Un vent d’optimisme

Les chefs de direction canadiens ont affronté beaucoup de défis au cours de la dernière année. De l’inflation, au resserrement des marchés du travail, en passant par des grincements sur les chaînes d’approvisionnement, de nouveaux règlements, des cyberattaques incessantes et des phénomènes météorologiques extrêmes, les dirigeants d’entreprises ont dû faire preuve de souplesse et repenser toutes les facettes de leurs activités.

Dans le cadre du neuvième sondage annuel Perspective des chefs de la direction de KPMG et de l’enquête de KPMG Entreprises privées 2023 qui l’accompagne, nous avons mené des entrevues auprès de 775 dirigeants d’entreprises au Canada, dont certains travaillent au sein des sociétés les plus influentes au pays, afin d’en savoir plus sur leur façon de penser, leurs stratégies, les défis qu’ils rencontrent et leurs plans d’investissement pour les trois prochaines années.

Malgré les enjeux socio-économiques et climatiques, les dirigeants d’entreprises canadiennes demeurent très optimistes en ce qui a trait aux perspectives économiques du pays et à celles de leurs entreprises. Cet optimisme tient en partie du fait que les craintes d’une récession les ont poussés à améliorer leur efficacité opérationnelle, leur productivité et leur gestion des flux de trésorerie, leur permettant d’être mieux positionnés pour faire face aux vents contraires et stimuler la croissance.

Principaux risques

Le sondage révèle toutefois que les incertitudes entourant la récession, les pressions inflationnistes, les tensions géopolitiques, le resserrement de la réglementation et les changements climatiques sont une source de préoccupation pour tout le monde.

Ces préoccupations ressortent sans équivoque dans les perspectives à court terme. En comparaison avec leurs pairs à l’échelle mondiale, les chefs de direction au Canada (qui représentent au-delà d’un milliard de dollars en chiffre d’affaires annuel) se sont toujours illustrés comme les plus confiants au monde lorsqu’il est question des perspectives de croissance pour leur entreprise sur trois ans. L’année dernière, un pourcentage particulièrement élevé, soit 91 %, des chefs de direction canadiens disaient voir l’avenir de leur entreprise avec optimisme, sentiment reflété par leurs homologues en Espagne (98 %), aux États-Unis (95 %) et en Allemagne (91 %). Cette année, toutefois, en raison du grand nombre d’enjeux qu’ils affrontent, il ne faut pas s’étonner que les chefs de direction à l’échelle mondiale soient moins nombreux à se dire confiants à l’égard des perspectives de croissance de leur entreprise. De fait, ce niveau de confiance tant au Canada qu’en Allemagne a reculé de 11 points et une baisse similaire a été observée en Espagne (12 points) et aux États-Unis (16 points).

Il demeure que le plus grand risque touchant les perspectives de croissance, soit celui qui préoccupe les chefs de direction canadiens, est l’incidence des technologies émergentes ou perturbatrices sur leurs activités. Les mesures nécessaires pour y faire face ont-elles été prises assez rapidement? Leurs technologies sont-elles alignées sur leurs stratégies d’entreprise?

Bien que les risques liés à la réglementation ne soient plus leur première préoccupation comme en 2022, ils figurent toujours parmi les 4 principaux risques pour les chefs de direction, ces derniers devant composer avec une réglementation complexe et en constante évolution dans un grand nombre de domaines, commela fiscalité, les échanges commerciaux, la chaîne d’approvisionnement, la carboneutralité et les exigences en matière d’environnement, de société et de gouvernance (facteurs ESG).

Il ne faut pas s’étonner que les chefs de direction aient classé la cybersécurité et les changements climatiques au bas de leur échelle de risques à court terme puisqu’ils investissent effectivement des millions contre les cyberattaques et visent la carboneutralité depuis plusieurs années maintenant.

De leur côté toutefois, les PME sont en mode rattrapage. De fait, leur première préoccupation est la cybersécurité. Celle-ci est suivie de très près par les technologies émergentes, la sécurité et l’abordabilité énergétiques, ainsi que les risques liés aux changements climatiques.

Priorités

Les chefs de direction canadiens qui ont répondu à l’enquête annuelle Perspective de KPMG disent que leurs priorités opérationnelles pour atteindre leurs objectifs de croissance sur trois ans sont :

Cela reflète les opinions de la majorité des PME qui ont répondu à notre sondage.

Talents

La pénurie de main-d’œuvre qualifiée demeure un obstacle important à la croissance.

Bien qu’un grand nombre d’entreprises reconnaissent qu’elles ont réduit leur effectif en prévision d’une récession qui n’est pas survenue, 88 % des chefs de direction canadiens prévoient embaucher du personnel au cours des trois prochaines années. En comparaison, seulement 59 % des PME ont l’intention de faire de même.

