Partout dans le monde, les pays se tournent vers une économie verte faible en émissions de carbone, socialement inclusive et efficace sur le plan de l'utilisation des ressources, dans un effort pour résoudre les problèmes liés aux changements climatiques, à la précarité des ressources et à la hausse des inégalités. Or, bien qu'ils jouent un rôle central dans le virage vert, les océans sont plutôt absents de l'ordre du jour des décideurs politiques confrontés à des défis complexes en matière de gouvernance sociale, économique et environnementale.

Pourtant, un récent rapport de KPMG, intitulé You can't go green without blue, démontre qu'une approche « bleue-verte » offre d'intéressantes pistes pour combler les lacunes en matière de gouvernance. Les chefs d'entreprise et les investisseurs peuvent agir dès maintenant pour profiter de la valeur d'une économie des océans saine et durable qui tienne compte à la fois du développement socioéconomique des ressources océaniques et de la protection de nos actifs naturels.

La gestion durable des océans est extrêmement complexe en raison de défis particuliers, comme la combinaison des droits de propriété nationaux et transnationaux, qui rendent la conformité et l'application difficiles pour les organismes de réglementation et les décideurs politiques. Et comme le plus gros de l'impact des activités terrestres des pays développés est supporté par les pays en développement, l'équilibre entre les priorités économiques et environnementales est passé au second plan. L'économie bleue souffre aussi du peu d'importance qu'on accorde généralement aux risques naturels tels que la perte d'habitat, par rapport aux risques climatiques, car, comme le veut l'adage « loin des yeux, loin du cœur ».

Le rapport de KPMG définit les mesures que les gouvernements, les investisseurs et les entreprises peuvent prendre en matière de conformité environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Pour les entreprises plus novices en la matière, le chemin vers l'adoption de pratiques commerciales durables commence par des changements progressifs qui permettront de créer un « espace sûr » dans lequel pourra se déployer l'économie bleue. Quant aux chefs de file ou « leaders », ils auront l'avantage d'être les premiers à définir des modèles de gestion durable complets qui prennent en compte l'ensemble des risques et des occasions inhérents à l'économie bleue.

Les secteurs maritimes traditionnels devront se transformer

Les pratiques et les résultats ESG des secteurs maritimes traditionnels qui ont besoin des océans pour exister, comme la pêche et le transport maritime, feront l'objet d'examens plus minutieux de la part des investisseurs et de l'ensemble des parties prenantes.

Les industries concernées devront subir une transformation radicale pour être reconnues comme des promoteurs de l'économie bleue. Il leur faudra, entre autres, redoubler d'efforts pour atteindre un niveau d'émissions faible ou nul. Il est également à prévoir que les aspects « social » et « de gouvernance » de la stratégie ESG soient examinés de plus près, par souci d'équité envers les maillons les plus vulnérables, comme la pêche artisanale à petite échelle et les droits des marins, qui sont souvent négligés au profit de secteurs plus en vue.

Les novices du secteur seront exposés à de nouvelles mesures réglementaires et devront adopter une approche fondée sur le principe « ne pas nuire », sous peine d'être écartés par les consommateurs et les investisseurs. Les entreprises maritimes de moyenne et grande taille devront, quant à elles, fixer des objectifs ESG mesurables et présenter de l'information financière relative aux changements climatiques.

Les pionniers dans le domaine seront à même de modéliser les risques climatiques afin de quantifier les risques physiques et transitoires des modèles météorologiques et de les incorporer dans leurs processus commerciaux et leurs décisions d'investissement. Les informations ainsi recueillies les aideront à intégrer les principes de l'économie circulaire à leur modèle d'entreprise et à garantir les flux de revenus futurs. Ces chefs de file peuvent s'attendre à ce que les multinationales « terrestres » utilisent leurs relations au sein de la chaîne d'approvisionnement pour influencer les industries en aval, comme le transport maritime, ou soutenir les industries en amont, comme la pêche artisanale.

