Ce billet a été rédigé en collaboration avec Maciej Lipinski, qui a depuis quitté KPMG au Canada.
Au cours des dernières années, les milieux de travail ont radicalement changé et sont devenus de plus en plus dépendants du travail à distance. Depuis les événements déstabilisateurs de 2020, certains employeurs ont adopté de façon permanente le télétravail, certains ont repris leurs activités sur le lieu de travail et beaucoup d’autres continuent d’élaborer une approche hybride. En ce qui concerne ce dernier mode de travail, des modifications et des mises à jour périodiques sont la norme, car de nombreux employeurs doivent régulièrement se réorienter pour répondre aux attentes et aux besoins changeants de leurs employés, utilisateurs et clients.
Qu’une organisation en soit aux premières étapes de sa transition à un mode de travail hybride ou qu’elle change son approche existante, elle doit considérer plusieurs questions et risques juridiques. Pour gérer efficacement ce processus et faire le point sur les principaux enjeux, la direction doit donc travailler de concert avec ses équipes des services juridiques et des ressources humaines.
Voici 10 questions importantes pour les employeurs qui prennent des mesures pour adopter ou adapter un modèle de travail hybride.
1. Vos employés ont-ils convenu de l’état actuel du lieu de travail?
Le rythme de l’évolution a été rapide dans les derniers temps. Les employeurs qui ont effectué des changements importants dans leur milieu de travail depuis 2020 sont donc invités à revoir la solidité des bases juridiques sur lesquelles ceux-ci reposent. Parmi les éléments à prendre en considération, mentionnons les politiques relatives au milieu de travail applicables, les changements aux conditions d’emploi et la délivrance d’un avis écrit approprié aux employés. Faire le point plus tôt que tard permet de cerner et d’atténuer les risques du point de vue juridique avant que de réels problèmes surgissent.
2. Avez-vous obtenu l’adhésion des employés de tous les niveaux?
La communication est la pierre angulaire d’une organisation efficace. Lorsqu’elle échoue et qu’il n’y a pas d’adhésion de la part des employés, il est peu probable que le changement produise l’effet souhaité. Par exemple, si le style de communication de la direction fait croire à un employé qu’il a été ignoré, il est plus probable que ce dernier ait recours à la justice plutôt que de s’adresser à la direction si d’autres problèmes se présentent. Pour communiquer de façon fructueuse et susciter l’adhésion, il faut bien comprendre les aspects juridiques, disposer d’outils relatifs aux ressources humaines et tenir compte de la psychologie en milieu de travail. Des lacunes dans l’un ou l’autre de ces domaines peuvent entraîner des problèmes dans d’autres sphères.
3. Les employés sont-ils susceptibles d’accepter des changements futurs?
Le changement est devenu la nouvelle norme au sein de nombreux milieux de travail. Toutefois, les employeurs ne disposent pas de la capacité absolue de modifier les conditions de travail. De plus, si un employeur apporte des changements qui ont une incidence importante sur les conditions d’emploi de base de ses employés sans les consulter, il y a un risque juridique qu’ils entraînent un congédiement déguisé. Pour atténuer efficacement ces risques, il faut mobiliser les effectifs avant d’effectuer des modifications, non seulement pour mieux comprendre les points de résistance des employés, mais aussi pour leur offrir un préavis qui les permettra de mieux s’adapter aux changements futurs.
4. Vos programmes et activités d’intégration et de consolidation d’équipe répondent-ils aux attentes?
Les biens immatériels, comme un environnement de travail collaboratif, constituent des moyens précieux de résoudre rapidement les problèmes en milieu de travail. Les expériences de télétravail vécues pendant la pandémie ont confirmé le rôle important que les espaces partagés et les bureaux jouent en faveur d’atouts comme le travail d’équipe, la loyauté et une vision commune de la mission de l’organisation. Lorsque des biens immatériels comme ceux-ci font défaut, le risque que les problèmes en milieu de travail deviennent des problèmes juridiques augmente. Conscients de la valeur ajoutée qu’apporte le travail dans des espaces physiques partagés, les employeurs qui adoptent des modèles hybrides sont invités à revoir la meilleure façon de tirer parti du temps passé au bureau pour favoriser l’esprit d’équipe, créer une culture d’inclusion au travail et assurer l’efficacité des nouveaux employés.