Le problème est de trouver les bons talents qui les aideront à se montrer concurrentiels dans une économie axée sur les technologies et basée sur les services. Soixante-dix-sept pour cent des chefs de direction canadiens (contre 68 % à l’échelle mondiale) affirment que la pénurie de main-d’œuvre et le manque de personnel qualifié menacent les entreprises canadiennes et estiment qu’une approche globale entre le gouvernement, le secteur industriel et les établissements d’enseignement sera nécessaire pour mettre en place des solutions judicieuses pour régler ce problème.

Plus de 8 PME sur 10 (soit 84 %) affirment que malgré l’arrivée d’immigrants au Canada, elles n’arrivent pas à trouver les talents dont elles ont besoin et 72 % disent recruter du personnel hautement qualifié directement à l’extérieur du Canada. Près de 3 PME sur 4 (74 %) ajoutent que le coût élevé de la vie au Canada, imputable essentiellement aux prix exorbitants des logements, fait en sorte qu’il est « extrêmement difficile d’attirer et de fidéliser les meilleurs talents », y compris les travailleurs étrangers.

Les chefs de direction canadiens ont également ciblé la hausse du coût de la vie comme la tendance socio-économique la plus susceptible de nuire à la prospérité de leur entreprise au cours des trois prochaines années.

88%

88 % des chefs de direction canadiens prévoient embaucher du personnel au cours des trois prochaines années

Retour au bureau et modèle de travail hybride

Les dirigeants d’entreprises au Canada et à l’échelle mondiale sont déterminés à faire revenir un plus grand nombre de talents au bureau, même si la proportion d’entre eux qui prévoient un retour à temps plein au bureau au cours des trois prochaines années est passée de 75 % à 55 % par rapport à l’an dernier. En comparaison, 64 % de leurs homologues à l’échelle mondiale s’attendent à ce que l’on renoue avec les méthodes de travail d’avant la pandémie.

Pour accélérer cette tendance, plus des trois quarts (77 %) des chefs de direction canadiens affirment qu’ils sont très susceptibles ou susceptibles de récompenser les effectifs « qui font des efforts pour venir sur le lieu de travail en leur offrant de meilleures affectations, des augmentations ou des promotions », contre 88 % des chefs de direction à l’échelle mondiale et 75 % des PME canadiennes.

Technologie

Toutes les entreprises font de la transformation technologique une priorité.

Cinquante-sept pour cent des chefs de direction canadiens qui ont répondu à l’enquête disent affecter davantage de capitaux aux technologies (contre 54 % à l’échelle mondiale) et 43 % disent investir dans le perfectionnement des compétences et des capacités de leur main‐d’œuvre (contre 46 % à l’échelle mondiale). Ces données reflètent une répartition des capitaux beaucoup plus équitable que l’an dernier, alors que les chefs de direction canadiens disaient investir 80 % de ceux-ci dans les technologies et 20 % dans leur main-d’œuvre.

Du côté des PME, la majorité d’entre elles (87 %) disent qu’elles doivent investir ou qu’elles investissent dans les technologies numériques pour atteindre leurs objectifs en matière de croissance et 83 % d’entre elles disent investir dans ce domaine pour combler leur écart numérique avec le milieu des affaires canadien.

75%

Comptant 75 % de chefs de direction qui investissent en priorité dans l’IA générative

De même, trois quarts des PME se disent inquiètes que le Canada ne suive pas le rythme des États-Unis dans la transition vers l’économie future, surtout en ce qui a trait à l’utilisation de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle (IA), la numérisation et l’innovation, qui sont autant d’outils importants pour améliorer la productivité, réduire les frictions et stimuler la croissance lorsqu’ils sont utilisés stratégiquement et de façon responsable.

Environ un tiers (32 %) des PME disent être fortement d’accord avec l’énoncé d’après lequel elles se pressent pour saisir le potentiel de l’IA et qu’elles recrutent activement des talents, comme des experts en science des données, ainsi que des professionnels techniques et en apprentissage automatique pour les aider à déployer la technologie de l’IA. L’amélioration des compétences de leur personnel est également à leur programme, 80 % d’entre elles encourageant leurs effectifs à acquérir des connaissances dans des domaines comme l’IA et l’analyse de données pour prendre des décisions plus éclairées afin d’améliorer leur exploitation.

L’an dernier, l’IA générative n’avait pas encore fait son arrivée fracassante sur le marché grand public. Aujourd’hui, par contre, les chefs de direction à l’échelle mondiale investissent massivement dans l’IA générative. Comme ils la voient comme leur avantage concurrentiel pour l’avenir, ils en ont fait un investissement prioritaire qui, ils l’espèrent, sera rentable au cours des trois à cinq prochaines années. Comptant 75 % de chefs de direction qui investissent en priorité dans l’IA générative, le Canada arrive en deuxième place, derrière l’Allemagne. En comparaison, la plupart des PME adoptent une approche prudente et attentiste, même si plus de trois quarts d’entre elles estiment que les avantages de l’adoption à court terme de l’IA générative l’emportent sur les risques et qu’elles aimeraient connaître davantage d’exemples de cas d’utilisation commerciale. Nos deux enquêtes révèlent que les parties sondées sont profondément inquiètes des enjeux éthiques entourant l’IA générative, tels que les biais dans les ensembles de données et les questions de protection de la vie privée, de transparence, de désinformation et de propriété intellectuelle.