La biodiversité : point de mire de l'avenir

Les océans transforment la façon de travailler de nombreuses entreprises face à la demande de nouvelles sources de minéraux, d'énergie et de composés biologiques qui pousse les industries « terrestres » dans l'arène maritime. À mesure que les industries étendent leur champ d'action, les entreprises seront appelées à participer aux discussions qui commencent à prendre forme sur les risques pour la nature, l'impact de leurs activités sur la biodiversité et les incidences directes de leurs opérations subaquatiques sur la stabilité terrestre, notamment sur les efforts déployés pour limiter le réchauffement climatique.

Les novices en matière d'économie bleue auraient avantage à déployer leurs ressources en R-D autour des meilleures pratiques dans le domaine. Il leur faudra aller au-delà des modèles à faible émission de carbone et réduire leur impact global sur l'environnement en appliquant les principes de l'économie circulaire qui, en plus de protéger l'environnement, favorisent l'intégration sociale et maintiennent les flux de revenus actuels ou en créent de nouveaux.

Les entreprises plus expérimentées doivent être conscientes que la prochaine étape en matière de présentation de l'information financière relative aux changements climatiques concernera la protection de la nature et l'évaluation des impacts sur la chaîne d'approvisionnement et la chaîne de valeur. On attendra d'elles qu'elles considèrent d'autres options, comme les partenariats public-privé, pour financer l'innovation et les initiatives vertes et bleues dans leur exploration de nouveaux secteurs tels que les centres de données sous-marins, l'énergie thermique des océans et les navires autonomes.

Les industries terrestres doivent reconnaître et gérer leur impact sur l'économie bleue

Les économies océaniques et terrestres sont intrinsèquement liées, de sorte que certaines entreprises dépendent des océans sans le savoir. Les secteurs dont les chaînes d'approvisionnement sont transportées par voie maritime, de même que les industries à forte intensité de carbone et les sources terrestres de menaces marines, comme l'agriculture et les ressources naturelles, sont inclus dans le plan d'action bleu-vert.

À mesure qu'on connaît mieux les conséquences de la dégradation des océans, différents types d'industries terrestres devront réévaluer leur impact sur la chaîne de valeur des terres et des océans et réévaluer la valeur environnementale des océans.

L'opinion sociale est de plus en plus dictée par ce qui est « juste », et pas seulement par ce qui est « légal », et dans de nombreux marchés, la conformité réglementaire n'est plus considérée comme suffisante. La gestion de la réputation devient une priorité pour les entreprises novices des secteurs terrestres concernés. On attend de plus en plus d'elles qu'elles « internalisent les externalités » pour mieux gérer l'incidence de leurs activités sur la nature.

Toutes les entreprises devront acquérir une meilleure compréhension du rôle de l'économie océanique dans le contexte des changements climatiques afin d'analyser, de comprendre et de gérer les risques que la dégradation des océans fait peser sur les progrès réalisés dans le programme d'action pour le climat.

Les organisations chefs de file peuvent créer un environnement économique qui encourage les stratégies bleues, ainsi que la restauration et la protection des écosystèmes océaniques, par exemple en créant un marché du « carbone bleu » tout comme il existe un marché du carbone forestier.

Ces leaders pourraient également appliquer une tarification « sociale » en intégrant à leur cadre d'investissement des évaluations internes des ressources naturelles bleues reflétant la valeur de la conservation de la nature ou le coût des dommages causés à la société et à l'écosystème.

Dans presque tous les secteurs de l'économie, les entreprises n'auront d'autre choix que de gérer, dans une mesure plus ou moins importante, leur impact sur l'économie bleue. Le rapport You can't go green without blue est un excellent point de départ pour les aider à comprendre les enjeux, à approfondir leur réflexion et à réagir en entreprise responsable.

 

Entrevue diffusée sur BNN Bloomberg : There's momentum with the 'green economy', here's why the 'blue economy' should be next

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