On s’attendait à ce que l’intérêt pour les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG ») diminue en 2020, alors que toute l’attention était tournée vers la COVID-19. Toutefois, nous voici en 2021, et l’intérêt pour les enjeux ESG est resté remarquablement fort et gagne même du terrain. Jusqu’à présent cette année, nous avons assisté à plusieurs développements reflétant l’attention accrue accordée aux enjeux ESG, plus particulièrement à la question du climat.

Les États-Unis se sont joints de nouveau à l’Accord de Paris, et la Securities and Exchange Commission (« SEC ») a annoncé la création d’un groupe de travail sur le climat et les enjeux ESG, ce qui pourrait nous rapprocher d’une forme ou d’une autre de divulgation obligatoire d’information sur les enjeux ESG. Au Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF ») cherche à obtenir des commentaires sur la façon dont les banques, les sociétés d’assurance et les régimes de retraite mesurent les risques climatiques et les intègrent à leurs activités, à leur bilan et à leurs efforts de gestion des risques. Plus récemment, en avril 2021, la création de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (« GFANZ ») a été annoncée, rassemblant 160 banques, sociétés d’assurance et responsables d’actifs d’une valeur de plus de 70 000 milliards de dollars américains, afin d’accélérer la transition de l’économie mondiale vers des émissions carboneutres d’ici 2050.

L’élan pour la quantification des risques climatiques s’accentue; ces derniers sont comptabilisés dans le provisionnement des pertes sur prêts (IFRS 9), les évaluations d’entreprises (Association pour la comptabilité durable) et la quantification des émissions financées. Alors que les risques liés au climat gagnent en importance, tant à l’égard des informations à fournir à l’externe que des états financiers, les comités d’audit devront mieux comprendre comment la direction identifiera, comptabilisera et communiquera les risques liés au climat.

Les enjeux ESG vont au-delà des changements climatiques

Bien que les changements climatiques demeurent sans contredit la question déterminante de notre époque, la pandémie a accru l’accent mis sur les composantes sociales des facteurs ESG, comme le capital humain, la santé et la sécurité des employés, de même que la sécurité financière. La COVID-19 a souligné le rôle essentiel que les banques peuvent jouer pour soutenir la résilience des communautés. De même, la diversité, l’équité et l’inclusion font maintenant partie des priorités des investisseurs. En fait, ils constituent le deuxième enjeu ESG qui mobilise le plus les investisseurs canadiens, juste derrière les changements climatiques. Cette évolution de la hiérarchie des enjeux ESG rappelle aux comités d’audit qu’ils doivent se tenir au courant de l’évolution des priorités actuelles et futures des enjeux ESG. Par exemple, des indices précoces démontrent que la biodiversité et les services écosystémiques pourraient gagner en popularité.

Les banques, une force positive

Le pouvoir du capital en tant que facteur de changement positif a mis les banques sous le feu des projecteurs afin qu’elles intègrent les enjeux ESG à leurs modèles d’affaires et d’exploitation. Alors que les pays et les sociétés du monde entier s’engagent envers une économie à faibles émissions de carbone, des sommes potentiellement astronomiques d’argent seront nécessaires pour faire cette transition. La transition énergétique à elle seule devrait nécessiter 15 000 milliards de dollars de nouvelles capacités de production d’énergie, 14 000 milliards de dollars en mises à niveau du réseau et 1 000 milliards de dollars pour les minéraux de transition énergétique critiques d’ici 2050.

Les banques sont extrêmement bien placées et bien équipées pour aider à combler ce déficit de financement en réorientant les flux de capitaux vers des projets, des technologies et des sociétés qui accélèrent la transition. Les banques ont la possibilité d’être un fournisseur de capitaux de choix, étant donné qu’elles perçoivent des frais substantiels sur les prêts et le courtage. Les prêts liés au développement durable et les émissions d’obligations vertes, durables et à impact social sont en hausse. En fait, les émissions mondiales de titres d’emprunt durables ont augmenté de 29 % en 2020 par rapport à l’année précédente pour atteindre un niveau record.

Les banques doivent décider comment elles vont relever le défi et profiter du fait que la société tend à délaisser le carbone. Les comités de direction et d’audit devront se demander quel est le niveau de financement que les banques accordent actuellement (et sont prêtes à accorder) aux « émissions financées » – et s’ils saisissent bien les risques de transition liés aux portefeuilles de prêts existants des banques et aux nouvelles décisions en matière de prêts compte tenu de la tendance croissante à prendre des engagements en vue d’atteindre la carboneutralité d’ici le milieu du siècle. Ils devront également se tenir au fait des récents développements en matière de transition et de taxonomie verte au Canada et dans l’Union européenne en vue d’évaluer les placements admissibles et les possibilités de prêt.

De plus en plus, les investisseurs institutionnels intègrent les enjeux ESG

Pratiquement tous les grands investisseurs institutionnels canadiens tiennent maintenant compte des critères ESG dans leur processus de placement à divers degrés. Des recherches suggèrent que l’investissement ESG offre une protection contre les baisses et est une source potentielle d’alpha, du fait de l’amélioration de la performance financière à long terme.

