derrière un écran pendant un appel vidéo, éliminant tout risque de jugement ou de discrimination à l'égard d'une personne en fauteuil roulant, par exemple.

Il n'est pas rare aujourd'hui de proposer un travail entièrement à distance. Les entreprises n'ont donc aucune raison commerciale de ne pas embaucher une personne qualifiée à mobilité réduite. Mais à l'heure où de nombreux employeurs s'apprêtent à adopter un modèle hybride, il faut également savoir que le travail à distance peut accroître l'isolement et le stress des personnes ayant des problèmes de santé mentale. D'autres ont besoin de constance et d'une routine établie, d'où l'importance d'offrir un milieu de travail flexible.

L'éducation postsecondaire plus accessible que jamais

Seulement 14 % des Canadiens handicapés de 25 à 64 ans détiennent un diplôme universitaire de premier cycle ou supérieur – soit la moitié moins que les autres Canadiens – et ce pourcentage diminue à mesure que la gravité du handicap augmente.

L'écart ne tient pas tant à la difficulté d'apprentissage des personnes handicapées qu'à l'absence de transports, de salles de classe et de campus adaptés dans les milieux scolaires.

Heureusement, en 2021, les options quasi infinies de cours en ligne permettent de combler ce besoin. Les organisations reconnaissent de plus en plus la formation par microcrédits et l'apprentissage permanent (certaines ont même renoncé à exiger un diplôme d'études postsecondaires comme condition d'accès à l'emploi). Les personnes handicapées ont davantage de possibilités d'acquérir de nouvelles compétences et connaissances sans avoir à affronter des obstacles physiques, offrant aux entreprises un accès élargi à un nouveau bassin de candidats.

Les personnes handicapées font partie intégrante de la composante « S » de l'équation ESG

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se concentrer sur leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance et à renforcer leurs politiques d'inclusion, de diversité et d'équité. Il n'empêche que, bien qu'elles représentent près du quart de la population, les personnes handicapées sont souvent négligées.

Selon un rapport du groupe Return On Disability, à peine 4 % des entreprises prennent en compte les personnes handicapées lorsqu'elles mettent sur pied de telles initiatives. C'est une occasion manquée.

L'intégration des femmes dans les milieux de travail a progressé. Pour les personnes racisées et les Autochtones, l'évolution est beaucoup plus lente, mais elle se concrétise. En ce qui concerne les personnes handicapées, les gains ont été pratiquement nuls. Il est donc temps d'accorder à ce groupe la même attention qu'aux autres groupes sous-représentés. Si les entreprises sont vraiment déterminées à adopter les principes ESG, elles doivent reconnaître que les personnes handicapées font partie intégrante de la composante « S » de l'équation ESG.

Chaque entreprise et chaque candidat sont uniques. La plupart du temps, l'employeur doit simplement faire preuve d'un peu d'imagination, mais il se peut également qu'il doive investir stratégiquement pour concilier les exigences du poste et les besoins particuliers d'un candidat handicapé.

Nous ne croyons pas que les organisations excluent délibérément les personnes qui vivent avec un handicap. Souvent, nous ne sommes tout simplement pas conscients des préjugés que nous entretenons. Pour contrer cette situation, il faut agir de manière délibérée pour réduire les inégalités.

Nous devons prendre l'initiative d'embaucher davantage de personnes handicapées pour mettre fin à la discrimination involontaire.

Agir délibérément signifie que nous ne pouvons plus ignorer les candidats qui démontrent une capacité exceptionnelle d'innovation et d'adaptation – des compétences très recherchées sur le marché actuel. Embaucher des personnes handicapées est une stratégie à la fois juste et sensée.

https://www.theglobeandmail.com/business/commentary/article-hiring-more-people-with-disabilities-can-address-labour-shortages/#comments (en anglais)

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