5. Les employés sont-ils motivés à se rendre au bureau?
Pour changer un comportement, il faut la bonne incitation. Étant donné que de nombreux employés se sont habitués à travailler à distance près de la totalité du temps pendant la pandémie, les employeurs qui s’attendent à un retour au bureau d’une certaine proportion d’entre eux devront réfléchir aux moyens de les motiver. Ces mesures peuvent comprendre à la fois des « carottes », comme des activités destinées aux employés sur place et des indemnités pour le transport, et des « bâtons », c’est-à-dire des mesures disciplinaires. Une telle approche comporte assurément certains risques, tant du point de vue juridique que des ressources humaines. Il est donc impératif que vous planifiiez votre approche et veilliez à ce qu’elle soit conforme aux missions et aux stratégies de l’organisation dans son ensemble.
6. Les employés ont-ils exprimé des préoccupations au sujet de l’équité?
La valeur accordée au télétravail par rapport au travail en personne varie d’un employé à l’autre. Pour certains, les avantages du télétravail et les économies relatives au déplacement sont d’une grande importance. Pour d’autres, se rendre au bureau et avoir accès aux ressources disponibles sur place a plus de valeur. Des défis peuvent surgir si certains employés profitent de l’horaire hybride qu’ils préfèrent alors que ce n’est pas le cas pour d’autres.En même temps, permettre à chaque employé de choisir le pourcentage du temps qu’il passe en télétravail et au bureau pourrait perturber les activités et contribuer à l’impression que ceux qui sont moins souvent sur place ne fournissent pas leur juste part du travail. Des processus transparents et équitables pour déterminer l’horaire de présence au bureau et mesurer la capacité de travail sont des outils importants pour répondre aux préoccupations en matière d’équité, mais aussi pour s’assurer que ces préoccupations n’entraînent pas d’incidence négative sur le lieu de travail ou des litiges juridiques. Le recours à une équipe de professionnels chevronnés en services-conseils peut vous aider à planifier votre stratégie et à élaborer des politiques et des processus appropriés dans le cadre de votre modèle de travail hybride.
7. Votre milieu de travail hybride a-t-il créé par inadvertance plus d’heures de travail?
Les frontières entre le travail et la vie personnelle pourraient devenir de moins en moins nettes. Les difficultés liées à la comptabilisation des heures de travail des employés peuvent mener à une accumulation d’heures travaillées, mais non rémunérées et même d’heures supplémentaires impayées. Un point de départ important pour tout employeur est d’établir et de revoir régulièrement des politiques et des conditions d’emploi qui prescrivent les périodes de travail.
Le temps de déplacement des employés pourrait constituer un défi particulièrement important dans le calcul des heures de travail d’un modèle hybride. Bien que le fait de se rendre au bureau ne soit pas considéré comme du temps de travail dans un modèle traditionnel, la situation est moins simple lorsque le domicile d’un employé est aussi son « lieu de travail normal » et que cet employé est tenu de se rendre au bureau pour assister à des réunions en personne. Selon les politiques et les conditions d’emploi qui ont été mises en place, le temps de déplacement pourrait être considéré comme du temps de travail rémunéré.
En Ontario, les employeurs comptant 25 employés ou plus sont maintenant tenus d’instaurer une politique de « déconnexion du travail ». Cela signifie que les employés ne doivent pas traiter de communications liées au travail (courriels, appels téléphoniques, vidéoconférences, envoi ou lecture d’autres messages) en dehors des heures régulières de bureau de manière à « être en inactivité ». À la lumière de cette exigence et des risques que les employeurs pourraient courir, il leur est conseillé de faire examiner régulièrement leurs politiques, qui manquent parfois de clarté, afin de veiller à ce qu’elles comprennent des restrictions appropriées relatives au cumul d’heures de travail non autorisées en dehors de l’horaire régulier.