Les gestionnaires d’actifs et les propriétaires d’actifs peuvent intégrer les facteurs ESG au processus de placement de diverses façons. Les stratégies qui prévalent au Canada et aux États-Unis comprennent l’intégration des facteurs ESG, qui se réfère au processus d’intégration systématique de ceux-ci dans l’analyse et la prise de décisions traditionnelles en matière d’investissement, la mobilisation des actionnaires et le filtrage négatif ou exclusif. De même, les investisseurs institutionnels prennent des mesures en vue de renforcer leur gestion des risques en procédant à une analyse de scénarios quant à la façon dont leurs portefeuilles pourraient se comporter selon différents résultats et scénarios sur le plan du réchauffement climatique.

Alors que l’investissement ESG continue de prendre de l’ampleur, les comités d’audit et la direction devront se demander dans quelle mesure ils souhaitent réorienter leurs activités de gestion d’actifs axées sur le rendement pour tenir compte des enjeux ESG. Au cours des derniers mois, par exemple, on a assisté à une augmentation spectaculaire du nombre d’investisseurs institutionnels qui se sont engagés à avoir un portefeuille carboneutre d’ici 2050. Toutefois, les gestionnaires de fonds doivent comprendre que les facteurs ESG gagnent en importance, tout comme la surveillance accrue entourant ces facteurs.

La SEC a récemment publié une alerte avisant qu’un sous-groupe d’investisseurs institutionnels pourrait présenter de fausses déclarations relatives aux facteurs ESG qui n’étaient pas suffisamment étayées. La SEC attire l’attention sur le manque de concordance entre les informations communiquées par les cabinets au sujet des facteurs ESG et leurs pratiques. Une fois que les entreprises auront pris des engagements et formulé des déclarations en matière d’ESG, elles devront impérativement mettre en oeuvre les processus et les systèmes nécessaires pour les respecter. Autrement, leur réputation pourrait en souffrir et elles pourraient attirer l’attention des autorités de réglementation. Par conséquent, les comités d’audit voudront s’assurer que les informations communiquées par leur société au sujet des facteurs ESG sont conformes à leurs pratiques ESG.

Les assureurs font face à des risques en constante évolution

Les assureurs sont confrontés aux mêmes questions concernant leurs portefeuilles de placements, mais ils doivent aussi s’attaquer aux enjeux ESG du point de vue des souscriptions. Ainsi, leur approche à l’égard des facteurs ESG comporte une forte composante de risque, en particulier en ce qui concerne les changements climatiques. Par exemple, les primes devront tenir compte du risque accru d’inondations et d’incendies de forêt qui accompagnent le réchauffement climatique. Et certains assureurs mettent en place des programmes de littératie en matière d’ESG pour aider les clients à réduire leurs réclamations. Ils pourraient, par exemple, fournir du matériel éducatif sur la manière de réduire les risques d’inondation.

Les facteurs de risque ESG sont inclus dans leur modélisation, et en raison des changements climatiques, ils doivent intégrer de nouvelles hypothèses et un degré de complexité accru. Il n’est plus possible de simplement extrapoler à partir des données passées pour prédire l’avenir.

Les systèmes traditionnels d’établissement de prévisions en matière de risques pourraient devoir être modifiés pour se concentrer sur l’analyse de scénarios, et les assureurs devront faire preuve d’une plus grande souplesse dans leur modélisation pour veiller à s’adapter aux changements climatiques selon ce que dictent les données. Les comités d’audit devront s’assurer de bien comprendre les hypothèses utilisées par la direction et la façon dont elles sont intégrées à la modélisation et aux souscriptions.

Les facteurs ESG présentent à la fois des occasions et des défis pour le secteur des services financiers. Les banques seront questionnées sur leur rôle dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et sur la façon dont elles combleront l’écart financier, tout en tirant parti des nouveaux secteurs de service qui voient le jour lors de cette transition. Les investisseurs pourraient être en mesure d’améliorer leur rendement, mais ils doivent assurer une cohérence entre leurs affirmations et leurs pratiques en matière d’ESG. Quant aux assureurs, ils doivent faire preuve de souplesse face aux nouveaux défis de modélisation que posent les changements climatiques. Les comités d’audit ont un rôle important à jouer pour ce qui est de surveiller l’évolution du contexte des facteurs ESG et de s’assurer que la direction s’adapte adéquatement. Quant aux assureurs, ils doivent faire preuve de souplesse face aux nouveaux défis de modélisation que posent les changements climatiques. Les comités d’audit ont un rôle important à jouer pour ce qui est de surveiller l’évolution du contexte des facteurs ESG et de s’assurer que la direction s’adapte adéquatement.

Quelles questions les comités d'audit devraient-ils se poser?

  • Quel est le niveau de résilience de nos portefeuilles au vu des nombreuses variables entourant les changements climatiques et la transition énergétique?
  • Souhaitons-nous mettre en place des cibles de réduction des émissions? Comment établissons-nous ces cibles, et sont-elles réalistes?
  • Comment pouvons-nous utiliser nos capacités financières pour être une force positive, tout en maintenant un bon sens des affaires?
  • Nos pratiques de gestion et d’informations à fournir suivent-elles la cadence de l’intensification rapide des attentes de l’entreprise en matière de diversité, d’équité et d’inclusion?
  • Quelles sont les préoccupations en matière d’ESG qui sont importantes pour nos parties prenantes, et comment évoluent-elles?
  • Quel est l’état actuel des normes en matière d’informations à fournir sur les facteurs ESG? Qu’est-ce que cela signifie pour nos propres informations à fournir et pour nos attentes en matière d’informations à fournir pour les sociétés de portefeuille?

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