Cybersécurité

Les cyberattaques sont une menace de tous les instants.

Les cyberattaques gagnant en fréquence, en précision et en malfaisance, les nouvelles technologies peuvent soulever d’autres risques dont nous parlerons davantage dans un prochain article de notre page Analyses. En voici tout de même un aperçu pour susciter votre intérêt : une proportion étonnante de 93 % des chefs de direction canadiens (contre 82 % à l’échelle mondiale) craignent que l’IA générative donne lieu à davantage de cyberattaques et 44 % d’entre eux (contre 52 % à l’échelle mondiale) disent qu’ils ne sont pas prêts à y faire face.

Du côté des PME, l’enjeu le plus important demeure de libérer les capitaux nécessaires pour investir dans la cyberdéfense et embaucher du personnel qualifié pour mettre en œuvre des mesures de cybersécurité ou surveiller les attaques potentielles. Par ailleurs, moins d’un tiers des PME (soit 31 %) embauchent du personnel à l’externe pour faire l’audit de leurs processus et de leurs systèmes de sécurité sur une base régulière. Quelques-unes revoient régulièrement les mesures de sécurité avec les tiers responsables du stockage de leurs données ou de la gestion de leurs systèmes. Les résultats du sondage démontrent un besoin clair et pressant d’évaluer, d’améliorer et d’auditer rigoureusement les pratiques et les protocoles de cybersécurité.

ESG

Les enquêtes révèlent que les entreprises considèrent de plus en plus les facteurs ESG comme un prérequis de base et que la plupart d’entre elles les intègrent dans leur stratégie et leurs activités. Cela n’empêche pas qu’elles doivent néanmoins composer avec d’importants obstacles, dont une réglementation complexe et l’absence de technologies appropriées. Les entreprises changent également leur discours à propos des facteurs ESG, notamment en raison de la politisation du terme. Elles choisissent plutôt de remplacer l’acronyme ESG par le terme durabilité.

Une étonnante proportion de 71 % des chefs de direction a affirmé que leurs efforts en matière de facteurs ESG ne passeraient probablement pas un examen rigoureux (soulignant par le fait même le besoin d’examiner et de combler les lacunes à cet égard, compte tenu des contrecoups que pourraient subir leur réputation, leur situation financière et leur statut social s’ils n’arrivent pas à honorer leurs engagements).

À la lumière de toutes les vies et de tous les emplois qui ont subi les effets de la pire saison de feux de forêt de l’histoire moderne du Canada, auxquels sont venus s’ajouter des phénomènes météorologiques extrêmes aux quatre coins du monde, il ne faut pas s’étonner que nos enquêtes démontrent que les entreprises canadiennes donnent la priorité au facteur environnemental des enjeux ESG.

De fait, les chefs de direction canadiens –plus que leurs homologues des autres pays – donnent la priorité aux enjeux environnementaux, tels que l’atteinte de la carboneutralité (51 % contre 35 % à l’échelle mondiale). De même, 80 % des PME affirment qu’elles sont plus déterminées que jamais à trouver des moyens de limiter leur impact environnemental.

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À propos des enquêtes de KPMG

KPMG International a mené une enquête auprès de 1 325 chefs de direction dans 11 pays (Australie, Canada, Chine, France, Allemagne, Inde, Italie, Japon, Espagne, Royaume-Uni et les États-Unis) et 11 secteurs clés (gestion d’actifs, automobile, consommation et commerce de détail, énergie, services financiers, infrastructures, sciences de la vie, fabrication, technologie et télécommunications). Les chefs de direction sondés proviennent d’entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 500 millions de dollars américains, et un tiers des sociétés sondées affichent un chiffre d’affaires annuel de plus de 10 milliards de dollars américains. L’enquête a été menée du 15 août au 19 septembre 2023.

KPMG Entreprises privées a mené une enquête auprès des propriétaires d’entreprises et des décideurs membres de la haute direction de 700 petites et moyennes entreprises canadiennes du 30 août au 25 septembre 2023, en faisant appel à la plateforme de recherche d’entreprises de premier ordre de Sago. Un quart des entreprises sondées comptent un chiffre d’affaires annuel de plus de 500 millions de dollars canadiens et de moins d’un milliard de dollars canadiens, un quatre d’entre elles compte un chiffre d’affaires annuel de plus de 300 millions de dollars canadiens et de moins de 500 millions de dollars canadiens, 23 % d’entre elles comptent un chiffre d’affaires annuel allant de 100 millions de dollars canadiens à 300 millions de dollars canadiens et 26 % d’entre elles comptent un chiffre d’affaires annuel allant de 10 millions de dollars canadiens à 50 millions de dollars canadiens. Aucune entreprise sondée n’avait un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 millions de dollars canadiens.