8. Avez-vous mis en place des mesures de santé et de sécurité appropriées?
Les employés ont certainement des niveaux de confort et des besoins différents en matière de santé et de sécurité au bureau. Tous ceux qui travaillent en personne devraient avoir l’assurance que leur employeur a pris des mesures appropriées et raisonnables (contre le harcèlement en milieu de travail, par exemple) afin de protéger leur santé et leur sécurité tant physique que psychologique. Dans un environnement de travail hybride, les employeurs pourraient devoir prendre en compte de nouvelles considérations, comme l’élaboration de plans de sécurité pour les situations où des employés travailleraient seuls à des heures inhabituelles, ainsi que la mise au point de méthodes de surveillance des communications en ligne et hors ligne afin de repérer des cas potentiels de harcèlement.
Lorsqu’il s’agit de maintenir la santé et la sécurité au travail, la vigilance est essentielle, et les pénalités imposées aux employeurs négligents peuvent être importantes. Par exemple, en Ontario, l’amende maximale pour les infractions à la Loi sur la santé et la sécurité au travail a augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières années, et on s’attend à ce qu’elle continue de renchérir en 2023, passant du maximum actuel de 1,5 million de dollars à 2 millions de dollars.
Une évaluation globale de vos politiques et de vos processus en matière de santé et de sécurité au travail peut vous aider à faire la lumière sur les lacunes qui devraient être comblées en plus de vous permettre d’éviter des problèmes potentiellement perturbateurs et coûteux.
9. Vos employés sont-ils prêts à répondre aux besoins de votre organisation en matière de cybersécurité?
Le recours accru au télétravail a contribué à l’augmentation de la vulnérabilité aux menaces à la sécurité qui visent les employés. Les organisations qui recourent pour la première fois à des effectifs à distance à grande échelle pourraient se retrouver particulièrement vulnérables aux cyberattaques, puisque ce type de menace augmente considérablement chez celles qui adoptent le télétravail. Quel que soit l’avancement des logiciels de sécurité d’un employeur, des employés non formés et non préparés représentent un important point de vulnérabilité pour des cyberattaquants qui utilisent des techniques comme le piratage psychologique.Pour les employeurs qui envisagent d’adopter une forme quelconque de travail hybride à long terme, il est important que les employés qui ont accès à des données sécurisées et confidentielles ainsi qu’au réseau de l’organisation disposent d’outils à jour, de ressources et de formation régulière afin que la cybersécurité demeure ininterrompue, même à distance.
10. Votre organisation est-elle prête à faire face à de nouveaux défis en matière de licenciement?
Le licenciement est un sujet délicat; il faut s’assurer que les attentes et les processus sont clairs dès le départ, car il comporte des risques juridiques et peut devenir coûteux s’il n’est pas géré avec soin. Les modes de travail hybrides peuvent présenter de nouveaux défis et questionnements au moment de la planification du processus de licenciement, notamment :
- Où doit-on tenir les réunions de cessation d’emploi et qui doit y participer?
- Pouvons-nous le faire par vidéoconférence, et serait-ce même préférable?
- Comment le matériel de l’employeur doit-il lui être retourné?
- Comment s’assurer que l’employé continue d’effectuer son travail durant le délai de préavis du licenciement?
- Comment les employés en télétravail sont-ils comptabilisés dans une situation de licenciement collectif?
Ces préoccupations sont une source potentielle de tensions, de confusion et d’augmentation des coûts et des risques si les responsabilités à l’égard du processus de licenciement ne sont pas clairement établies. En collaborant avec des conseillers juridiques chevronnés et des conseillers spécialisés, les employeurs peuvent prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que des processus efficaces et responsables sont prêts à être utilisés au besoin.
Pour obtenir plus de renseignements ou pour planifier un audit du milieu de travail ou un atelier, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe Droit de l’emploi et du travail.
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